Dans sa dernière création présentée au Colisée de Roubaix, le chorégraphe Sylvain Groud invite danseurs et musiciens à créer un dialogue sur scène, entre atmosphère nébuleuse et gestes rêches. En plusieurs parties, parfois dissonantes, cette pièce génère toutefois un élan de convivialité.
Peut-on encore s’émerveiller dans un monde qui semble courir à la catastrophe ? C’est la question que pose le chorégraphe Sylvain Groud dans Le Banquet des merveilles. Ancien danseur d’Angelin Preljocaj, il s’intéresse, entre autres, à la relation entre danse et musique, et mise depuis son arrivée à la tête du Ballet du Nord en 2018 sur des projets avec les habitants. Ce sont justement ces deux aspects qui cohabitent dans cette dernière création pour cinq danseurs et quatre musiciens.
Un grand voile blanc fluide recouvre la scène et change bientôt de forme pour faire apparaître des fantômes. Si l’atmosphère est vaporeuse, dans une semi-obscurité, les gestes sont dynamiques, terriens, parfois saccadés et combatifs. Ils transpercent l’atmosphère musicale latente et jazzy. Un dialogue se crée entre les deux ensembles, ou parfois entre un musicien et un danseur, à l’image de cette interprète qui tourneboule en déséquilibre sur les variations d’un saxophone. Des tableaux vivants se déploient, comme ce groupe d’interprètes agglutinés sous le voile ; d’autres déplient des scènes de liesse, en sautillant avec entrain et en tournant à l’unisson.
Cette première partie laisse place, sans crier gare, à la parole des interprètes : « Ne pas savoir où on va, ça, c’est vraiment chouette », lance l’un d’eux, quand un autre déclare, depuis le public, « Moi, ce que j’aime, c’est jouer du violon ». Ce second temps, rythmé par les essayages de costumes d’un danseur, fait tomber maladroitement le quatrième mur, tranchant avec la dimension convenue, bien circonscrite au cadre de la représentation théâtrale, de la première. Ce décalage de registre surprenant casse le rythme, mais laisse toutefois entrevoir une question politique : comment s’émerveiller quand le monde va mal ? Ces prises de parole permettent d’entrevoir la dissonance qui peut naître, à l’heure actuelle, dans le travail des artistes, en leur octroyant une place plus grande que celle d’exécutant ou d’amuseur.
En guise de clou du spectacle, les interprètes entraînent le public pour un grand bal hors de la salle – comme un troisième acte de ce spectacle qui rappelle le geste de la troupe Baro d’evel dans la pièce Qui som ? –, où l’on nous distribue des soupes et du thé à la menthe. C’est donc là que se trouve le banquet ? Malgré sa structure fragmentée, Le Banquet des merveilles nous rattrape alors par sa convivialité.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Le Banquet des merveilles
Chorégraphie et scénographie Sylvain Groud
Assistante artistique Johanna Classe
Composition musicale Yann Deneque
Design sonore Malik Berki
Avec Julian Babou, Malik Berki, Agnès Canova, Mehdi Dahkan, Yann Deneque, Cédric Gilmant, Sylvain Groud, Antoine Marhem, Johana Malédon, Julien Raso, Cybille Soulier
Lumières, scénographie et régie lumières Michaël Dez
Costumes, accessoires Chrystel Zingiro
Assistante et réalisation costumes Élise Dulac
Réalisation costumes Capucine Desoomer, Alice Verron, Céline Billon
Direction technique Robert Pereira
Régie plateau Christopher Dugardin
Régie son Péji HeudeProduction Ballet du Nord, CCN Roubaix Hauts-de-France
Coproduction La Filature, Scène nationale (Mulhouse) ; Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
Avec le soutien de La MPAA (Paris) et de la Compagnie Samuel Mathieu (Toulouse)Durée : 1h30
Vu en novembre 2024 au Colisée, Roubaix
Le Beffroi, Montrouge
le 5 avril 2025La Filature, Scène nationale, Mulhouse
le 6 maiThéâtre Le Forum, Fréjus
le 17 maiThéâtre Les Salins, Scène nationale, Martigues
le 24 mai
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