Mise en abyme d’un processus de création théâtrale et fable futuriste, Les Animaux sont partout de Benjamin Abitan propose d’intéressantes pistes de réflexion sur la fiction. Mais se perd vite dans ses propres labyrinthes.
Façon présentateur télé un peu dépassé par les événements, Thomas Horeau nous plonge d’emblée dans un futur proche. À une époque, dit-il, où « les ministères de la culture et de l’enseignement supérieur ont fusionné pour devenir un même département au sein du ministère des Sports ». Où artistes et scientifiques sont contraints de partager les mêmes financements et les mêmes espaces de travail. Les mêmes résidences, comme celles qu’organise le Labo Art-Science Théâtre (LAST), qui accueille dans ses murs des artistes et des scientifiques, et les invite à travailler ensemble sur un même sujet. Cette année, les malheureux élus – les conditions de recherche se révèlent vite être assez catastrophiques – sont Jeanne (Mélissa Barbaud), zooanthropologue qui s’intéresse à la perception esthétique des grands singes, et Tom (Samuel Roger), metteur en scène fasciné par l’emprise de la fiction sur le quotidien.
Les animaux sont partout s’ouvre ainsi à la manière d’une dystopie. D’une fable futuriste où l’art n’existe plus pour lui-même, mais seulement comme faire-valoir d’autres disciplines. Ce cadre est posé avec humour, grâce à une mise en abyme qui brouille dès les premières minutes du spectacle les limites entre le réel et sa représentation : ce qui va nous être montré, poursuit le même présentateur, est une reconstitution par les moyens du théâtre de la résidence menée par les deux personnes citées plus tôt. Cela selon des codes précis, parmi lesquels l’utilisation d’un rire pré-enregistré pour signaler les scènes qui s’éloignent de la démarche documentaire initiale. S’ensuit une série de dialogues plus ou moins absurdes entre la scientifique et l’artiste, qui illustrent la grande distance séparant les deux langages rassemblés sur un même plateau de théâtre aménagé en laboratoire. À moins que ce ne soit l’inverse.
Les premiers fragments efficaces, ciselés, laissent hélas vite place à des clichés proches de la caricature. Le metteur en scène s’enlise dans des développements prétentieux sur son rapport à la fiction, tandis que la scientifique semble jouir d’employer un lexique inaccessible à son collègue. Quand soudain, une vidéo vient perturber ce jeu qui s’était déjà essoufflé : venu du futur, une créature hybride – en fait le comédien Antoine Dusollier, déguisé en chien – y intime aux deux résidents l’ordre de travailler à l’avènement de la société à venir. Une « société interspécifique égalitaire », peuplée par des super-animaux qui pourraient être les plus heureux dans le meilleur des mondes s’il ne leur manquait une chose : la fiction.
Dans cette seconde partie, Benjamin Abitan ne cesse de bousculer le peu de certitudes qu’il avait mises en place en début de spectacle. En un délire pseudo-scientifique qui épuise plus qu’il n’euphorise, il fait communiquer ses protagonistes humains avec ses super-animaux du futur par le biais d’un tiroir, tout en révélant que Jeanne et Tom sont en fait interprétés par d’autres personnes. À savoir Olive (Aurélie Miermont) et Serge (Barthélémy Meridjen), qui développent entre eux et avec leurs personnages des relations ambiguës… Sans compter que le binôme central passe son temps à naviguer entre plusieurs espace-temps à l’aide de casques de réalités virtuelles. Plus encore que les animaux, ce sont les fils narratifs qui sont partout dans la pièce de Benjamin Abitan. Si emmêlés qu’on finit par ne plus les distinguer les uns des autres, perdant aussi de vue les questionnements de départ sur la fiction pour ne déboucher sur aucun.
Anaïs Heluin
Les animaux sont partout
Texte et mise en scène : Benjamin Abitan
Collaboration à l’écriture : Mélissa Barbaud, Antoine Dusollier, Thomas Horeau, Barthélémy Meridjen, Aurélie Miermont et Samuel Roger
Avec les voix de Bernard Bloch, Cyril Bothorel, Jeanne Lepers et Thomas Mallen
Chansons : Yiannis Plastiras
Conseil chorégraphique : Julien Gallée-Ferré
Combats : François Rostain
Création vidéo : Olivier Bémer
Lumière et régie générale : Cécilia Barroero
Régie de production : Erik Lebrant
Administration : Silvia Mammano
Illustration : Brecht Evens
Avec : Benjamin Abitan, Mélissa Barbaud, Antoine Dusollier / Thomas Horeau (en alternance), Barthélémy Meridjen, Aurélie Miermont et Samuel Roger
Production : Théâtre de la Démesure
Avec l’aide à la production de la DRAC Île-de-France
Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux Sauvages et du Théâtre Paris-Villette
Avec le soutien de la Mairie de Paris, du théâtre Le Hublot et des Ateliers du Bout du Monde
Production et diffusion Bureau Formart – Cécile Jeanson et Emilie Henin
Durée : 2hLes Plateaux Sauvages
Du 12 au 22 novembre 2019
du 14 au 17 janvier 2020 › Le Hublot (Colombes)
Impressionnant au départ, pendant 20 mn, j’étais subjugué par ce scénario, et puis ça retombe, mais alors jusqu’à l’ennuie, ça cafouille, on ne comprend plus rien, on s’en désintéresse, ça laisse passer des messages…. » de parti pris » c’est écœurant a souhait, et ça n’en fini pas, de finir…. j’ai beaucoup soupiré, parce que il est passé juste a coté d’une oeuvre. j’ai passé finalement un très désagréable moment. Dommage !