A quelques semaines du début des Jeux Olympiques à Paris, c’est un opéra baroque et sportif qui clôt la saison lyrique du Théâtre des Champs-Elysées. Jakub Józef Orliński et Marina Viotti y réalisent une performance aussi physique que vocale et se couvrent de lauriers.
Dopé à l’énergie vivifiante d’une belle bande de chanteurs, musiciens, danseurs et acrobates, au diapason d’une partition fougueusement dirigée par Jean-Christophe Spinosi et mise en scène par Emmanuel Daumas, L’Olympiade de Vivaldi, donnée au Théâtre des Champs-Elysées, présente bien des attraits. L’opéra créé au Teatro San’t Angelo de Venise en 1734 sur un livret de Métastase plante son intrépide intrigue dans la ville grecque de Sicyone, tout près d’Olympie, et articule ainsi fantaisie baroque et fantasme d’héroïsme antique. Avec ses fulgurances, en dépit d’indéniables longueurs, l’ouvrage comporte des beaux airs à rallonge et des fils narratifs cousus d’imbroglios amoureux et amicaux. Licida, fils du roi de Crète, cherche à convoiter la belle Aristea que son père promet en mariage au plus méritant vainqueur des jeux. Il demande alors à son fidèle ami Megacle, un sportif hors-pair, lui-même épris de la jeune femme, de participer aux épreuves en se faisant passer pour lui. De cet énorme quiproquo, Emmanuel Daumas tire un travail dont les ficelles sont assez proches du Cyrano de Bergerac qu’il a monté cette saison au Français. Il signe donc un spectacle dans lequel surabonde une théâtralité à la fois kitsch et délurée, sans doute un peu trop chargée mais totalement assumée. Son geste foisonnant voisine souvent avec la parodie sans être non plus dénué d’empathie matinée d’homoérotisme. La pièce de Vivaldi prend place dans un gymnase où s’entraîne une bardée d’athlètes endurants aux muscles saillants, puis dans un temple de pacotille où sur la table d’un banquet bachique se tiennent des travestis repus et alanguis.
L’esthétique poético-carnavalesque du spectacle proposé offre un certain abattage qui plaît mais son exubérance rime aussi avec outrance. Un brin démonstratif, le show est aussi divertissant qu’il devient un peu lassant. La direction d’acteurs a pour mérite de bien dessiner les personnages, et ce n’est pas seulement l’affaire des pectoraux postiches dont est affublé le sur-gonflé Megacle, mais tout le relief qui leur est conféré ne semble pas vraiment masquer leur manque d’épaisseur psychologique alors que l’œuvre elle-même s’offre comme une analyse assez fine et profonde des sentiments humains.
Les solistes semblent complètement dans leur élément. A commencer par le contre-ténor star Jakub Józef Orliński. Dans une combinaison en lycra ajustée ou en pantalon de jogging, il profite et sait faire profiter de sa plastique avantageuse comme de ses talents multiples. Chanteur et breakdanseur, l’artiste s’était déjà livré à l’exercice de marier les deux disciplines dans Serse de Haendel transposé dans un décor de skatepark rouennais. Avec une parfaite agilité, il se donne sans compter et parvient à ménager le souffle respirant de la belle ligne d’un chant dont la fraîcheur charme autant que la pureté. L’aventureuse Marina Viotti qui décidément aime explorer des univers très différents fait merveille dans le répertoire baroque et vocalise sans peine suspendue en apesanteur. Ana Maria Labin se démarque en pythonisse délirante même si elle semble s’égarer dans son dernier grand air. Luigi De Donato et Christian Senn s’amusent tout en forçant un peu le trait.
La première de L’Olimpiade a commencé par les quelques mots vibrants du directeur Michel Franck suivis d’une ovation debout de toute la salle en hommage à la soprano Jodie Devos décédée dimanche dernier et qui aurait dû chanter dans la production présentée. La grisante ouverture de l’opéra s’est ensuite emballée en fosse où l’Ensemble Matheus a immédiatement donné le ton pêchu de la soirée en sonnant avec fièvre et opulence et en s’employant à faire ressortir les contrastes et la variété virtuose de la musique de Vivaldi.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
L’Olimpiade
Antonio Vivaldi
Jean-Christophe Spinosi | direction
Emmanuel Daumas | mise en scène
Alban Ho Van | scénographie
Raphaëlle Delaunay | chorégraphie
Marie La Rocca | costumes
Bruno Marsol | lumièresJakub Józef Orliński | Licida
Marina Viotti | Megacle
Caterina Piva | Aristea
Delphine Galou | Argene
Jodie Devos | Aminta
Luigi De Donato | Clistene
Christian Senn | AlcandroEnsemble Matheus
Chœur de l’Académie Haendel HendrixProduction Théâtre des Champs-Elysées
Ce projet a reçu le label Olympiade Culturelle.Avec le soutien d’Aline Foriel-Destezet,
Grand Mécène de la saison artistique du Théâtre des Champs-Elysées
En partenariat avec france.tvDurée 1h30 – entracte (30 mn)- 1h20
Théâtre des Champs-Elysées
du 20 au 29 juin 2024
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