Au Festival de Marseille, How in salts desert, it is possible to blossom, la dernière création de Robyn Orlin, fait pousser des fleurs sur les sols épuisés par un siècle d’extraction minière coloniale. Malgré la violence et la pauvreté des townships, l’humanité trouve sa place quand on n’en tue pas la diversité.
Robyn Orlin, enfant de la lutte contre l’apartheid, fille de juifs européens émigrés en Afrique du Sud avant la seconde guerre mondiale s’y connaît en oppressions subies par les minorités. Depuis ses débuts en tant que chorégraphe, elle n’a de cesse de les documenter sans jamais céder à la plainte ou à la rancœur, sublimant au contraire dans ses spectacles la capacité de résistance et la vitalité de ceux qui sont dominés. Ainsi en va-t-il encore de ce How in salts desert it is possible to blossom, dont le titre à rallonge, comme la chorégraphe en a le goût, évoque la possibilité de voir des fleurs éclore dans un désert de sel.
Pour cette création présentée à l’orée du Festival de Marseille, Robyn Orlin met en scène le Garage Dance Ensemble, compagnie de danse basée à Okiep, dans la province du Cap Nord. Des mines de cuivre y ont longtemps assuré la prospérité des colons qui, depuis leur fermeture en 1980, ont laissé la place à une grande pauvreté, à un paysage dévasté dans lequel cependant, en août et septembre, le sol se recouvre d’une myriade d’espèces de marguerites sauvages. Au-delà des townships et de la violence (qui naturellement se déploie particulièrement envers les femmes), le spectacle évoque donc avant tout cette miraculeuse floraison via une éclosion de multiples couleurs qui éclatent dans la vidéo qui accompagne tout le spectacle. Filmés souvent par le haut, en plongée, les tissus que portent les danseurs se transforment en images kaléidoscopiques, autant d’explosions colorées qui rythment un spectacle qui en devient excessivement hypnotique.
Le musicien compositeur et la chanteuse d’uKhoikhoi, Yogin Sullaphen et Anelisa Stuurman lui donnent de leur côté des allures de concert. La musique comme la danse marient le traditionnel et le contemporain, ne cèdent ni au pittoresque ni à l’absolument moderne, mais les entremêlent naturellement. Ainsi, ces cordes qui ouvrent le spectacle renvoient bien sûr dans l’imaginaire à l’exploitation de la force de travail avant de se métamorphoser par la grâce de la vidéo en images graphiques qui façonneraient des courbes de niveaux. Tout est toujours mouvant, hétéroclite et instable dans ce spectacle, en perpétuelle métamorphose, au rythme de ces couches de vêtements dont les danseurs se dépouillent.
Parmi elleux, Esmé Marthinus, l’aînée, la mère qui prend soin de cette jeune femme qui se fait violer, qui ponctue le spectacle de son rire aussi inquiétant que communicatif. Mais aussi Byron Klassen, Faroll Coetzee, Crystal Finck et Georgia Julies, échantillons divers d’une population qui n’était pas assez blanche hier et n’est pas assez noire aujourd’hui. Tous.te.s ne donnent jamais dans la virtuosité, semblent danser au contraire, comment dire, naturellement, excellemment, ensemble et différemment, à travers des saynètes qui peinent à construire du sens même si s’ébauche celui de la permanente possibilité de la vie.
Toujours tendu entre la douleur et la possibilité du bonheur, entre le malheur qui rôde et la possibilité de s’en extraire par la beauté, How in salt… pêche cependant par un rythme monotone, l’hyper sonorisation et l’omniprésence de l’image en fond de scène qui effacent les corps et les visages. Sans doute est-ce pour cela, que lorsqu’à la fin, les danseurs tractent avec leurs cordes le podium des musiciens jusqu’à l’avant scène, face à cette troupe joyeuse qui semble enfin crever l’écran, la salle debout, tape dans les mains et communie.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
…How in salts desert is it possible to blossom….
un projet de Robyn Orlin
avec 5 danseurs de la compagnie Garage Dance Ensemble
Byron Klassen, Faroll Coetzee, Crystal Finck, Esmé Marthinus et Georgia Juliesmusique originale et interprétée paruKhoiKhoi avec Yogin Sullaphen et Anelisa Stuurman
costumes Birgit Neppl
directeur technique Thabo Walter
vidéos Eric Perroys
lumières Vito Walter
administration et diffusion Damien Valette
production de tournée et logistique Camille Aumont
production City Theater & Dance Group et Damien Valette Prod
Garage Dance Ensemble
Fondateur Alfred Hinkel
directeur des créations John Linden
chorégraphe résident Byron Klassen
production Nicolette Moses
co-producteurs City Theater & Dance Group, Festival Montpellier Danse 2024, Festival de Marseille, Chaillot, Théâtre national de la danse, Paris, Théâtre Garonne, Scène européenne, Toulouse avec le soutien de la Direction régionale des affaires culturelles d’Ile de France et de Dance Reflections by Van Cleef & Arpels
création les 15 et 16 juin 2024 au festival de Marseille.Durée : 1h
22 et 23 juin 2024
Théâtre des 13 vents dans le cadre de Montpellier Danse27 et 28 juin 2024
Théâtre Garonne, Toulouse16 et 17 novembre 2024
Romaeuropa festival 2024, Rome28 et 30 novembre 2024
Chaillot, Théâtre national de la Danse dans le cadre du au Festival d’Automne-Paris4 et 5 décembre 2024
Manège, Reims
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