A Nanterre-Amandiers, Hubert Colas réunit sept plumes contemporaines qui s’approprient librement La Mouette de Tchekhov et ses grands thèmes, de l’amour à l’art, traités avec intelligence et sensibilité.
Par bribes, par visions, tout Tchekhov est bien là, même complètement réinventé, disloqué. Il ne s’agit pas d’une entreprise de vénération. Au contraire, la langue crue d’Angélica Liddell donne le ton. Elle inaugure la représentation sur un sentiment de profonde détestation de La Mouette. Cette pièce lui donne la nausée dit-elle, parce que ses personnages « font du théâtre, vomissent du théâtre, vivent pour le théâtre, tout ça pour finir par se rendre compte que la vie vaut mieux que le théâtre ». Les réécritures d’Edith Azam, Liliane Giraudon, Nathalie Quintane, Jacob Wren, Annie Zadek et Jérôme Game qui suivent tendent à ancrer leur propos ambitieux et exigeant dans la réalité, politique, existentielle, du monde d’aujourd’hui.
Dans un espace propice au passage comme à la suspension, des fauteuils club jouent aux auto-tamponneuses. Éparpillés ou entassés, ils désorganisent, déstructurent l’immuable salon tchekhovien où depuis des lustres les êtres cultivent l’inactivité et rompent l’ennui dans une vaine et pourtant nécessaire conversation. Devant un horizon opaque et éclairé de la seule blancheur d’une pleine lune ronde qui surplombe le lac obsédant mais seulement suggéré par un rideau filandreux, les personnages se présentent avec leur part d’ombre. On identifie Treplev en adolescent sombre et androgyne, Arkadina, égocentrique borderline, Trigorine, accompli et écorché, Nina, séduisante et rêveuse. On reconnaît, même largement extrapolés, leurs conflits intérieurs, leurs débordements, leurs errances, leur besoin de changement, de partance pour mieux s’accomplir. Les auteurs déclinent les peurs qui les hantent et paralysent. La peur de vivre comme de mourir. Il est aussi beaucoup question de militantisme, d’idéalisme. C’est doux et triste comme une mélopée italienne de Bobby Solo ou le Prologue du Tristan und Isolde de Richard Wagner que l’on entend au cours du spectacle. La belle mélancolie et la douleur profonde de Tchekhov sont données à voir par une troupe douée et concernée. Adaptateur, metteur en scène et scénographe, Hubert Colas réalise ce que Constantin, artiste maudit et épris d’avant-gardes, appelle de ses vœux : une forme nouvelle.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Une Mouette et autres cas d’espèces
Création 2016
LIBRE REECRITURE DE LA MOUETTE D’ANTON TCHEKHOV
Réécriture : Édith Azam, Liliane Giraudon, Nathalie Quintane, Annie Zadek
Prologue : Jacob Wren
Epilogue : Angélica Liddell
Avec la participation de Jérôme Game et Florian Pautasso
Mise en scène et scénographie : Hubert Colas
Avec : Céline Bouchard-Cadaugade, Heidi-éva Clavier, Jonathan Drillet, Valère Habermann, Florian Pautasso, Vilma Pitrinaite, Thierry Raynaud, Yuval Rozman, Cyril Texier, Laure Wolf
Assistanat à la mise en scène : Sophie Nardone
Vidéo : Pierre Nouvel
Lumières : Hubert Colas et Fabien Sanchez
Son : Frédéric Viénot
Costumes : Frédéric Cambier en collaboration avec Alexandre Chagnon
Avec la collaboration artistique d’Alain Gautré (travail autour du clown)
Préparation vocale : Sophie Hervé
Chef de chant : Thomas Tacquet
Remerciements à SPRUNG Frères pour les fourrures
Production : Diphtong Cie
Coproduction : Théâtre du Gymnase-Bernardines (Marseille), Nanterre-Amandiers – Centre Dramatique National, Bonlieu Scène nationale Annecy, Pôle Arts de la Scène – Friche la Belle de Mai (Marseille), Théâtre Paul Eluard de Choisy-le-Roi – Scène conventionnée pour la diversité linguistique, Théâtre Anne de Bretagne (Vannes), Théâtre d’Arles, Scène conventionnée pour les nouvelles écritures
Avec le soutien du FIJAD, Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, D.R.A.C. et Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de montévidéo, créations contemporaines et du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône – Centre départemental de créations en résidence
Pour ce projet, Hubert Colas et Diphtong Cie ont été accueillis en résidence à la Fondation Camargo, à Bonlieu Scène nationale Annecy et à Nanterre-Amandiers – Centre Dramatique National.
Durée : 2h10> Création du 26 au 30 avril 2016 au Théâtre du Gymnase-Bernardines, Marseille
– 30 novembre – 1er décembre 2016 à Bonlieu scène nationale Annecy
– 12-22 janvier 2017 à Nanterre-Amandiers
– 26 janvier 2017 au Théâtre Cinéma Paul Eluard, Choisy-le-Roi
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