En créant « La Cerisaie », Yann-Joël Collin approfondit sa lecture du théâtre d’Anton Tchekhov. Comme il l’avait fait pour « La Mouette », l’artiste ambitionne de « mettre en jeu la construction du théâtre » à travers ce classique de 1903. Mais cela se fait trop au détriment de l’action dramatique et de l’histoire imaginée par Tchekhov.
Dans la forme, on retrouve l’esthétique très dépouillée de Yann-Joël Collin. Le décor est construit par objets symboliques. Ici, un rideau rouge représente le théâtre. Le vide apparent de la scène est comblé par les idées volontaires du metteur en scène qui s’inscrit ainsi dans la tendance plastique actuelle du théâtre de plateau. Collin s’approprie notamment la phrase d’Antoine Vitez qui invitait à jouer « La Cerisaie comme un vaudeville ». Alors, les portes claquent et les classes sociales s’affrontent en dehors de toute illusion théâtrale – ce qui rend la situation d’autant plus iréelle.
L’esprit de chantier règne sur la pièce. La création est toujours en cours. Dès les premières minutes où les personnages sont présentés comme dans une revue, au suicide final qui achève le transfert interminable des anciens propriétaires de la cerisaie à Lopakhine, l’éternel moujik. Fidèle à cette volonté de montrer la création, tout est visible, le in comme le off. Jusqu’à l’entourage : les acteurs sortent se filmer dans la rue, puis dans le foyer du théâtre. Est-ce une vision de la cerisaie future ? Une fois tous les idéaux achevés et les datchas élevées pour le plus grand bonheur des touristes ?
Dès les premières minutes, on se demande comment Yann-Joël Collin peut faire entrer Tchekhov dans ce cadre décousu. L’ambiance collégiale mais néanmoins ordonnée de l’auteur russe est explosée par une somme d’artifices de mise en scène qui font que ça pète, ça bouge, mais on ne voit pas bien où tout cela va nous mener. L’innattendu, les trop nombreuses surprises déconnectent le texte du vivant et les acteurs semblent appliquer les consignes du metteur en scène parce qu’il a décidé que c’était le moment de les faire. Une impression confortée par le jeu similaire des comédiens : ils sont la plupart du temps en avant-scène, face au public, hurlant leur texte, ainsi, cette foule de personnages est pris dans une dispute permanente. Une sensation bruyante amplifiée par l’orchestre rock qui plonge toute la seconde partie dans une ambiance mariage assez éprouvante. Dommage d’avoir appelé cela « La Cerisaie ».
La Cerisaie de Tchekhov
mise en scène : Yann-Joël Collin
traduction : André Markowicz, Françoise Morvan
par La Nuit surprise par le Jour : Sharif Andoura, Cyril Bothorel, Marie Cariès, Pascal Collin, Sandra Choquet, Manon Combes, Antonin Fresson, Nicolas Fleury, Pierre-François Garel, Thierry Grapotte, Yordan Goldwaser, William Lopez, Eric Louis, Yvon Parnet, Frédéric Plou, Alexandra Scicluna, Sofia Teillet, Tamaïti Torlasco et Nathalie Untersinger
Production La Nuit surprise par le Jour.
Coproduction Théâtre des Quartiers d’Ivry, Centre Dramatique National du Val-de-Marne. En partenariat avec le Théâtre de Chelles. La Nuit surprise par le Jour est soutenue par la DRAC Ile-de-France (Ministère de la Culture et de la Communication) au titre du conventionnement. Remerciements au Théâtre de l’Echangeur – Cie Public Chéri.
Durée : 2h50Théâtre des Quartiers d’Ivry
09 MAI > 05 JUIN 2016 / Théâtre d’Ivry Antoine Vitez
8 AU 10 JUIN 2016 > Nord Est Théâtre CDN Thionville-Lorraine
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !