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Le fumeux « Procès de Jeanne »

Caen, La Roche-sur-Yon, Les critiques, Moyen, Paris, Théâtre musical
Le Procès de Jeanne d'Yves Beaunesne et Judith Chemla
Le Procès de Jeanne d'Yves Beaunesne et Judith Chemla

Photo Guy Delahaye

Au-delà d’une formidable Judith Chemla, d’une très belle composition musicale et d’un travail vidéo qui finit par s’affirmer – et c’est déjà beaucoup –, Le Procès de Jeanne mis en scène par Yves Beaunesne peine à dessiner un regard sur les minutes du procès de notre héroïne nationale.

Beaunesne, c’est plus Dreyer que Bresson. Au cinéma, on oppose couramment les deux versions de l’histoire de Jeanne d’Arc de ces célèbres cinéastes. Dreyer version passion ; Bresson en mode sobriété. Yves Beaunesne et Judith Chemla ont choisi comme eux de s’appuyer sur les minutes du procès de la pucelle pour construire leur spectacle. Transformé en livret par Marion Bernède, ce document relate les quelque trente interrogatoires successifs que subit Jeanne d’Arc par un aréopage d’ecclésiastiques, le fameux évêque Pierre Cauchon en tête. 1431 : les Bourguignons ont livré Jeanne d’Arc aux Anglais. Ceux-ci se font pressants pour que la jeune fille de 19 ans soit jugée et condamnée. L’Église devient leur bras armé dans un procès en sorcellerie et hérésie, où il lui est principalement reproché d’avoir revêtu un habit d’homme et d’affirmer être entrée en communication directe avec Dieu – ou, en tout cas, ses saints Marguerite, Catherine et Michel –, enjambant par là même l’intercession ecclésiastique.

Jeanne est incarnée par Judith Chemla, seule en scène, avec les six musiciens qui l’accompagnent dans l’ombre derrière elle. L’actrice et chanteuse nous avait bouleversés dans La Traviata de Benjamin Lazar et Le Crocodile trompeur de Samuel Achache et Jeanne Candel. Ici, dans le même double registre, elle prête à l’héroïne française ses yeux noirs et tristes, son allure fière et fragile, sa mélancolique vitalité et ses immenses talents. Tour à tour dressée, farouche, soumise ou suppliciée, elle poursuit un chemin de croix vers le bûcher en conjuguant le courage des héros et la vulnérabilité des humains, de quoi la rendre immensément touchante. Une grande artiste pour une figure légendaire ne suffit toutefois pas à emporter la mise.

Jusqu’à ce qu’elle soit conduite à se soumettre et à renier ses premières affirmations, le combat de Jeanne avec les juges, en effet, tourne un peu en rond. En jeu, le pouvoir de l’Église nié par Jeanne, qui lui préfère celui de Dieu et du Roi. L’inégal combat qui broie la jeune fille, qui trouve la force de résister dans sa foi et sa sincérité, est rendu par l’intermédiaire d’une vidéo concoctée par Pierre Nouvel, où apparaissent les juges, souvent filmés de près, en contre-plongée, inquiétants comme des moines du Nom de la rose. Seule sur son octogone en bois, Judith Chemla s’adresse à eux en les regardant vers le haut. Tout est fait pour souligner la méchanceté des uns, leur écrasante oppression, et, par ricochet, le courage de l’autre, même si parmi les ecclésiastiques traînent quelques good cops, et des relents de miséricorde.

