Bartabas revient à ses premières amours avec ce « Cabaret de l’exil » qui met à l’honneur la culture yiddish dans un enchaînement de numéros à vive allure où les chevaux sont rois. L’humour et la mort s’y côtoient dans une ivresse enchanteresse sous les boiseries immuables du Fort d’Aubervilliers. Plus qu’un spectacle, une expérience à partager à tout âge.
Retour aux sources pour Bartabas ! L’artiste hors norme, écuyer de génie et metteur en scène d’un genre nouveau, avait en effet lancé sa compagnie, le théâtre équestre Zingaro en 1984 avec un Cabaret équestre qui allait se décliner en trois volets au fil des années 80, posant les jalons d’une esthétique autant que d’une éthique et inventant littéralement une forme de spectacle inédite, à la frontière entre l’art équestre, le théâtre, la musique et la danse. Après la parenthèse d’isolement et de repli sur soi induite par la pandémie, le démiurge revient avec une nouvelle création qui renoue avec son premier amour, le cabaret, genre de proximité, ô combien convivial et chaleureux, comme une passerelle par-dessus les époques traversées et les générations de spectateurs embarqués dans cette aventure sans précédent.
Le public est au rendez-vous, nombreux, fidèle et surtout, intergénérationnel. Et Bartabas le lui rend bien avec ce spectacle incandescent où s’enchaînent les numéros dans l’arène. La dramaturgie autant que le dispositif fonctionnent à merveille avec le lieu, le chapiteau tout en bois du Fort d’Aubervilliers, l’antre de Zingaro, son port d’attache depuis ses débuts. Dès l’entrée (et malgré le masque) l’odeur de feu de bois nous happe et le ballet des oies en piste nous accueille de leurs dandinements cocasses au son de l’enclume qu’un forgeron martèle. En un tableau, on a quitté la ville, ses soucis et le reste. Attablés à de petites tables rondes éclairées de bougies, les spectateurs des trois premières rangées bénéficieront bientôt d’une bouteille de vin chaud à partager que de drôles de serveurs en livrée viennent déposer au pas de course dans une chorégraphie aux accents burlesques. “Cabaret de l’exil” puise son inspiration dans la culture juive d’Europe de l’Est, déployant son humour et sa mélancolie sur fond de musique Klezmer jouée en live par les musiciens ardents du Petit Mish-Mash qui donnent ses variations de rythme et de tonalités à la représentation.
Ponctué de bout en bout par le discours d’Isaac Bashevis Singer prononcé lors de la remise de son Prix Nobel de Littérature, déclaration d’amour pleine d’esprit à la langue Yiddish qu’interprète avec brio l’unique comédien du spectacle, Rafaël Goldwaser, ce “Cabaret de l’exil” nous invite au voyage, à l’errance, à la mémoire, hanté par le déracinement du peuple juif. C’est un spectacle parcouru de fantômes et de chimères inquiétantes (hommes à tête de chien, de rapace, de bouc ou de brochet), d’ânes, de corbeaux et de colombes, de chèvres, de charrues et de charrettes, de villages en flammes, d’envolées vertigineuses et de mariées en blanc ou en noir. Les chevaux y ont bien sûr le premier rôle, crinière au vent ou tressée de nattes, lourds chevaux de labour ou jeunes poulains bondissant, ils portent le spectacle comme ils portent les écuyers-acrobates, avec un panache renversant. Une fois de plus, Bartabas orchestre des points de rencontre étincelants entre l’homme et l’animal sur cette piste de terre primitive où humains et chevaux cohabitent dans une énergie commune, un dialogue à l’unisson. Et si la mort et les esprits rôdent, l’humour n’est jamais loin pour exorciser le mal et rappeler l’incroyable vitalité d’une culture lumineuse.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Le cabaret de l’exil
Scénographie, conception et mise en scène : Bartabas
Assistante à la mise en scène : Emmanuelle Santini
Musique originale : Le Petit Mish-Mash
Mihai Trestian : cymbalum, percussions
Adrian Iordan : accordéon, percussions
Marine Goldwaser : clarinette, flûtes, direction musicale
Rejoints par : Ariane Cohen-Addad : violon, alto, chant, Laurent Clouet : clarinette (en alternance) Comédien : Rafaël Goldwaser
Figurante : Amandine Calsat
Cavaliers : Bartabas, Yassine El Hor, Nolwen Gehlker, Emilie Jumeaux, Calou Pagnot, Emmanuelle Santini, Hervé Vincent, David Weiser, Messaoud Zeggane
Micos : Henri Carballido, Stéphane Drouard, Laurent Dupré (Bill), Paco Portero, Bernard Quental, Vladik
Chevaux : Angelo, Conquête, El Cid, Famine, Guerre, Islands Bay, Lucifer, Misère, Noureev, Posada, Raoul, Rustik du Boncoin, Tsar, Ultra, Vasco de l’Effrayere, Victor, Zurbaran, la mule et l’âne, le baudet Joli Cœur.
Responsable des écuries : Bérenger Mirc
Soins aux chevaux : Lola Cournet, Aurore Houdelette, Caroline Viala
Texte du monologue d’ouverture de Isaac Bashevis Singer (Copyright 1978)Durée: 1h30
Du 19 octobre au 27 mars 2022
Les mardis, mercredis, vendredis, samedis à 20h30 Les dimanches à 17h30
Relâches les lundis et jeudis et le samedi 25 décembre
Tout public
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