La Fiesta divise mais restera comme l’un des grands spectacles de cette édition du Festival d ‘Avignon. Et Galvan prouve qu’il se réinvente une fois de plus.
Pour son entrée dans la Cour des grands on peut dire que le flamenco (contemporain) n’est pas passé inaperçu ! Le public d’Avignon a donc été séduit autant qu’agacé par La Fiesta création d’Israel Galvan qui réunit sur le grand plateau de la Cour d’honneur une douzaine d’interprètes d’horizons divers : ils et elles sont musiciens, danseurs, inventeurs de formes et de sons. Ils constituent la colonne vertébrale de cet opus frondeur. Galvan lui-même ne s’épargne guère : allant jusqu’à dévaler les rangs sur les fesses. Premier geste qui en annonce tant d’autres.
C’est un flamenco de l’altérité mais jamais du renoncement. On sent que le sévillan est allé jusqu’au bout d’un cycle dans sa vie de créateur. Il nous le confiait il y a peu : « je recommence à zéro« . Pour ce Galvan de saison il laisse donc la porte ouverte. Aux chants polyphoniques, à l’orgue, aux voix d’ailleurs (Alia Sellami superbe). A ses côtés, parfois en avant, une découverte le musicien Nino de Elche qui transforme la parole en torrent de notes. Au point d’énerver quelques spectateurs. Galvan tient bon alors. En retrait une bonne partie de La Fiesta il se réserve le solo final, intense, incandescent. Un spectacle dans le spectacle. Il fait gronder le plancher montant avec deux partenaires sur des tables à ressorts. On s’attend à ce que la scène s’ouvre, les avale. Ils sont toujours debout.
Dans le geste même Israel Galavn prend le pas de côté – de profil encore, face à la foule sur un « piano » renversé. Il joue des bras, improvise une variation les doigts courant sur ses dents. On a presque du mal à le suivre. D’une tunique il fait un voile posé sur les yeux : dans ces instants-là Galvan est tous les fantômes du flamenco. C’est sans doute le paradoxe de cette création au plus proche de la tradition et complètement ailleurs. On verra encore cette folie prise dans la lumière des projecteurs, le groupe autour du maître, pour une « fiesta » déboussolée. Le problème de cette présentation au Festival tient en partie au lieu : au delà du 10ème rang il y a de fortes chances que la magie de cette Fiesta vous échappe -la troupe n’utilise qu’un tiers du plateau.
Galvan est une star, il remplit sans mal des théâtres vastes. Pourtant on se prend à rêver d’un espace à sa (dé)mesure comme les Carmes. La Fiesta aurait été encore plus belle. En lui offrant la Cour d’honneur, son vent, ses mythes, on fait à Israel Glavan un beau cadeau mais un cadeau empoisonné. Heureusement ce soir-là le danseur des solitudes avait trouvé l’antidote : l’art en majesté.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Diffusion sur Arte en direct le 19 juillet.
La Fiesta
Conception, direction artistique et chorégraphie Israel Galván
Dramaturgie Pedro G. Romero
Musique Israel Galván et Niño de Elche
Collaboration à la mise en scène Patricia Caballero
Scénographie Pablo Pujol
Lumière Carlos Marquerie
Son Pedro León
Costumes Peggy Housset
Assistanat à la mise en scène Balbi Parra
Avec Eloísa Cantón, Emilio Caracafé, Israel Galván, El Junco, Ramón Martínez, Niño de Elche, Minako Seki, Alia Sellami, Uchi
Production A Negro Producciones
Coproduction Festspielhaus St. Pölten, Théâtre de la Ville/La Villette-Paris, Festival d’Avignon, Théâtre de Nîmes Scène conventionnée pour la danse contemporaine, Sadlers Wells-London, Movimentos Festwochen der Autostadt (Wolfsburg), MA Scène nationale – Pays de Montbéliard, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Théâtre de l’Archipel Scène nationale de Perpignan, Teatro Central de Séville
Avec le soutien de l’Agence andalouse d’institutions culturelles – Junta de Andalucía, INAEM – Ministère de l’Éducation, de la Culture et du Sport d’Espagne et pour la 71e édition du Festival d’Avignon : Adami, Fondation BNP Paribas
Avec l’aide du Grec Festival de Barcelona, Temporada Alta – Festival de Tardor de Catalunya (Gérone), Aichi Prefectural Art Theater (Nagoya)
durée estimée 1h30La Vilette
Du 5 au 11 juin 2018
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