Avec « Mr Gaga : sur les pas d’ Ohad Naharin » le chorégraphe phare de la scène israélienne se révèle comme jamais. Ce documentaire dans lequel l’artiste et l’homme ne font qu’un est une réussite.
Pour avoir interviewé Ohad Naharin on sait que l’homme n’est pas facile. Et qu’il ne se livre pas toujours dans cet exercice. C’est l’une des réussites de ce documentaire de Tomer Heymann : Mr Gaga sur les pas d’Ohad Naharin. Entrer dans l’intimité de l’homme et du créateur, comprendre son processus de travail. Aujourd’hui l’un des artistes les plus acclamés de la planète danse Ohad Naharin est un enfant du kibboutz. Il raconte dans ce film ces années d’enfance passant « seulement trois heures avec ses parents« , le reste du temps avec des petits de son âge. Quitter le kiboutz c’était pour lui quitter « le paradis ». Naharin ne se souvient pas avoir pensé devenir danseur mais il vivait la danse au présent. De nombreuses images d’archives le montrent dans un jardin, ou plus tard dans une unité militaire de divertissement israélienne face à des soldats désemparés.
Le jeune homme va passer des auditions, se retrouver à New York face à Martha Graham c’est à dire une des dernières légendes de la danse. Et Naharin de lâcher désarmant de franchise: « elle est tombée amoureuse de moi!« . Un an plus tard, c’est pour Maurice Béjart qu’il passe une audition. Recalé puis repêché. Il rejoint le Ballet du XXème siècle. Un des pires moments de sa carrière avoue Ohad sans détour! L’homme est tout sauf langue de bois. De retour aux Etats-Unis il tombe amoureux d’une des étoiles d’Alvin Ailey Mari Kajiwara. C’est une star, lui n’est rien. Elle finira pas se lancer dans l’aventure d’une compagnie au nom d’Ohad Naharin. On comprend vite que le danseur à la sensualité plus latine qu’autre chose est aussi un bourreau de travail. Un de ses partenaires de l’époque raconte que durant les répétitions il n’était pas rare de voir un danseur partir. Et revenir le lendemain! On commence à murmurer le nom de cet artiste au delà des cercles d’initiés.
Puis ce sera la grande aventure de la Batsheva Dance Company qu’il reprend en mains : il en fera une des institutions les plus importantes de la scène contemporaine. A son arrivée il y avait « 8 spectateurs dans la salle, plutôt âgés! » Le triomphe viendra peu à peu. Aujourd’hui cette troupe est un emblème culturel du pays. Des extraits de pièce récentes ( Sadeh 21, Last Work) alternent avec des captations anciennes. Le documentaire revient également sur le scandale d’une représentation pour le jubilé d’Israël : on lui demande en haut lieu de rallonger les collants des danseurs pour ne pas offenser les orthodoxes. Il refuse, propose sa démission à la compagnie qui fait bloc derrière lui. Ses solistes ne danseront pas ce soir là. Dans ses propos on sent que Naharin est pessimiste sur le futur de son pays, Israël, sur ceux qui le dirigent. Fin de la parenthèse politique. Le plus beau reste alors ces moments en répétition, sa prise de conscience après la mort de sa femme que les danseurs sont partie intégrante de son processus de chorégraphie. Et le développement de sa méthode Gaga Danse. « Je danse tous les jours. Tout le monde devrait faire de même » dit Ohad Naharin. Lui qui a cru un jour ne plus pouvoir bouger… Mr Gaga sur les pas d’Ohad Naharin est un formidable message aux apprentis artistes. Mais par son humanité, celle d’une personnalité qui ne renonce jamais, c’est également un magnifique portrait d’homme.
Philippe Noisette -www.sceneweb.fr
En salles le 1 juin
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