Soit. On n’est aujourd’hui ni défenseur d’une Église, dont on a su appréhender l’historique excès de pouvoir et toute l’implacable rigueur, ni fasciné par une figure nationale reprise par l’extrême droite, illuminée par les voix du Seigneur et guerrière pour son Roi. Certes, les minutes du procès éclairent bien la sacrificielle résistance que Jeanne d’Arc oppose à ses juges inflexibles, et le vécu de violences conjugales de Judith Chemla double inévitablement son interprétation d’une piste de lecture sur le pouvoir masculin. Mais on ne perçoit pas bien ce qu’apporte ce spectacle dans l’appréhension du personnage ni le regard posé sur ce rare et précieux témoignage historique que constituent les minutes du procès. Le systématisme de l’alternance entre scènes parlées et chantées – même si la très belle composition de Camille Rocailleux relance à chaque fois l’intérêt en ouvrant des voies nouvelles – et une interaction avec la vidéo un peu didactique et scéniquement contraignante pèsent jusqu’à ce que l’histoire progresse, rebondisse et que les choix vidéo s’affirment – saisissantes images des juges en très gros plan. Judith Chemla reste, elle, fascinante de bout en bout, grande dans ses émotions, son chant, et l’épuisement qui la terrasse jusqu’au bûcher final. Une robe couleur feu tombe des cintres, une fumée envahissante monte du plancher. La salle toussote, puis se lève et l’acclame.

Eric Demey – www.sceneweb.fr

Le Procès de Jeanne
D’après les minutes du procès de condamnation de Jeanne d’Arc (1431)
Conception Judith Chemla, Yves Beaunesne
Mise en scène Yves Beaunesne
Avec Judith Chemla, Mathieu Ben Hassen (percussions, chant), Emma Gergely (violoncelle, chant), Robinson Julien-Laferrière (trombones, chant), Etienne Manchon (piano et synthétiseurs, chant), Marie Salvat (violon et alto, chant), Hippolyte De Villèle (cor et bugle, chant), et, à l’écran, Jacques Bonnaffé, Thierry Bosc, Jean-Claude Drouot, Patrick Descamps, Jean-Christophe Quenon, Nicolas Midi, Léonard Berthet-Rivière, Michel Vanderlinden, Eric Pucheu, Antoine Laudet, Frédéric Cuif, Eliot Berger
Musique Camille Rocailleux
Livret Marion Bernède
Scénographie Damien Caille-Perret
Vidéo Pierre Nouvel
Lumières César Godefroy
Costumes Jean-Daniel Vuillermoz
Coiffures et maquillages Catherine Bénard
Assistanat à la mise en scène Juliette Séjourné
Régie générale et son Olivier Pot
Régie lumières Karl-Ludwig Francisco, en alternance avec Pauline Buffet
Régie vidéo Isidore Colevret
Régie plateau Eric Capuano, en alternance avec Erika Lowagie
Coiffures et maquillages Catherine Bénard
Réalisation du décor Ateliers de l’Opéra de Limoges

Production Centre International de Créations Théâtrales / Théâtre des Bouffes du Nord
Coproduction Théâtres de la Ville de Luxembourg ; Opéra de Limoges ; Théâtre de Caen ; Théâtre National de Nice ; Opéra de Vichy ; Théâtre Saint-Louis – Pau ; Compagnie de La Chose Incertaine – Yves Beaunesne ; Théâtre Impérial – Opéra de Compiègne ; Centre d’art et de culture de Meudon ; Espace Michel-Simon de Noisy-le-Grand
Avec le soutien du Cercle de L’Athénée et des Bouffes du Nord et de sa Fondation abritée à l’Académie des beaux-arts, du Centre national du cinéma et de l’image animée, du Théâtre Public de Montreuil – Centre dramatique national, du Centre national de la musique du Fonds de Création Lyrique et de la Région Ile-de-France

Durée : 1h15

Théâtre des Bouffes du Nord, Paris
du 29 janvier au 15 février 2025

Espace Michel-Simon, Noisy-le-Grand
le 4 mars

Opéra de Vichy
le 8 mars

Le Grand R, Scène nationale de La Roche-sur-Yon
les 11 et 12 mars

Théâtre de Caen
les 19 et 20 mars

Centre d’Art et de Culture, Meudon
le 25 mars

Théâtre Impérial de Compiègne
le 27 mai

1 février 2025/par Eric Demey
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