Sceneweb
  • À la une
  • Actu
  • Critiques
    • Coup de coeur
    • A voir
    • Moyen
    • Décevant
  • Interviews
  • Portraits
  • Disciplines
    • Théâtre
    • Danse
    • Opéra
    • Cirque
    • Jeune public
    • Théâtre musical
    • Marionnettes
    • Arts de la rue
    • Humour
  • Festivals
    • Tous les festivals
    • Festival d’Avignon
    • Notre Best OFF
  • Rechercher
  • Menu Menu

La Cerisaie universelle de Daniel Jeanneteau

A voir, Gennevilliers, Les critiques, Montpellier, Théâtre
Daniel Jeanneteau monte La Cerisaie de Tchekhov au T2G Théâtre de Gennevilliers

Photo Jean-Louis Fernandez

Avec la complicité de Mammar Benranou, le directeur du T2G transforme le chef-d’oeuvre de Tchekhov en point de rencontre de l’ensemble de l’humanité au long d’un geste d’une élégance rare.

Avec le Shizuoka Performing Arts Center (SPAC), Daniel Jeanneteau n’en est pas à son coup d’essai. Depuis 2009, le metteur en scène collabore à intervalles réguliers avec les comédiennes et comédiens japonais membres de la troupe du théâtre dirigé par Satoshi Miyagi. En leur compagnie, il a déjà exploré Anéantis de Sarah Kane, La Ménagerie de verre de Tennessee Williams, mais aussi Les Aveugles de Maurice Maeterlinck. Au fil des années, le directeur du T2G avait pris pour habitude de créer une version franco-française de chacun de ces spectacles, sorte de doubles inspirés, mais sensiblement différents, où il conviait ses plus fidèles acteurs. Invité il y a plusieurs mois à poursuivre ce compagnonnage fécond, Daniel Jeanneteau a, à la demande de Satoshi Miyagi, jeté son dévolu sur Tchekhov, et tenu, cette fois, à briser la mécanique de création duale dans laquelle il s’était progressivement installé. Aux commandes de La Cerisaie, qu’il a finalement préféré à Oncle Vania, le metteur en scène a décidé de réunir sur un même plateau les comédiens français et japonais, de combiner l’Occident et l’Orient, de faire se croiser leurs deux rives, au long de cette pièce qui, comme aucune autre, traduit la déliquescence du monde et la déréliction universelle des êtres, d’hier comme d’aujourd’hui.

Cette oeuvre fondamentale, Daniel Jeanneteau n’a, contrairement à d’autres, pas cherché à en faire « l’expression emblématique d’un monde disparu ». « Si l’on essaie de comprendre ce que ‘faisait’ le théâtre de Tchekhov au moment où il l’écrivait, quel dialogue il instaurait avec son temps, si on le dégage de la gangue passéiste qui s’y est agglutinée au cours du 20ème siècle, et de l’ombre de la Révolution projetant rétrospectivement sur lui le statut de relique, on peut alors le percevoir dans toute sa force d’action, d’intervention cruelle et lucide sur le cours même de l’Histoire, et le caractère strictement contemporain de son regard », note-t-il avec une grande finesse d’analyse. Sous sa houlette, Lioubov, Lopakhine, Varia et consorts n’ont effectivement jamais semblé aussi proches de nous, tels des fantômes éternels et atemporels qui traduiraient à la perfection les errements que nous vivons. Citoyens d’un pays qui agonise sous les coups de boutoir conjugués de l’injustice, de la misère et d’un système politique qui n’est plus que l’ombre de lui-même, tous apparaissent comme nos contemporains, pris en étau entre un passé idéalisé et un présent qui s’emballe, tant et si bien qu’ils ne sont plus en mesure de le comprendre.

À travers l’histoire de cette cerisaie que Lioubov, fraîchement débarquée de Paris et lourdement endettée, doit se résoudre à vendre, Daniel Jeanneteau forme une communauté unique de destins. À l’exception d’Aurélien Estager qui dans le rôle de l’étudiant Trofimov s’exprime indistinctement en français et en japonais, chaque comédienne et comédien use de sa langue maternelle pour s’entretenir avec l’autre, comme si cette barrière antédiluvienne avait disparu, comme si les frontières s’étaient définitivement effacées. Osé dans sa réalisation, ce procédé souligne magnifiquement le caractère universel des sentiments et des tourments esquissés par Tchekhov, et tend à lier l’avenir et les cultures de ces êtres venus de part et d’autre du globe. Grâce à cette audace, Daniel Jeanneteau offre une âme sensible et un caractère unique à sa Cerisaie, devenue le point de rencontre de l’ensemble de l’humanité. À l’avenant, son approche dramaturgique et scénographique, empreinte, comme à l’accoutumée, d’une infinie délicatesse, confère à la pièce une élégance rare. Élégance du décor, élégance de la gestuelle, élégance dans l’appréhension des personnages pour qui le metteur en scène a, tout comme Mammar Benranou qui l’a accompagné dans ce projet, une immense affection et un infini respect. Si chacun affirme son caractère, aucune violence n’affleure, pas même chez Lopakhine, devenu un allié sincère plus qu’un rival revanchard de Lioubov, comme si l’inéluctabilité de la fin était un vecteur de paix, comme si tous prenait conscience qu’ils étaient bel et bien dans un seul et même bateau.

