La Scène nationale de Chalon-sur-Saône accueille, cette semaine, la création de Mon dîner avec Winston d’Hervé Le Tellier. Une façon de mettre en scène l’Histoire où une personnalité politique de premier plan occupe une place prépondérante de l’action. Régulièrement, des spectacles qui élèvent les hommes politiques sur les planches naissent et meurent, sans qu’une réflexion générale n’ai jamais été menée sur ce type de spectacle. Le genre n’est-il pas assez noble ?
Le théâtre est politique. La combinaison dans une même phrase de ces deux mots est un lieu commun de la création théâtrale occidentale. On imagine que Flaubert aurait pu écrire dans son Dictionnaire des idées reçues une entrée comme « Théâtre : lancer un sujet politique ». Mais là où tout se complique c’est quand on se questionne sur la présence des hommes et des femmes politiques en tant que héros principal de l’action, en leur nom propre et non pas sous les traits d’un personnage symbolique. Même si les partis pris symboliques peuvent donner lieu à des querelles politiques, comme ce Jules César, de Shakespeare, joué à New York en 2017 et qui mettait en scène un César ressemblant à Donald Trump.
Récemment et sous la forme d’événements, on voit le théâtre s’emparer des débats présidentiels. Jacques Weber et François Morel jouaient Jacques Chirac et François Mitterrand dans l’entre-deux tours de la dernière élection présidentielle au Théâtre de l’Atelier. Dix ans plus tôt, Weber jouait Valery Giscard d’Estaing au Théâtre de la Madeleine dans les débats qui l’ont opposé à Mitterand avant l’élection de 1981. Dans les colonnes du Figaro, Jean-Luc Jeener louait « la force dramatique » de ces rencontres. Jacques Weber n’a pas peur de la comparaison, affirmant que des répliques sont « restées célèbres » dans ces affrontements.
Il y a aussi les spectacles qui mettent en scène la relation de personnes, fantasmées ou réelles, avec des hommes politiques. Mon dîner avec Winston en est un exemple, on se souvient aussi de Moi et François Mitterrand créé en 2016 et où Olivier Broche rêvait sa correspondance avec les présidents de la République successifs.
Dans un genre différent, mais mettant toujours un homme politique de premier plan sur scène, on se rappellera du Projet Poutine de et avec Hugues Leforestier, qui a tenu l’affiche de longs mois sur les scènes parisiennes en 2016 et 2017. On entrait dans l’intimité du président russe afin de « savoir tout ce qu’on voulait savoir sur Poutine sans jamais oser le demander ». L’auteur-acteur y incarnait la figure autoritaire avec brio, composant une création quasiment documentaire. Ici, le théâtre offre à l’étude le comportement exagéré d’un humain qui, dans ce cas, était un homme politique.
Montrer l’homme politique de façon plus distanciée, plus lyrique, cela existe quand on voit des spectacles comme Adagio (Mitterand, Le Secret et et la Mort) d’Olivier Py créé en 2011. Mais il est difficile de comparer ce genre de spectacle – qui revient sur la fin de l’homme – avec celui que nous évoquions plus haut. Pourtant, il s’agit toujours de mettre sur scène les actions d’un dirigeant.
Enfin, que dire des rencontres ? Jean-Marie Besset a commencé sa carrière d’auteur à la fin des années 1980 en écrivant, dans Villa Luco, une visite de De Gaulle à Pétain sur l’ile d’Yeu. La famille du général voulait la faire interdire, criant au scandale, mais ici les deux hommes politiques ne parlent quasiment pas de ce sujet. Les figures historiques composent davantage une réflexion plus profonde et intime sur la mort. La figure du héros théâtral n’est pas symbole de l’homme politique, c’est ce dernier qui devient symbole de quelque chose de plus grand.
Les exemples sporadiques sont aussi nombreux que variés. Peut-on vraiment penser ensemble un spectacle d’Olivier Py et d’Hugues Leforestier ? Ni le propos, ni la forme on grand-chose à voir, mais l’essence est pourtant commune : comment mettre en scène des hommes politiques au théâtre et, surtout, pour en dire quoi ? Une réflexion générale reste à mener, en attendant, les réponses restent suspendues.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !