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« Le Sommet » et les pics de Christoph Marthaler

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Christoph Marthaler crée Le Sommet à Vidy-Lausanne Festival d'Avignon 2025
Christoph Marthaler crée Le Sommet à Vidy-Lausanne Festival d'Avignon 2025

Photo Mathias Horn

Pour notre plus grand bonheur, le metteur en scène suisse est de retour sur les routes françaises et européennes, et livre une savoureuse et malicieuse satire sur la vacuité intellectuelle et humaine des élites.

Prenons le temps de nous arrêter un instant sur ce Sommet, sur ce titre qui, évidemment, renvoie à cet amas rocheux pointu installé au centre du plateau de la nouvelle création de Christoph Marthaler, à l’abri d’une cabane – plus proche du refuge un peu miteux que du luxueux chalet de Megève – qui semble, de façon curieuse, avoir été construite pour lui éviter les intempéries. Car, derrière cette évidence, se cache une polysémie que le metteur en scène se plaît, avec la malice qu’on lui connaît, à déplier jusque dans ses moindres recoins. « À l’origine, explique l’artiste à l’occasion d’une conversation avec ses deux co-dramaturges, Malte Ubenauf et Éric Vautrin, retranscrite dans le programme de salle, il y a l’idée d’une coproduction entre Vidy-Lausanne en Suisse, la MC93 en France et le Piccolo Teatro de Milan. Le titre vient de là, et l’idée première aussi : un sommet au sommet, un sommet dans les Alpes, quelque part entre ces trois pays. […] Le titre en allemand est Der Gipfel, c’est un sommet au sens de congrès, ou de cime d’une montagne, ou de top du top. Curieusement, c’est aussi le cas en français ou en italien. » Et, moins curieusement, Christoph Marthaler va faire son miel de ces trois dimensions, et orchestrer un sommet au sommet entre des membres du sommet, histoire de les passer au grill, à la manière de souris de laboratoire.

En une image, le metteur en scène semble, d’entrée de jeu, donner un indice sur le degré de considération qu’il porte aux personnages qu’il convoque. Alors que leur jeune hôte (Lukas Metzenbauer) les attend en piquant un petit somme recroquevillé sous un banc, les cinq comparses débarquent, en costumes de montagne, non pas à l’aide d’un ascenseur, mais d’un monte-charge, façon, peut-être, de signifier qu’ils sont plus un poids qu’une chance pour ceux qui croisent leur chemin. Après s’être battus pour sortir de l’étroite boîte métallique, puis ostensiblement ignorés, nos montagnards d’un jour, sans identité ni pedigree, paraissent se mettre au travail. Chacune et chacun empoignent un gros classeur à levier et, au long des chapitres qu’ils égrènent à coups de « One », « Two », « Three », tous forment bientôt une chorale – marthalerienne en diable – à base de « Si », « No », « Ja », « Non », « But », « Qui ? », « Yes », « Nein », comme reflet des différentes langues des comédiennes et comédiens suisses, italiens et français réunis pour l’occasion. De ce conclave, qui n’a rien à envier à ceux des dirigeants européens et mondiaux, tourniquet de sécurité à jardin faisant foi, pourrait sortir une fumée blanche qui viendrait changer la marche du monde, pense-t-on un temps. Oui, mais voilà, l’heure de la biscotte, apportée par ce monte-charge décidément bien autoritaire, sonne déjà, et vient interrompre cette absconse réunion qui ne reprendra jamais son cours.

C’est que, semble nous dire Christoph Marthaler, ces six-là sont davantage là pour la bagatelle que pour le boulot, pour l’apparat que pour le fond des choses, malgré la présence de ces objets – une borne d’appel SOS, un boîtier de premiers secours, une télévision cathodique, un fax complètement fou… – qui, comme toujours chez le metteur en scène suisse, ne cessent de leur jouer des tours, sans qu’ils n’y trouvent rien à redire. Activés par un mauvais génie connaisseur de l’art dramaturgique, ils les mettent à l’épreuve physique – comme ces extincteurs de baudruche qu’il faut s’époumoner à gonfler – ou mentale – à l’image de ce test de mémoire pour le moins complexe qui vise à vérifier que les locataires ont encore assez d’air, duquel les sommets sont privés au profit des villes –, les cajolent – en leur offrant une session sauna ou des beaux kits de nuit – ou leur donnent de faux espoirs – tel cet hélicoptère qui pourrait venir les sauver de cet endroit où, à cause d’un blocage inopiné des routes, ils sont désormais coincés pour les 15 ou 18 prochaines années. Parfois, mais plus rarement, ces dérèglements proviennent directement de leur for intérieur qui se met à déborder et les pousse dans des transes (sages), des crises de visions ou des palabres dans le désert, à l’instar de cette femme qui révèle ses stigmates après avoir prononcé une série d’élucubrations sacrificielles façon Christ en croix ou cette autre qui crie son mal-être à travers le mégaphone extérieur, tandis que ses congénères sont trop occupés à entonner Là-haut sur la montagne de l’abbé Bovet pour l’écouter.

Ainsi couchée sur le papier, cette collection d’instants choisis pourrait ressembler à un fatras qui ne vaudrait que pour sa drôle d’absurdité. Il n’en est rien. Grâce au talent du maestro Marthaler, ces fragments, nourris par des textes de sa plume, de Malte Ubenauf, de ses interprètes, mais aussi d’une série d’auteurs extérieurs, de Pasolini à Shakespeare, en passant par Olivier Cadiot, Werner Schwab ou Christophe Tarkos, pour ne citer qu’eux, constituent autant de pièces d’un puzzle qui, agité par la composition musicale et situationnelle, prend peu à peu la forme d’une savoureuse satire. Entre humour décapant et mélancolie sans pareille, les élites, représentées par ces six hurluberlus, en prennent pour leur grade. En creux, le metteur en scène suisse tance leur incapacité à former un collectif à cause de leur rivalité individualiste, leur fausse modestie – « Je ne veux rien. Je n’ai besoin de rien non plus. […] Une grande pièce me suffit », annonce solennellement l’un aux autres, leur réclamant, de fait, l’entièreté du refuge –, leur intérêt pour l’argent et le luxe superficiel – personnifiée par la ville autrichienne de Fuschl où ils se poussent tous du col d’être allés –, leurs discours à ce point creux qu’ils ne méritent même pas d’être audibles, leur goût pour la représentation, leur peu d’intérêt pour l’autre qu’ils n’écoutent jamais – et qu’ils pourraient même laisser mourir sous leurs yeux –, mais aussi cette barrière de la langue qu’ils ne se donnent même pas la peine de franchir.

Politiques et sociaux, les contours de ce portrait en filigrane ne se dessinent que grâce à la mécanique scénique de très haute précision instaurée par Marthaler – et à l’attention redoublée qu’ils demandent à ses spectatrices et spectateurs. Comme toujours, le metteur en scène fait preuve d’un immense souci du détail, dans sa composition scénographique, où, grâce à l’imaginaire fécond de Duri Bischoff, rien n’est laissé au hasard, comme dans le langage des corps, dans les attitudes qui, dans les actes qu’elles produisent ou les sentiments qu’elles traduisent, en disent tout aussi long que les mots. Avec l’allure de pantins mus par des forces sociologiques, économiques et théâtrales qui tendent à les marionnettiser, et à leur ôter une partie de leur humanité, Liliana Benini, Charlotte Clamens, Raphael Clamer, Federica Fracassi, Lukas Metzenbauer et Graham F. Valentine s’avèrent remarquables. Loin d’être dépossédés de leur capacité de jeu, ils la mettent, au contraire, toute entière au service de la charmante étrangeté, matinée de folie douce, de celui qui leur sert de chef d’orchestre. Façon pour eux, comme pour nous, de célébrer le grand retour du metteur en scène suisse sur les routes françaises et européennes – dont, à l’exception de quelques projets donnés de façon trop sporadique (Die Sorglosschlafenden, die Frischaufgeblühten, Das Weinen, Aucune idée, Bekannte Gefühle, gemischte Gesichter ou King Size), il était largement absent ces dernières années – et de constater à quel point sa vision singulière du monde, de la société et des Hommes nous avait manqué.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Le Sommet
Conception et mise en scène Christoph Marthaler
Avec Liliana Benini, Charlotte Clamens, Raphael Clamer, Federica Fracassi, Lukas Metzenbauer, Graham F. Valentine
Dramaturgie Malte Ubenauf
Scénographie Duri Bischoff
Costumes Sara Kittelmann
Maquillage et perruques Pia Norberg
Lumière Laurent Junod
Son Charlotte Constant
Collaboration à la dramaturgie Éric Vautrin
Assistanat à la mise en scène Giulia Rumasuglia
Répétition musicale Bendix Dethleffsen, Dominique Tille
Stage à la mise en scène Louis Rebetez
Accessoires et construction du décor Théâtre Vidy-Lausanne
Confection de costumes Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa
Régie générale Véronique Kespi en alternance avec Guillaume Zemor
Régie lumière Jean-Luc Mutrux en alternance avec Cassandre Colliard
Régie son Charlotte Constant en alternance avec Marc Pieussergues
Régie plateau Fabio Gaggetta en alternance avec Mathieu Pegoraro
Habillage Cécilé Delanoë

