Olivier Dutilloy est de toutes les aventures du Festin-Compagnie Anne-Laure Liégeois. Ce sera le cas cet été, il endosse le rôle-titre de Peer Gynt sur la scène du Théâtre du Peuple de Bussang. Il sera Peer Gynt quand il a cinquante ans, quand son fils, Ulysse, sera le Peer Gynt de vingt ans du 3 juillet au 1er août 2021.
Avez-vous le trac lors des soirs de première ?
Bien sûr que j’ai le trac ! Je l’ai même de plus en plus ! Il me mâchonne toute la journée, m’avale, je lutte pour qu’il ne me digère ! Il me vide de mon sang, m’aspire. J’erre, je tourne, me lève, m’assois, me couche (toujours sans dormir), j’attends. J’attends. J’attends. Et finalement j’attends. J’attends la rencontre, la première rencontre avec le public. C’est un amoureux malaise. C’est la première fois, mais, c’est terrible, toutes les fois sont la première fois ! J’ai donc le trac tous les soirs, toutes ces premières réitérées !
Comment passez-vous votre journée avant un soir de première ?
Je tente de m’organiser une journée qui soit la plus douce possible. Respirer, faire un peu de sport, manger ce que j’aime, regarder des photos que j’aime. Mais tout est inutile. Je ne sais qu’attendre. Donc rester immobile dans une même position. Toute la journée est une grande salle d’attente blanche et vide avec une vague odeur de formol. Un seul moment compte : celui d’entrer sur scène. Je sais qu’à ce moment-là ça sera magique, je sais que je retournerai dans le monde des vivants.
Avez-vous des habitudes avant d’entrer en scène ? Des superstitions ?
J’arrive tôt. Je parle avec l’équipe du théâtre, l’équipe technique. J’attends avec impatience mes partenaires pour parler. Je trompe l’attente. Je guette le metteur en scène pour parler /mais souvent la metteuse en scène, en l’occurrence Anne-Laure (Liégeois), et là surtout on évite de se parler ! Après je relis le texte et finalement je fais quelques sons (toujours les mêmes) quelques gestes avec les mains (toujours les mêmes) et je rentre sur scène.
Première fois où je me suis dit “je veux faire ce métier ?”
C’était à Bagneux. Là où j’habitais. Le théâtre du Campagnol donnait une représentation dans la rue ; je les avais vus déjà auparavant lors d’un carnaval. J’avais l’impression de les connaître. J’étais sur mon vélo, un peu en hauteur, contre un arbre, et là je me suis dit, je veux être avec eux. Ça a été une déflagration, l’envie de tout quitter, partir tout de suite. Jeter le vélo, monter dans l’arbre, traverser la scène.
Premier bide ?
Peut-être lors d’une représentation de Karaoké, Orchestration du vide, un spectacle d’Anne-Laure. C’était en Suisse à Neufchâtel, sur l’écran géant de Karaoké, il y avait un strip-tease torride, filmé par Bouli Lanners qui était associé à la chanson Stand by me… La moitié de la salle est sortie. En fait non, c’était à Vendôme… En Suisse ils s’étaient contenté de ne pas applaudir !
Première ovation ?
Si une ovation ce sont des spectateurs qui applaudissent debout en hurlant, ma dernière mémorable était la dernière représentation de On aura tout dans les jardins Ceccano, au Festival d’Avignon. Le sentiment après un mois partagé avec une équipe de 50 amateurs et pros, d’un grand final, ce jour-là. À cet instant des applaudissements on était au cœur du partage, au cœur du théâtre, au cœur d’une de ses plus belles missions.
Premier fou rire ?
Un camarade qui dans une pièce du répertoire du Grand Guignol devait jouer un cadavre sur une table de dissection…et un soir, où il avait un peu forcé sur le Jack Daniel, le cadavre ronflait pendant qu’on lui faisait l’ablation du foie. Morceau de foie qui d’ailleurs lors de cette même représentation, alors que je le lançais en l’air sur une chanson de Marlène Dietrich, était resté collé sur un projecteur et avait cuit une bonne partie de la représentation !
Premières larmes en tant que spectateur ?
Des larmes de bonheur. A l’Odéon, au moment du salut et des applaudissements de Il Campiello de Goldoni mis en scène par Giorgio Strehler. La communion entre la scène et la salle était tellement forte, qu’il n’y avait rien d’autre à faire que pleurer. Les comédiens quittaient la scène, embrassaient les spectateurs. J’ai vécu un moment rare.
Première mise à nue ?
Sans doute toutes les représentations de chaque rôle. Mais au sens propre, une vraie mise à nu qui m’a particulièrement amusé, c’est pour le spectacle Ça ! Une commande à huit auteurs sur « avant pendant et après » l’acte sexuel. Un spectacle conçu pour l’extérieur, les spectateurs assis entourant les lits de huit chambres. Au début, dans chaque chambre exigüe, on était avec nos vêtements de ville et on devait passer nos costumes de scène (qui consistaient principalement en sous-vêtements !) et ça intégralement… On était presque sur les genoux de spectateurs totalement mis à nus !
Première fois sur scène avec une idole ?
Sans aucun doute, dans La maison d’os de Dubillard avec Pierre Richard. La première fois que tu répètes avec lui, tu regardes ses chaussures, tu entends la musique du grand blond, tu guettes ses maladresses, et il les cultive ! Passez 6 mois en sa compagnie a été une grande chance et une magnifique expérience humaine, un grand moment de vie.
Première interview ?
C’était avec Stéphane Capron ! Après The Great Disaster de Patrick Kermann. À la Manufacture, à Avignon, juste après une représentation ! Sous le figuier. J’étais hilare et encore sous adrénaline ! J’ai le souvenir d’un vrai un bon moment. Pourtant je ne suis pas amateur de cet exercice …!
Premier coup de cœur ?
La Tragédie comique de Yves Hunstad et Ève Bonfanti. Je crois que c’est aussi avec ce spectacle que j’ai voulu être comédien ! Je me souviens qu’une amie qui travaillait à dans un théâtre de ma banlieue parisienne m’avait donné l’affiche du spectacle. En noir et blanc avec tâche rouge au centre. Je l’avait accrochée dans ma chambre comme une affiche d’un groupe de rock ! Quelques années plus tard, Yves hunstad et Ève bonfanti sont venus jouer au CDN de Montluçon. J’ai pu leur dire combien cette Tragédie avait été importante. C’est important de dire !
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