Sacrée déception que cette dernière création de Pierre Guillois, qui avait mis la barre haut avec son Cabaret de carton au succès phénoménal. Josiane peine à développer une intrigue accrocheuse et enfile les blagues grossières sur un terrain de vulgarité qui nous laisse dans un état de cruelle perplexité. Néanmoins porté par des interprètes doués, le spectacle ne décolle pas.
Par les temps qui courent, rire au théâtre peut sembler salvateur, mais s’il y a bien une chose délicate à manier, c’est l’humour. Connu et apprécié pour son burlesque rocambolesque, couronné de jolis prix et d’un succès public indéniable – Bigre a reçu en 2017 le Molière du meilleur spectacle comique, tandis que Les Gros patinent bien, cabaret de carton, Molière du théâtre public en 2022, se joue encore actuellement au Théâtre Saint-Georges –, Pierre Guillois fabrique un théâtre de guingois, parfois muet, parfois pas, un théâtre de situation entre le clown, le carton-pâte et le cartoon, un théâtre populaire dans le meilleur sens du terme, qui provoque l’hilarité et gagne la sympathie systématique de la salle. Or, le rire ne se force pas, on le sait bien, et, si être drôle est une qualité fédératrice, ce n’est pas une fin en soi. En ce sens, Josiane, sa dernière création, générait une forte attente en matière de truculence, mais, disons-le tout de go, déçoit.
Certes, le spectacle a connu un changement de distribution imprévu et de dernière minute – Jean-Pierre Kalfon a été remplacé par Bernard Menez –, mais le problème ne vient pas de là. L’humour, cette fois, semble forcé, volontariste, taillé à gros traits. L’ambition d’amuser la galerie prend toute la place, mais la salle ne rit pas, ou très peu, par à-coups et éclats, ici ou là. Et l’outrance bon enfant qui faisait le sel des spectacles précédents de Pierre Guillois cède la place à une grossièreté assumée, à une envie de se vautrer sans retenue dans le mauvais goût et la vulgarité. Jamais l’histoire ne prend le pas sur ce qui s’avère être une enfilade de sketchs dépourvus d’intérêt. On reste sur sa faim, car la fin ne résout rien. Le personnage de Josiane, qui pourtant donne son titre au spectacle, restera énigmatique jusqu’au bout. Inconsistant et évanescent. Recluse dans sa caravane en Camargue, elle ne répond de rien ni à personne, ne parle pas et se montre à peine. Et, si de mystérieux évènements surgissent ça et là sous la forme de personnages dont on ne comprend ni le sens ni l’utilité – deux fantômes, une chasseresse et un huissier de justice –, l’intrigue ne se noue jamais vraiment. Il y a bien ses parents, interprétés par Jean-Paul Muel et Bernard Menez, qui, depuis leur cuisine, assaillent la fugueuse de textos manipulateurs pour la faire revenir, mais cette panoplie d’affreux, sales et méchants tourne en boucle et en rond.
Entre la comédie pittoresque, le polar de terroir, la farce scatologique et le théâtre gore flirtant avec la fable fantastique, Pierre Guillois transpose les ingrédients et le dixième degré de la série Z au plateau, mais la curiosité suscitée au début par une entrée en matière facétieuse fond comme neige au soleil à mesure qu’avance un récit sans queue ni tête, et malgré des tentatives de mise en abyme scénaristique. Sans chair et sans matière, l’ensemble est aussi creux qu’indigeste et questionne sur ce qu’il cherche à transmettre. En des temps où nos scènes sont plus que jamais des relais pour la pensée, des vecteurs de valeurs essentielles, où se divertir n’est pas un gros mot et le rire un vrai sas oxygénant, cette débauche de scènes absurdes et d’allusions grasses ne sert aucun propos que nous parvenions à attraper. Tout, dans ce spectacle potache et vaguement insolent, nous laisse interdit et pantois. Manque cruellement la poésie, ou du moins l’étincelle, qui ferait décoller tout ça.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Josiane
de et par Pierre Guillois
Avec Jean-Paul Muel, Jean-Pierre Kalfon, Agathe L’Huillier, Thomas Blanchard, Romain Cottard, Vincent Debost , Martin Karmann et la participation de Bernard Menez
Assistante à la mise en scène Lorraine Kerlo Auregan
Scénographie Laura Léonard
Lumières Vincent Haffemayer
Costumes Axel Aust, assisté de Camille Pénager
Création sonore Loïc Lecadre
Créatures Carole Allemand
Effets spéciaux Jérôme Lopez
Perruques Gérald Portenart
Répétitrice Armelle LecoeurCoproduction La Pépinière théâtre ; Acmé Production ; Matrioshka Productions ; Atelier Théâtre Actuel ; Taita Productions ; Pony Production
Durée : 1h30
Théâtre de la Pépinière, Paris
à partir du 3 décembre 2024
Complètement d’accord. Le public ne s’y trompe pas : nous étions 15 dans la salle. Tellement dommage…
Tout à fait d’accord avec Marie Plantin. Nous avons été voir la pièce ce samedi soir, nous avons été déçus . Cette pièce n’a ni queue ni tête. Pour ma part je n’ai même pas souri et au bout d’une demi-heure j’étais prêt à quitter la salle! Nul! J’avais pitié pour les acteurs ! Xavier.
Mille merci pour cette critique si juste !
Je suis très surprise des autres critiques que j’ai pu lire. Cette pièce va de déception en déception, des propos sexistes, homophobes, vulgaires qui n’apportent rien à la pièce. Aucune intrigue, cela n’avait rien de drôle ou de loufoque, c’était tout simplement pathétique.