Anne Teresa de Keersmaeker et Radouan Mriziga dévoilent dans le fief de la chorégraphe flamande à Rosas, Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione, une pièce dense et ciselée avec des incursions hip-hop, pour parler du changement climatique.
Y’a plus de saisons ! Pourrait-être le sous-titre de la pièce Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione (L’Épreuve de l’Harmonie et de l’Invention, le titre d’un ensemble de douze concertos de Vivaldi), imaginée par les chorégraphes belges Anne Teresa de Keersmaeker et Radouan Mriziga. La ponte de la danse contemporaine flamande et un des anciens étudiants de P.A.R.T.S. (son école) se sont emparés de la pièce Les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi pour en livrer une version contemporaine. À l’heure du dérèglement climatique, le cycle des quatre saisons a changé. La danse de Keersmaeker elle aussi évolue avec le monde, s’hybride, pour intégrer des techniques hip-hop, comme en témoigne sa précédente pièce Exit Above.
Quatre danseurs en joggings et chasubles entrent sur le plateau, où des lignes blanches sont scotchées : des cercles imbriqués les uns dans les autres et des diagonales. « Autunno » s’affiche sur le mur en blanc. Les interprètes se lancent dans le silence. On retrouve des constantes de Keersmaeker, une dynamique rectiligne qui anime les corps, sa précision dans les tracés, le bras tendu sur le côté. Elles sont ici nourries et hybridées grâce à d’autres techniques dont des danses hip-hop, dont on retrouve des steps et figures de break, comme des équilibres sur les mains ou la tête. Un apport de Radouan Mriziga qui a dansé le break dans sa jeunesse, ou ceux des interprètes, notamment Nassim Baddag et ses débuts hip-hop ? Quand on sait que le chorégraphe est un geek de géométrie, on imagine qu’il a aussi sa part de responsabilité dans des tracés en huit fluides du quatuor à travers le plateau.
Au fil des saisons (annoncées en lettres lumineuses), les danseurs incarnent des chevaux qui gambadent ou des gestes sportifs, sous des leds dans le fond de scène qui pulsent en décalé. La salle est plongée dans une lumière jaune ténue, comme pour évoquer un paysage d’automne. On traverse ensuite la neige hivernale, les sports de glisse puis la chaleur caniculaire, où les danseurs courbés se déshabillent, plongés dans une lumière rouge, d’un été abrégé (ou d’un automne avancé).
On s’attendait à être porté par les airs de Vivaldi tout du long, mais une grande partie du spectacle se déplie en silence. Comme si la musique, qui fait irruption par moments, agissait comme un souvenir, un pense-bête qui se recolle sur la danse par fragments. Ces ruptures sont-elles une manière pour la danse de trouver sa propre dynamique ? Dans les corps et dans l’espace ? Sans prendre le risque de se laisser écraser ou emporter par la musique ? Ou peut-être de permettre d’entendre la composition de Vivaldi quand elle surgit ? Notamment lorsque l’air hyper connu du printemps est scandé grâce à des percussions corporelles (pieds frappés au sol).
Plutôt dense, Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione fait preuve d’une richesse chorégraphique et d’une sophistication bluffante, tant dans la danse que tous les éléments de scénographie. Pour autant, on s’y plonge avec légèreté. Peut-être car cette pièce dialogue avec le monde, tant par son sujet que son esthétique ? Cette collaboration où les écritures et les styles s’entremêlent est un bel exemple de danse, vraiment, contemporaine.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione
Concept, chorégraphie, scénographie et lumière Anne Teresa De Keersmaeker, Radouan Mriziga
Créé avec et interprété par Boštjan Antončič, Nassim Baddag, Lav Crnčević, José Paulo dos Santos
Musique Antonio Vivaldi, Le quattro stagioni – Amandine Beyer, Gli Incogniti, Alpha Classics/Outhere Music 2015 Conception des costumes Aouatif Boulaich
Répétitrice Eleni Ellada DamianouProduction Rosas
Coproduction Concertgebouw Brugge, De Munt/La Monnaie, Berliner Festspiele, Charleroi Danse, Théâtre de la Ville, Festival d’Automne à Paris, Festival de Marseille, ImPulsTanz, Sadler’s Wells avec le soutien de Dance Reflections de Van Cleef & ArpelsCette production est réalisée avec le soutien du Tax Shelter du Gouvernement Fédéral belge, en collaboration avec Casa Kafka Pictures – Belfius.
Rosas est soutenu par la Communauté flamande et la Commission communautaire flamande (VGC).
Durée : 1h30
Kunstenfestivaldesarts, Kaaitheater, Rosas Performance Space
du 11 au 31 mai 2024Festival de Marseille
les 28 et 29 juinOpéra de Toulon dans le cadre du festival d’été de Châteauvallon
du 29 juin au 2 juilletMontpellier Danse
les 1er et 2 juilletThéâtre de la Ville, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris
du 13 au 22 septembreLes Écuries, dans le cadre de Charleroi Danse
les 19 et 20 novembreDE SINGEL, Anvers
du 27 au 30 novembreITA, Amsterdam
les 13 et 14 décembreL’Onde Théâtre, Centre d’Art de Vélizy-Villacoublay
les 8 et 9 janvier 2025Opéra de Dijon
le 15 avrilThéâtre National de Bretagne, Rennes
du 23 au 26 avril
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