Le nouveau directeur du théâtre Nanterre-Amandiers, Christophe Rauck, met en scène le marathon shakespearien avec les anciens élèves de l’École du Nord. Une réussite, moins brillante que celle de Thomas Jolly en 2014, mais à la gloire de ses jeunes et valeureux comédiens.
Hasard du calendrier, la première – intégrale et dominicale – d’Henry VI signée Christophe Rauck, se tenait le même jour que le Marathon de Paris. La coïncidence prête à sourire, car la mise en scène de la saga shakespearienne a tout d’un défi sportif où il est coutume de chiffrer l’ampleur des difficultés – le monstre du théâtre élisabéthain compte trois pièces, 15 actes, 12 000 vers et plus de 150 personnages – et la performance des artistes en chef – Christophe Rauck et sa collaboratrice Cécile Garcia Fogel y sont arrivés en 5 heures, avec entracte ; belle prestation ! -.
Évidemment, le théâtre n’est pas une course de vitesse, et la comparaison sportive s’arrête là ; ces cinq heures filent comme un songe et l’on aurait été ravi de rester dans la salle éphémère du CDN de Nanterre une bonne partie de la nuit, tant la qualité de jeu des seize jeunes comédiens éblouit par sa finesse et sa vitalité. Tous sont issus de la sixième promotion de l’École du Nord, que Christophe Rauck a dirigé. Créée au Théâtre de l’idéal à Tourcoing, cet Henry VI est leur spectacle de sortie d’études.
La trilogie retrace le règne tourmenté d’un monarque humaniste en manque d’autorité – Henry VI donc – dépassé par les forces politiques en présence, à commencer par la rivalité entre les Yorks et les Lancastre. La toile de fond est la guerre de Cent Ans. On croise la « sorcière » Jeanne d’Arc, le dauphin Charles VII, la manipulatrice Marguerite d’Anjou et le futur grand pervers Richard III. On se retrouve plongé dans les champs de bataille d’Orléans, de Bosworth et de Saint Albans, jeté dans les geôles de la sordide tour de Londres et accompagné devant l’opulente cour de France. Le tout raconté à 1000 à l’heure avec autant de surprises que de cliffhangers, à l’instar des grands divertissements sériels actuels, type Game of Thrones.
Évidemment, l’expérience aurait été plus plaisante, encore, si Thomas Jolly n’avait jamais existé. L’actuel directeur du CDN d’Angers a créé une version de la saga en 2014 pour le festival d’Avignon, qui restera un moment de bravoure théâtrale inoubliable… Et sûrement indépassable. D’autant que l’adaptation de Christophe Rauck lui ressemble beaucoup ; pour son esprit de troupe, pour son humour grand-guignolesque, pour ses clins d’œil à l’actualité et à la culture pop, pour l’intelligence de sa mise en scène fourmillante et savamment bricolée.
Mais la réussite du nouveau patron des Amandiers, et celui de sa collaboratrice artistique sur ce projet, l’actrice Cécile Garcia Fogel, est d’avoir porté ces jeunes acteurs au firmament de leur potentiel et aux confins de leur engagement. Textuellement, la fresque shakespearienne est si vaste que ses quelques personnages n’existent qu’au travers de leur fonction politique. Leurs traits sont brossés en un coup de pinceau, à la hâte, toujours à la limite de la caricature. Or, sur le plateau, au fil de cinq heures exaltantes, ces comédiens parviennent à leur donner chair, corps, vitalité et présence, suscitant même une empathie inespérée. Chapeau.
Igor Hansen-Love – www.sceneweb.fr
Henry VI de Shakespeare
Avec Louis Albertosi, Mathilde Auneveux, Maxime Crescini, Adèle Choubard, Orlène Dabadie, Simon Decobert, Joaquim Fossi, Nicolas Girard-Michelotti, Antoine Heuillet, Pierre-Thomas Jourdan, Solène Petit, Constance de Saint Remy, Noham Selcer, Rebecca Tetens, Nine d’Urso, Paola ValentinCollaboration artistique : Cécile Garcia Fogel
D’après la traduction de Stuart Seide
Lumières Olivier Oudiou ; Son Sylvain Jacques ; Costumes Fanny Brouste ; Travail du corps Philippe Jamet
PRODUCTION
Théâtre du Nord – Centre Dramatique National Lille Tourcoing Hauts-de-France et l’École du NordRemerciements : Théâtre National Populaire, Théâtre Nanterre-Amandiers pour le prêt des costumes et accessoires
Théâtre Nanterre-Amandiers
Du 15 au 24 octobre 2021Premier épisode : Le Cercle dans l’Eau
20 octobre, 19h30
Durée estimée : 2h05Second épisode : L’Orage des Fous
21 octobre, 19h30
Durée estimée : 2h05Intégrale
22 octobre, 18h, 23 et 24 octobre, 15h
Durée estimée : 4h45 entractes compris
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