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Il n’y a pas de Ajar : plaidoyer contre l’identité

Décevant, Les critiques, Paris, Théâtre
Johanna Nizard dans Il n'y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur aux Plateaux Sauvages
Johanna Nizard dans Il n'y a pas de Ajar de Delphine Horvilleur aux Plateaux Sauvages

Photo Pauline Le Goff

Delphine Horvilleur érige le fils fictif d’Emile Ajar en porte-voix de la lutte contre les « obsessions identitaires », mais peine, malgré la performance de la comédienne Johanna Nizard, à ne pas se laisser happer par les amalgames.

3 juillet 1981. Aux commandes d’Apostrophes, Bernard Pivot révèle, sans barguigner, l’une des plus grandes supercheries intellectuelles du XXe siècle : « Le 2 décembre 1980, Romain Gary se tirait une balle dans la gorge. Ce qu’on ne savait pas c’est qu’à ce moment-là, et par le même geste, Emile Ajar s’était suicidé lui aussi. » Confirmée quelques jours après par Romain Gary lui-même dans Vie et mort d’Emile Ajar, publié à titre posthume, l’information fait grand bruit et décoiffe le landerneau littéraire. Quarante ans plus tard, Delphine Horvilleur a décidé de perpétuer, à sa façon, ce canular, et d’offrir, dans son premier texte écrit pour le théâtre, un fils à Emile Ajar, Abraham, reclus dans une cave, un « trou juif » comme il l’appelle, semblable à celui où, dans La vie devant soi, Madame Rosa se réfugie pour échapper à ses tourments.

D’abord tapi dans l’ombre, le jeune homme ne tarde pas à se montrer en pleine lumière pour dérouler la pelote de son identité. Non sans ironie mordante, il détaille les origines de son prénom biblique, s’appesantit sur sa circoncision – qui lui a permis de se « débarrasser de cette idée morbide qu’il y aurait une possibilité d’être vraiment soi » – et raille cette tradition juive qui a rendu ineffable le nom de Dieu, quitte à s’adonner, parfois, à un humour potache. Radical, le verbe haut, il ne cesse, dans cet espace recouvert d’une bâche en plastique noir et constellé de miroirs qui diffractent son reflet, de se métamorphoser pour mieux brouiller les pistes. Mi-homme, mi-femme, mi-humaine, mi-créature, mi-inquiétante, mi-attachante, la comédienne Johanna Nizard se révèle assez subjuguante, presque magnétique, dans ce rôle à l’étrangeté certaine, où l’image et l’identité sont fluctuantes, mouvantes, littéraires en diable.

Si ce n’est que, pas à pas, assertion après assertion, Abraham, et Delphine Horvilleur dans son sillage, largue progressivement les amarres avec Romain Gary, malheureusement relégué au rang de caution. Plutôt que de creuser l’univers si riche du romancier, elle transforme son personnage en porte-voix de la lutte contre les « obsessions identitaires » et en chantre de l’universalisme républicain – fan de La Marseillaise. Avec un ton polémique assumé, voire véhément, il ne cesse alors de faire feu de tout bois – « Tu as un problème d’antisémitisme ? Tu te connectes à un réseau juif. On te fait une réflexion misogyne ? Organise une réunion non-mixte. T’es victime de racisme, rejoins vite le club racisé le plus proche de chez toi. Tu veux traduire un livre, assure-toi que tu partages scrupuleusement le traumatisme de son auteur. Ou sinon, tu t’abstiens. Capiche ? » –  jusqu’à prendre le risque de la simplification, de l’amalgame, et de la caricature.

Dans une certaine confusion, passant du coq à l’âne, on le surprend à cocher toutes les cases du bingo brûlant du moment, de l’appropriation culturelle à la transidentité, du fondamentalisme religieux à la non-binarité – « (…) il n’y a pas plus binaire qu’un mec qui te dit qu’il ne l’est pas » –, avec un air badin qui paraît balayer tout ensemble d’un revers de main et classer, jusqu’à l’absurde, l’ensemble de ces thèmes dans la case « obsessions identitaires ». Au lieu de démontrer et d’interroger, Delphine Horvilleur, par le truchement d’Abraham, se contente d’asséner et de commenter dans une forme de réponse du berger à la bergère qui a tout de la posture. Au regard de la puissance du romancier dont elle se réclame, et de ses propres ouvrages passés, on pouvait s’attendre à davantage de nuances, et de hauteur de vue.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Il n’y a pas de Ajar
Texte Delphine Horvilleur
Mise en scène Arnaud Aldigé et Johanna Nizard
Avec Johanna Nizard
Collaboration artistique à la mise en scène Frédéric Arp
Conseil dramaturgique Stéphane Habib
Regard extérieur Audrey Bonnet
Scénographie et création lumière François Menou
Création maquillage et perruques Cécile Kretschmar
Création costumes Marie-Frédérique Fillion
Création sonore Xavier Jacquot

Production En Votre Compagnie
Coproduction Les Plateaux Sauvages, Théâtre Montansier – Versailles, Théâtre Romain Rolland – Villejuif, Communauté d’Agglomération Mont-Saint-Michel – Normandie et la Comédie de Picardie
Coréalisation Les Plateaux Sauvages
Avec le soutien et l’accompagnement technique des Plateaux Sauvages et du 909
Avec le soutien du Ministère de la Culture – DRAC Île-de-France, de l’Adami et du Fonds SACD Théâtre.

Il n’y a pas de Ajar est édité chez Grasset.

Durée : 1h20

Théatre de la Concorde, Paris
du 11 au 28 décembre 2024

1 septembre 2023/par Vincent Bouquet
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2 réponses
  1. Schuster
    Schuster dit :
    18 septembre 2022 à 19 h 15 min

    Bonjour, pourquoi aucune programmation dans l’est? Strasbourg ? On a eu un avant goût…ce jour avec Delphine Horvilleur au parlement européen…il faut venir !!

    Répondre
    • La rédaction
      La rédaction dit :
      19 septembre 2022 à 7 h 23 min

      Bonjour, le spectacle sera en tournée lors de la saison 2022/2023, il y aura peut-être une programmation en Alsace ! Restez connecté à sceneweb pour le savoir, bonne journée.

      Répondre

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