Alors que l’on va entrer cette semaine dans l’année Molière, avec samedi, la commémoration des 400 ans du baptême de Jean-Baptiste Poquelin, le comédien Francis Huster qui a publié en 2021 Le Dictionnaire amoureux de Molière chez Plon, et Poquelin contre Molière aux éditions Armand Colin, continue son combat pour la Panthéonisation de Molière. Il espère cette semaine un geste d’Emmanuel Macron, le Président de la République, l’occasion de revenir avec lui sur l’héritage laissé par Molière.
Avant de fêter la naissance de Molière, ce 15 janvier, on fête surtout le baptême de Jean-Baptiste Poquelin. Quelle a été la vie de Jean-Baptiste Poquelin, enfant ?
Jean-Baptiste Poquelin est le fils de Jean Poquelin, qui habite dans le Marais, juste en face de la rue de la Juiverie. Il est tapissier du Roi, il va donc pouvoir permettre à son fils de poursuivre des études au collège de Clermont. A 9 ans, la mère de Jean-Baptiste meurt en accouchant de son frère cadet. Il va poursuivre des études tout à fait élogieuses pour finir par défendre sa thèse d’avocat. Mais, du jour au lendemain, Jean-Baptiste Poquelin va disparaître pour être remplacé par Molière, qui, lui, tombe amoureux d’une jeune comédienne sublime de la famille des Béjart, Madeleine Béjart.
Et c’est là où tout a commencé ?
Oui. De cette fuite, il va construire la première troupe de Molière, L’Illustre Théâtre. Il en sera à la fois le comédien, le directeur, le metteur en scène et bien sûr peu à peu l’auteur.
Si Molière commence à écrire des pièces, c’est aussi pour se différencier du répertoire des autres troupes qui interprétaient du Racine et du Corneille.
Après l’échec de cet Illustre Théâtre, il a été obligé de fuir. Son père a payé pour les bougies qu’il n’arrivait même pas à payer. Il était criblé de dettes et a été emprisonné au Châtelet. Avec les quelques comédiens qui acceptent de le suivre, ils intègrent une autre troupe. Le patron de cette troupe en province meurt. Il essaye d’en prendre la tête et, tout à coup, il croise le Prince de Conti, le frère du Grand Condé. C’est une sorte d’Alain Delon de l’époque, libertin et séduisant. Il devient le protecteur de Molière, qui sillonnait alors les routes du sud de la France, et il commence à construire son répertoire personnel.
Comment Molière entre à la Cour du Roi Louis XIV ?
C’est Philippe d’Orléans, le frère cadet du Roi, qui remonte la troupe à Paris pour l’appeler La troupe de Monsieur (frère du Roi). Louis XIV va comprendre dans cette représentation que lui offre son frère que ce jeune Molière, qui n’a même pas trente ans, va devenir son gant. Il va ordonner à ce Jean-Baptiste Poquelin de prendre la direction d’un théâtre qui n’existe plus, qui était au Louvre et qui était celui que Richelieu avait construit. Ce théâtre, devenu Palais Royal, il va le reconstruire, le renouveler. Et c’est là que la troupe de Molière prend le titre de troupe du Roi. Elle devient donc invincible. Comment voulez-vous la critiquer et l’attaquer ? Sa Majesté le Roi Soleil a compris qu’il allait se servir du théâtre pour dire tout haut ce que lui-même, le Roi, ne peut s’offrir de dire tout haut.
Pourquoi Molière est-il toujours moderne ?
Ce qui est si moderne chez Molière, c’est qu’il a choisi comme héros masculins des loosers. Et ce sont les femmes à l’intérieur des pièces qui luttent, qui les sauvent, qui les agressent, qui les combattent. Et c’est pour ça que c’est moderne. La modernité de Molière, elle est aussi dans l’élégance. Car ces jeunes d’aujourd’hui qui, chaque nuit, regardent en boucle des séries sur les plateformes, ont besoin de héros. C’est exactement ce que Molière a fait. Chez Molière, on devient Alceste, on devient Don Juan, en devient Sganarelle, on devient Elmire, on devient Agnès. Et c’est là l’incroyable puissance régénératrice de Molière, contrairement aux autres auteurs. La spectatrice ou le spectateur d’aujourd’hui a son idée de la pièce, il a son idée du rôle et il ressort d’une pièce de Molière comme si lui-même l’avait interprétée.
D’où vient l’expression « la langue de Molière » ?
Tout débute avec L’Illustre Théâtre, sa première compagnie, qui malgré son nom va s’écrouler sous les dettes. L’échec va être cuisant à l’inverse des troupes officielles que sont la troupe royale de l’Hôtel de Bourgogne et la troupe du Marais qui jouent pourtant d’une façon nullissime, grotesque, déclamant, hurlant, alors que Molière invente l’art du comédien, du comédien français et son génie. Ce qui a bouleversé le monde entier pour la France et pour la gloire de la culture française, c’est d’avoir mis, à ce moment-là, sur scène, la langue, c’est-à-dire la langue du peuple. Au lieu d’écrire des comédies, qui sont plutôt des drames stylés en alexandrins, lui y met la langue du peuple. Et c’est pour ça qu’on dit du français, depuis quatre siècles, que c’est la langue de Molière.
Vous avez mené un combat pour faire entrer Molière au Panthéon, où en êtes-vous ?
Je reste debout, je vais me battre et je finirai par gagner la panthéonisation. Je fais absolument confiance au Président de la République. Je suis persuadé qu’il a la même opinion que moi sur cette entrée au Panthéon, d’ouvrir ces portes de la légende pour Molière. Et ce sera magnifique. Je sais que, du fond du cœur, c’est son souhait, j’en suis sûr. J’espère que, le 15 janvier, la nouvelle tombera et que ce sera pour Molière, et pour cette fête digne du 400e anniversaire du baptême de Jean-Baptiste Poquelin, la naissance au Panthéon de Molière.
Propos recueillis par Stéphane Capron – www.sceneweb.fr
Je partage totalement le souhait de Francis Huster sur la panthéonisation de Molière. C’est le personnage français le plus connu dans le monde et j’en suis témoin. Partout où je suis allé, j’ai entendu parler de Molière. Alors, le petit enseignant de la langue de Molière que j’étais en Chine, lance un appel au Président de la République, afin qu’en 2022, Molière entre par la grande porte au Panthéon.
J’espère que Molière rentrera au Panthéon, j’ai vu plusieurs de ses oeuvres au théâtre, j’ai travaillé dessus au lycée. C’était mon auteur préféré