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Les raisins de la colère à nu

A voir, Annecy, Avignon, Les critiques, Théâtre, Valenciennes

photo Hugo Fleurance

Le metteur en scène Hugo Roux se lance dans le défi immense d’adapter Les Raisins de la colère. Difficile sinon impossible de transposer le souffle du roman sur scène mais il parvient à esquisser ce tableau d’une Amérique des années 30 qui n’est pas sans lien avec la violence des migrations climatiques d’aujourd’hui. Avec Hugues Duchêne en Tom Joad.

Il sifflote et chantonne le pasteur qui vient de renoncer à ses engagements car il préfère « coucher avec des filles » et ne sait plus où « guider les hommes ». C’est à lui, et non pas au chauffeur de camion comme dans le roman, que Tom Joad raconte d’où il revient : la prison Mac-Alester où il est resté quatre années pour homicide involontaire. Tout au long de ces deux heures, Hugo Roux a condensé certains personnages de ce texte majeur sur l’Amérique d’après le krach de 1929 pour le porter à la scène. L’adaptation est la première gageure de ce travail. La famille est là : les grands-parents qui vont rapidement mourir, les parents, un frère, une sœur. Il en manque certains mais, au gré des enchainements des chapitres, leur exode se dessine clairement à travers les mots, bancals, écorchés, justes, plus que le mouvement. Ces métayers de l’Oklahoma, des « bouseux » selon leurs compatriotes peu accueillants de l’Arizona, sont condamnés à quitter leurs terres qui ne rapportent plus rien. Les dust bowl, tempêtes de sable, assèchent les terres labourées par la mécanisation en marche des tracteurs « reptiles » et sur lesquelles plus rien ne pousse.

Cap sur l’Ouest et le supposé eldorado californien selon des prospectus tombés du ciel. Dans cette migration à pas forcés sur la route 66, c’est bien la voracité du capitalisme que Steinbeck décrit dans ce roman publié en 1939 et densément documenté par les reportages qu’il a fait sur ce sujet les années précédentes pour le San Francisco News où il compte les morts, chiffre les rations alimentaires, de même que des photographes comme Dorothea Lange ou Walker Evans sont envoyés par la Farm Security Administration (structure étatique pour secourir les victimes de cette Grande Dépression) pour capturer la situation. En cent jours d’écriture, dans ce qui sera un best-seller dès sa sortie avec 500 000 exemplaires immédiatement écoulés, Steinbeck donne un visage à ce que ses personnages décrivent comme le « monstre », ceux qui possèdent et expulsent. Il n’y a plus de propriétaires humains mais une banque, une compagnie. Changement d’ère.

Hugo Roux rend palpable cette « révolution » en choisissant, par exemple, de garder une scène en camp de transit de l’exploitation faite des travailleurs payés cinq cents le seau d’oranges durement cueillies. D’autres font le même labeur pour deux cents et demi. Pas de quoi vivre mais une façon d’opposer la misère à la misère pour la neutraliser. Sauf que la révolte nait, l’apparition de syndicats se dit plus qu’elle ne se voit malgré la présence de huit comédiens et comédiennes. Dans un décor sec figurant un amas de terre et un point de ralliement qui deviendra, dans la dernière partie, par le truchement d’un rideau, un baraquement, il est difficile de faire ressentir ce qui couve.

Les corps sont vifs malgré la faim, la fatigue et même la grossesse tragique d’une fille Joad. C’est elle qui incarne l’énergie du désespoir dans la scène mythique finale du roman : l’allaitement d’un vieillard affamé par une mère endeuillée. Tous sont réduits au plus grand dénuement au point qu’aucun d’eux n’existe vraiment plus qu’un autre si ce n’est peut-être la mère, plus optimiste que les autres : « les temps meilleurs viendront » dit-elle comme un mantra. Etonnamment, Tom Joad, pilier du roman et du film de John Ford, n’est au plateau qu’un parmi d’autres, incarné par Hugues Duchêne, à l’origine, dans un genre très différent, de la si brillante série sur le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, Je m’en vais mais l’Etat demeure.

Avec de nombreux compagnons de la promo 77 de l’ENSATT sortie en 2018 où il a suivi le parcours de mise en scène, Hugo Roux poursuit son travail ardu et passionné de défrichage de romans. Il y a eu Leurs enfants après eux, le très délicat La Place d’Annie Ernaux. Voici donc ces Raisins de la colère dépouillés, où élégamment n’est pas martelé le parallèle avec l’époque actuelle tant il se devine en filigrane.

Nadja Pobel – www.sceneweb.fr

Les Raisins de la colère de John Steinbeck
Traduction Marcel Duhamel et Maurice-Edgar Coindreau © Éditions Gallimard

Avec Valérie Blanchon, Hugues Duchêne, Karl Eberhard, Alexia Hebrard, Lauriane Mitchell, Mickaël Pinelli, Jean-Yves Ruf, Edouard Sulpice
Adaptation et mise en scène : Hugo Roux
Collaboration artistique : Ferdinand Flame
Scénographie : Juliette Desproges
Lumière et régie générale : Hugo Fleurance
Son : Camille Vitté
Costume : Louise Digard
Production et administration : Marion Berthet

Durée : 2h

Vu au Théâtre de Vénissieux le 19 janvier 2024

Théâtre des Collines à Annecy
25 janvier 204

Phénix Scène Nationale de Valenciennes
22 et 23 février 2024

Théâtre Le 11 (dans le Festival Off d’Avignon)
Du 2 au 21 juillet 2024

20 janvier 2024/par Nadja Pobel
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