La Grande Arche de la Défense l’un des monuments du « règne » de France Mitterrand sert de décor à la création d’Olivier Py. Elle occupe tout l’espace du cadre de scène du théâtre de l’Odéon. Au cœur de l’arche trône une bibliothèque monumentale. Sur les marches, François Mitterrand (Philippe Girard), vieillissant, malade, blafard, cherche des ouvrages, les pose avec précaution. Ainsi débute cette fresque historique, la première du genre au théâtre sur cet homme d’Etat contesté et vénéré qui a changé la France de la fin du vingtième siècle. Dans ce grand documentaire théâtral, Olivier Py impulse un rythme haletant. Au sommet des escaliers de la Grande Arche, la bibliothèque disparaît peu à peu, puis les éléments de décor défilent lentement sur un tapis roulant. Au fond la forêt des Landes est présente en permanence. La forêt, les arbres, les livres, la nourriture spirituelle sont les fondements du spectacle.
Tout a été écrit, tout a été dit, rien n’est inconnu du parcours de François Mitterrand. De la fin des années 40 à 1995 et son retrait de la vie publique après deux septennats, il a marqué cinquante de vie politique. Olivier Py nourrissait ce projet depuis 1998. Il a puisé dans la vie palpitante et romanesque de ce sphinx, monarque, socialiste et machiavélique. Il y a le bon Mitterrand, l’homme des réformes comme l’abolition de la peine de mort (avec le discours mémorable de Robert Badinter à l’Assemblée Nationale), le défenseur de l’Union Européenne (et la célèbre poignée de main avec Helmut Köhl), et le Mitterrand obscur, l’homme des affaires douteuses (le suicide de son ami François de Grossouvre à l’Elysée)…Le texte d’Olivier Py n’est pas analytique, il est factuel, trop peut-être diront certains pour un œuvre théâtrale qui aurait pu mériter un peu plus de recul et de distance. Les totons maniques y retrouveront la nostalgie d’une époque révolue, et les antis Mitterrand seront confortés dans leur sentiment de gâchis. Mais tous seront d’accord sur un point : l’œuvre d’Olivier Py est fidèle à l’histoire. Il a puisé dans les discours de l’ancien Président, dans ses nombreux écrits, ses interventions télévisées (dont les derniers vœux poignants à la Nation, le 31 décembre 1994), et dans beaucoup d’ouvrages qui lui ont été consacrés. Cette plongée dans la France des années 80 et 90 réveillent beaucoup de souvenirs : la chute du Mur de Berlin et la réunification de l’Allemagne qui a suivi, la guerre en Bosnie…
Philippe Girard trouve ici un rôle à la mesure de son talent. Il est Mitterrand. Il n’a pas besoin de forcer son phrasé. Il épouse merveilleusement la langue de l’ancien Président. Il est entouré par des comédiens merveilleux qui incarnent à tour de rôle des personnages clés des « années Mitterrand ». Elisabeth Mazev – seule femme de la distribution – incarne à la fois Anne Lauvergeon (l’actuelle PDG d’Areva, et véritable héroïne de la pièce, ancienne collaboratrice à l’Elysée), puis Margueritte Duras ou Danielle Mitterrand. John Arnold est Badinter, Lang ou Kouchner (l’ancien Ministre pas vraiment à son avantage porte un jean troué sous les fesses !), Jean-Marie Winling est Elie Wiesel, puis Köhl ou Emmanuelli…Et puis il y a la cour des médecins autour de Mitterrand. Les Tarot, Gubler, de Kuyper…Et l’on retient surtout du spectacle le combat d’un homme condamné dès son accession au pouvoir, qui n’aura de cesse pendant 14 ans de lutter contre la maladie tout en donnant à la France une grandeur qui lui fait terriblement défaut désormais.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Adagio [Mitterrand, le secret et la mort]
un spectacle d’Olivier Py
décor, costumes & maquillage
Pierre-André Weitz
lumière
Bertrand Killy
assistante costumes
Nathalie Begue
avec
Philippe Girard François Mitterrand
John Arnold Robert Badinter, Jack Lang, Docteur Gubler, Bernard Kouchner, Michel Charasse
Bruno Blairet Docteur Tarot, Michael Gorbatchev, Un conseiller, Un diplomate, Un grand reporter
Scali Delpeyrat Pierre Bérégovoy, Hubert Védrine, Jacques Séguela, Pierre Bergé, Général MacKenzie, Le prêtre, Bernard Pivot, Un journaliste, Docteur de Kuyper, Roger Hanin
Elizabeth Mazev Anne Lauvergeon, Marguerite Duras, Danielle Mitterrand, L’interprète d’Alija Izetbegovic
Jean-Marie Winling Helmut Kohl, Docteur Steg, Alija Izetbegovic, Elie Wiesel, Henri Emmanuelli, François de Grossouvre
Sébastien Richaud Docteur Kalfon
et le Quatuor Léonis
Guillaume Antonini 1er violon
Sébastien Richaud 2nd violon
Alphonse Dervieux Alto
Jean-Lou Loger Violoncelle
production Odéon-Théâtre de l’Europe
16 mars – 10 avril 2011
Tarifs 32 € – 24€ – 14€ – 10€ (séries 1, 2, 3, 4)
Horaires du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h
relâche le lundi
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