Pétillant, rondement mené, L’Amour vainqueur créé en 2019 au Festival d’Avignon, destiné aux enfants – mais pas que – redonne un soupçon d’espoir.
Conçu pour les enfants à partir de neuf ans, mais pas que, ce spectacle signe la quatrième incursion d’Olivier Py dans l’univers des frères Grimm. Après La Vraie Fiancée, La Jeune Fille, le Diable et le Moulin et L’Eau de la vie, le metteur en scène a choisi de s’emparer de Demoiselle Maleen, ou plutôt de s’en inspirer, tant le conte allemand a été réécrit, dans le fond comme dans la forme, par ses soins. Amoureuse d’un prince qu’elle ne veut pas délaisser pour épouser, comme lui ordonne son père, le fils du roi d’Angleterre, une jeune femme est enfermée dans une tour pendant sept années. Alors qu’il la croit morte, son prétendant se fait manipuler par un vil général qui lui fait croire qu’il a abandonné ses troupes pendant la guerre, et s’est retrouvé défiguré. Perclus de remords, le prince revêt un masque et tente de survivre dans un monde entièrement dévasté, où la jeune femme qu’il a aimé, une fois sortie de sa tour, erre, elle aussi, jusqu’à retrouver sa dignité grâce au théâtre, qu’elle exerce avec son fidèle jardinier.
Au conte originel, Olivier Py a, fort heureusement, administré un traitement de choc, jusqu’à le transformer en opérette. Entre des fragments de texte en alexandrins blancs – qui ne riment pas – s’intercalent des chansons entraînantes, à la métrique différente, tout juste soutenues par un piano, un violoncelle, une grosse caisse et un accordéon. Inspiré par les plus grands, le metteur en scène a lui-même composé la musique qui accompagne avec vigueur les paroles. Interprétés avec brio et énergie par Clémentine Bourgoin, Pierre Lebon, Flannan Olé et Antoni Sykopoulos, les personnages deviennent de joyeux pantins, capables de s’affranchir des attributs de genre. Quand le jardinier, qui aime embrasser « quand ça pique », se refuse au conflit et à la violence machiste, la fille de vaisselle, sorte d’alter ego du prince, rêve de voguer sur les mers telle une pirate.
Pétillante, la performance est matricée par la scénographie de Pierre-André Weitz, qui reprend une partie des codes du music-hall – les lumières rouge et verte criardes, le mur d’ampoules en fond de scène… – mais aussi du théâtre de tréteaux – les visages maquillés en blanc, les immenses toiles imprimées dont l’une est empruntée au Antigone, monté l’an passé. Talentueux metteur en scène d’opéra, Olivier Py ose, bouscule, et montre qu’il n’est jamais aussi à l’aise que dans ces performances à la confluence de plusieurs arts. Avec une envie et un plaisir perceptibles, il relève un pari bien plus risqué qu’il n’y parait, et prouve, dans un final tout en paillettes, que l’amour peut, au nez et à la barbe du malheur, finir vainqueur.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
L’Amour vainqueur
Avec Clémentine Bourgoin, Pierre Lebon, Flannan Obé, Antoni Sykopoulos
Texte, mise en scène et musique Olivier Py
Scénographie, costumes, maquillage Pierre-André Weitz
Lumière Bertrand Killy
Arrangements musicaux Antoni Sykopoulos
Construction décor Ateliers du Festival d’Avignon
Confection costumes Ateliers de l’Opéra de LimogesProduction originale du Festival d’Avignon, en coproduction avec l’Opéra de Limoges, l’Opéra de Lausanne, la Scène nationale du Sud-Aquitain (Bayonne), le Théâtre Georges-Leygues (Villeneuve-sur-Lot)
Production du Théâtre du Châtelet
L’Amour vainqueur de Olivier Py est publié aux éditions Actes Sud-PapiersDurée : 1h
Théâtre du Châtelet
du 8 au 13 juin 2024
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