Devant une belle création vidéo où les nuages tendent peu à peu à s’assombrir jusqu’à disparaître complètement, cette Cerisaie brille de pureté et de clarté, et parvient même, dans certaines scènes, à l’image de celle du mendiant, à renouer avec la bouleversante simplicité de son essence. On regrette alors simplement que la distribution ne soit pas toujours à la hauteur de la splendeur de cet écrin et de cette lecture. Au soir de la première au Théâtre de Gennevilliers, un an tout juste après leur prise de rôles, les comédiennes et comédiens semblaient inégalement à l’aise avec le texte de Tchekhov et la complexité de ses personnages. Parmi eux, seule Haruyo Hayama paraissait avoir pleinement trouvé sa voie. À la fois solaire et lunaire, l’actrice réussit à incarner une Lioubov en clair-obscur, à suivre les variations, tantôt mélancoliques, tantôt endiablées, de cette femme déchirante, avec un sens du tact et de la mesure qui, au fond, et malgré les apparences, lui sied parfaitement. À ses côtés, le reste de la distribution japonaise ne parvient pas à s’extraire d’un jeu un peu forcé, tandis que, à l’inverse, leurs homologues français donnent la sensation de flotter dans des rôles très imposants, si finement ciselés qu’ils peuvent en devenir impressionnants, et demander un peu de temps pour se les approprier pleinement.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

La Cerisaie 桜の園
Texte Anton Tchekhov
Traduction André Markowicz et Françoise Morvan (pour le texte français), Noriko Adachi (pour le texte japonais)
Conception et mise en scène Daniel Jeanneteau, Mammar Benranou
Avec Kazunori Abe, Solène Arbel, Axel Bogousslavsky en alternance avec Stéphanie Béghain, Yuya Daidomumon, Aurélien Estager, Haruyo Hayama, Yukio Kato, Katsuhiko Konagaya, Nathalie Kousnetzoff, Yoneji Ouchi, Philippe Smith, Sayaka Watanabe, Miyuki Yamamoto
Scénographie Daniel Jeanneteau
Création lumière Juliette Besançon
Création son Isabelle Surel
Création vidéo Mammar Benranou
Composition musicale Hiroko Tanakawa
Costumes Yumiko Komai

Projet organisé par le T2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique National ; la Fondation du Japon et le SPAC-Shizuoka Performing Arts Center

Production Shizuoka Performing Arts Center (SPAC) ; T2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique National
Coproduction Théâtre des 13 vents, Centre Dramatique National de Montpellier

La Cerisaie d’Anton Tchekhov, traduction André Markowicz et Françoise Morvan, est publié aux éditions Actes Sud.

Durée : 2h20

T2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique National
du 10 au 28 novembre 2022

Théâtre des 13 vents, Centre Dramatique National de Montpellier
du 8 au 14 décembre

11 novembre 2022/par Vincent Bouquet
Partager cette publication
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur X
  • Partager sur WhatsApp
  • Partager sur LinkedIn
  • Partager par Mail
  • Lien vers Instagram
Vous aimerez peut-être aussi
Magali Montoya crée Les Tigres sont plus beaux à voir d'après Jean Rhys Magali Montoya aux pays de Jean Rhys
Le vagabond de la voix, un soir avec Axel Bogousslavsky au Théâtre de Gennevilliers
La ménagerie de verre de Tennessee Williams par Daniel Jeanneteau perd de sa dimension tragique
Oratorio Pavese / L’Inconsolable de Bénédicte Le Lamer & Axel Bogousslavsky
La saison 2024 2025 de l’Opéra Comique
Matthieu Cruciani monte Phèdre de Racine à la Comédie de ColmarLa Phèdre désacralisée de Matthieu Cruciani
« Picture a day like this », une quête miraculeuse
Wareware no moromoro (nos histoires…) de Hideto Iwaï
0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Dans le moteur de recherche, plus de 22 000 spectacles référencés

© Sceneweb | Création site et Maintenance par Limbus Studio
  • L’actualité du spectacle vivant
  • Qui sommes-nous ?
  • Newsletter
  • Politique de confidentialité
  • Signaler un abus
  • Contact
  • Politique de cookies (UE)
Faire défiler vers le haut