Production Théâtre Vidy-Lausanne ; Piccolo Teatro di Milano – Teatro d’Europa ; MC93 – Maison de la culture de Seine-Saint-Denis
Coproduction Bonlieu Scène nationale Annecy ; Ruhrfestspiele Recklinghausen ; Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ; Festival d’Automne à Paris ; Théâtre National Populaire de Villeurbanne ; Festival d’Avignon ; Maillon Théâtre de Strasbourg – Scène européenne ; Malraux scène nationale Chambéry Savoie ; Les 2 Scènes – Scène nationale de Besançon ; tnba – Théâtre national Bordeaux Aquitaine ; International Summer Festival Kampnagel
Dans le cadre du Projet Interreg franco-suisse n° 20919 – LACS – Annecy-Chambéry-Besançon-Genève-Lausanne
Soutien Cercle des Mécènes du Théâtre de Vidy ; Fondation Pro Scientia et Arte ; Fondation Françoise Champoud

Le Sommet comprend des textes de Christoph Marthaler, Malte Ubenauf et les interprètes, ainsi que des extraits et citations d’Elisa Biagini, Louise Bourgeois, Olivier Cadiot, Patrizia Cavalli, Alvaro de Campos, Bodo Hell, Norbert Hinterberger, Gert Jonke, Antonio Moresco, Aldo Nove, Pier Paolo Pasolini, Werner Schwab, William Shakespeare, Christophe Tarkos, Dylan Thomas, Giuseppe Ungaretti et Patrizia Valduga, ainsi que des musiques inspirées des Beatles, l’Abbé Bovet, Adriano Celentano, Wolfgang Amadeus Mozart, Franz Schubert ainsi que des mélodies populaires suisses et autrichiennes.

Durée : 1h50

Théâtre Vidy-Lausanne (Suisse), dans le cadre de Tempo Forte
du 16 au 25 mai 2025

Ruhrfestspiele (Allemagne)
du 1er au 3 juin

La FabricA, dans le cadre du Festival d’Avignon 2025
du 12 au 17 juillet

International Summer Festival Kampnagel, Hambourg (Allemagne)
du 20 au 22 août

MC93, Maison de la Culture de Bobigny, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 3 au 9 octobre

Théâtre National Populaire de Villeurbanne
du 7 au 12 novembre

Bonlieu, Scène nationale d’Annecy
du 18 au 20 novembre

Temporada Alta, Gérone (Espagne)
les 28 et 29 novembre

TnBA, Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine
du 3 au 5 décembre

Les Gémeaux, Scène nationale de Sceaux
les 10 et 11 décembre

Les 2 Scènes, Scène nationale de Besançon
du 20 au 22 janvier 2026

Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
les 29 et 30 janvier

Maillon Théâtre de Strasbourg, Scène européenne
les 12 et 13 février

Malraux, Scène nationale Chambéry Savoie
les 11 et 12 mars

La Filature, Scène nationale de Mulhouse, en coréalisation avec le Théâtre du Jura
les 20 et 21 mars

18 mai 2025/par Vincent Bouquet
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