Dans un contexte politique brûlant, la nouvelle édition du Kabarett du Birgit Ensemble s’attaque avec bonne humeur et drôlerie aux remous et convulsions de notre paysage politico-médiatique, et montre, grâce à son talent, combien le genre du cabaret peut apporter aux spectateurs, aux fêtes comme au théâtre.
Alors qu’Emmanuel Macron s’exprimait dans une allocution télévisée sur la censure du gouvernement de Michel Barnier, le jeudi 5 décembre dernier, la première de la sixième édition du Birgit Kabarett démarrait. Tables rondes de bistrot et verre de vin attrapé au bar, on est ici comme au café, attablé avec d’autres spectateurs, se demandant si les artistes ont pu intégrer dans leur spectacle les derniers remous d’une actualité politique extraordinairement mouvementée, que le Birgit Ensemble se fait fort de suivre au plus près. Sixième mouture, le processus est donc bien rôdé : Julie Bertin et Jade Herbulot entrent en maîtresses de cérémonie, costume noir rehaussé d’un boa blanc. Derrière elles, de longues guirlandes dorées donnent à la scène un air de fête. Conçu pour accompagner la bascule vers 2025, ce Birgit Kabarett sent bon son ambiance de réveillon, bonne humeur et esprit carnavalesque au programme.
Tout commence, comme il se doit, par la présentation des troupes : quatre « Kabarett girls », Pauline Deshons, Anna Fournier, Morgane Nairaud (en alternance avec Manika Auxire) et Marie Sambourg. Elles ont chacune leur registre d’incarnation de ces personnages politiques qu’on identifie à quelques traits bien sentis, mais aussi parce qu’ils déboulent sur scène avec leur nom écrit sur un carton. Macron, Trump, Barnier, Retailleau, Ciotti, Faure, Mélenchon, mais aussi le duo milliardaire Bolloré/Arnault, quelques ministres inconnus et si vite disparus – Hetzel, Garnier – et la clique NUPES/NFP vont traverser ce spectacle drôle et joyeux. Accompagnée par deux musiciens « déconstruits », Grégoire Letouvet (au piano) et Alexandre Perrot (à la contrebasse), la troupe commence donc à entrelacer les chansons écrites par Romain Maron, et interprétées par les personnages politiques, et les scènes dialoguées où ces derniers interagissent. Les deux maîtresses de cérémonie assurent le rythme et les transitions.
Pari tenu, au prix de réaménagements de dernière minute, le menu colle à l’actualité brûlante, passant notamment par le trio tradi déchu Retailleau-Hetzel-Garnier et le duo de milliardaires friands de médias, Bolloré et Arnault, qui chantent leurs heurs et malheurs. Dans une salle pantinoise de spectateurs de théâtre, le tropisme politique penche plutôt à gauche, se dit-on, mais le spectacle s’aventure aussi du côté de la moquerie de ce bord-ci de l’échiquier. Ouverture bienvenue sur les Ruffin, Tondelier, Roussel et consorts, raillés comme les autres, sans être caricaturés. Le talent des interprètes fait son œuvre, qui est moins celui de l’imitation de la gestuelle ou de la voix qu’une capacité à faire ressortir d’un personnage ce qu’il peut avoir de caractéristique, de drôle et d’inquiétant à la fois.
Un quizz avec le public vient clore le spectacle avant la chanson de rappel qui s’impose. Le Birgit Kabarett, c’est aussi un rapport au public bien particulier. Les artistes tout proches qui circulent entre les tables, les adresses yeux dans les yeux, une ambiance qui se colore progressivement de décontraction et de bonne humeur. C’est un rituel de fêtes, et, en tant que tel, une occasion de railler les puissants, d’en rire, de se retrouver entre gens d’en bas, de la société civile qui se retourne contre ceux qui, toute l’année, occupent leur paysage médiatique, mental parfois, et alimentent leurs espoirs et leurs colères. Rien d’anti-système là-dedans. Car, plus que le plaisir « défoulatoire », la joie de ne pas se prendre au sérieux face à ceux qui se la jouent trop, un décalage du regard et une simplicité retrouvée des fondamentaux du spectacle vivant alimentent le régal du spectateur. En sortant, on s’est d’ailleurs aussitôt informé sur ce que Macron avait dit à la télé ; et on l’a pris avec mordant, mais aussi, parce que le spectacle politique venait de se moquer de la politique spectacle, avec davantage de légèreté.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Le Birgit Kabarett #6
Conception, écriture, mise en scène Julie Bertin et Jade Herbulot / Le Birgit Ensemble
Composition et arrangements Grégoire Letouvet
Paroles Romain Maron
Comédiennes et chanteuses Julie Bertin, Pauline Deshons, Anna Fournier, Jade Herbulot, Morgane Nairaud en alternance avec Manika Auxire, Marie Sambourg
Musiciens Grégoire Letouvet, Alexandre Perrot
Régie générale et lumière Victor Veyron
Régie son Julien MénardProduction Le Birgit Ensemble
Coproduction Théâtre de Chatillon – création dans le cadre de l’association du Birgit Ensemble au projet du Théâtre de Châtillon ; Théâtre Gérard Philipe – CDN de Saint-Denis
Résidence Théâtre au Fil de l’Eau
Avec le soutien de la Région Ile-de-France, du Conseil départemental du Val-de-Marne au titre de l’aide exceptionnelle à la résidence de création, du Centre National de la Musique, et de la SPEDIDAMDurée : 1h45
Vu en décembre 2024 au Théâtre au Fil de l’Eau, Pantin
L’Azimut, Théâtre La Piscine, Châtenay-Malabry
les 17 et 18 décembreLe Volcan, Scène nationale du Havre
les 20 et 21 décembreThéâtre Gérard-Philipe, CDN de Saint-Denis
du 8 au 19 janvier 2025Théâtre de Châtillon
les 23 et 24 janvier
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