Le journal de travail de Patrice Chéreau, les années 69-71

Actes Sud Théâtre publie le deuxième tome du Journal de travail de Patrice Chéreau (1944-2013), sur ses années 69-71. Un ouvrage préfacé par Charlotte Rampling, actrice dans La Chair de l’Orchidée, son premier film sorti en France en janvier 75.

L’idée de tourner son premier a commencé à germer en 1971. C’est l’intérêt de cet ouvrage – et aussi sa complexité dans sa forme – de constater à quel point Patrice Chéreau menait plusieurs projets de front. « Il dirigeait son film comme une chorégraphie » écrit l’actrice. « Un révolutionnaire grondait en lui, son art allait changer le monde et ses notes lues aujourd’hui me le confirment« .

Pendant ces années, il passe beaucoup de temps au Piccolo Teatro de Milan invité par Paolo Grassi. Il y met en scène Splendeur et mort de Joaquin Murieta de Pablo Neruda, Toller, scènes d’une révolution allemande de Tankred Dorst et Lulu de Frank Wedekind. Il s’essaie à l’opéra toujours en Italie lors de l’été 69 au Festival des deux mondes de Spolète avec L’Italienne à Alger de Gioacchino Rossini, puis à la Monnaie de Bruxelles, La Traviata de Giuseppe Verdi.

En France, ruiné après l’expérience du Théâtre Gérard Philipe à Sartrouville (il doit rembourser personnellement 600 000 francs, dette qui ne sera apurée que lors de son arrivée à Nanterre en 1982), il met en scène au Théâtre du Gymnase à Marseille Richard II de William Shakespeare, il joue lui-même le rôle-titre. Au Théâtre de la Cité de Villeurbanne, dirigée par Roger Planchon, il met en scène Massacre à Paris de Christopher Marlowe avec Loleh Bellon dans le rôle de Marguerite de Valois.

Dans ses notes, Patrice Chéreau parle peu de son travail au plateau, mais se concentre sur la dramaturgie des pièces. Sur Toller, il se questionne sur la façon de « montrer (…) le mécanisme rigoureux de la répression« . Les pages les plus savoureuses concernent son analyse de Richard III datant d’octobre 1969 avec quelques phrases pour chaque scène. On se délecte de ses commentaires en lien avec l’Histoire. Quand il parle de la démence de Richard, il dit « Peut-être sait-il que l’Angleterre est une affaire qui périclite comme Edgar Faure pendant la guerre d’Algérie« .

Ce livre est le deuxième d’une série de six volumes consacrée aux notes du metteur en scène, issues des archives du fonds Patrice Chéreau conservé à l’IMEC. Il a été annoté par Julien Centrès.