Avec une rage et une étourdissante capacité à constituer une meute, le Foutoir Céleste du Cirque Exalté captive. Sur une piste, devant et dans le dos du public, il crée un antidote à la peur.
People Have the Power. L’hymne de Patti Smith ne résonne pas dans Foutoir Céleste, mais la chanteuse américaine irrigue le travail de la compagnie Cirque Exalté, fondée en 2008 par Sara Desprez et Angelos Matsakis à leur sortie de l’École Supérieure des Arts du Cirque de Bruxelles (ESAC), où elle a appris le trapèze ballant et lui la jonglerie et l’acrobatie. Gloria et Land accompagnent les images de deux de leurs précédentes créations, Complètement swing (2010) et Furieuse tendresse (2014). Une citation de l’icône, extraite de son livre Dream of Life, figure même dans le dossier de présentation de cette dernière création en date : « L’art, comme la poésie, ne gagne rien à être élitiste, c’est une émanation directe de la force du peuple, un art de la rue, de la route, de la poussière, un grand fracas de guerres, de naissances et de fêtes barbares… ».
Voici donc que la fureur va opérer durant 1h15 dans leur cinquième spectacle, le plus ambitieux en matière de format – ils avaient déjà exploré la scène circulaire, souvent en rue, utilisé le rapport frontal. Sur une piste de dix mètres de diamètre, ils prennent en étau les 430 spectateurs en plaçant derrière eux une rampe circulaire inclinée, collée au chapiteau, celle qu’emprunte au commencement Matthieu Bonnecuelle, professionnel du BMX et circassien. Peau de bête sur le dos, il rôde, tourne, gagne le centre en dévalant les escaliers où ses acolytes le rejoignent. La procession se met en place. Elle ne va plus cesser. Peu à peu, ils vont virevolter, voltiger plus à l’horizontale qu’en cherchant les sommets, devenir, avec une joie contagieuse, la mécanique d’une horloge dont les aiguilles tournent continuellement.
L’effet hypnotique ne fera que croitre d’autant que la troupe ne craint pas d’accorder du temps à ses scènes. Foutoir Céleste n’est pas construit comme une succession de numéros pour éblouir l’assemblée avec un catalogue d’attractions. Au contraire, les séquences se déploient, parfois jusqu’à dix minutes avec une seule circassienne, comme c’est le cas pour la trapéziste. Son dancefloor, au son des compositions originales électros et vibrantes de Romain Dubois, se situe à la pointe du chapiteau, et diffuse une transe graduelle qui s’arrête cut dans les airs, accentuant la notion d’étrangeté de ce spectacle par ailleurs d’une très grande liberté. De la même manière, la phase de jonglage avec une multitude de massues impossible à toutes manier devient une célébration. De quoi ? Foutoir Céleste ne le dit pas vraiment, mais ses sept membres, ensemble, dessinent un rite de communion païenne, sans l’ombre d’un écrasant gourou.
La puissance, c’est celle qu’ils activent et amplifient jusqu’au tournis. Leur sauvagerie ne peut être kidnappée par personne, mais ils la domptent entre eux, face à ce coyote en BMX – le solo d’Angelo Matsakis aux massues se nommait comme cela en 2018 – avec qui ils finissent par s’entendre. Dans les quelques rares paroles prononcées, il est question d’oser et d’audace. « Est-ce que j’ai vraiment si peur ou est-ce que je n’ai juste pas envie d’avoir peur ? ». Comme des enfants, ils et elles jouent avec leurs craintes, le coyote s’est d’ailleurs amusé à slalomer entre tous pour apprivoiser ou être apprivoisé des figures humaines. Quand la tension redescend, une forme de sérénité émerge, comme s’ils sortaient rincés, mais rassérénés d’avoir livré un concert de rock. Régénérant.
Nadja Pobel – www.sceneweb.fr
Foutoir Céleste
Écriture Sara Desprez, Angelos Matsakis
Mise en scène Sara Desprez
Avec Jonathan Charlet, Maria Paz Marciano, Matthieu Bonnecuelle, Sara Desprez, Angelos Matsakis, Maria Jesus Penjean Puig, Marin Garnier
Technique son et lumière Stéphane Laisné, Zoé Dada, Nico James
Regards extérieurs Stéphanie Gaillard, Marie Molliens, Brams Dobbelaere.
Composition musicale Romain Dubois
Création lumière Zoé Dada
Costumes et scénographie Clarisse Baudinière, assisté par Gaby Tombelaine
Peinture plancher Sébastien Le Mentec
Montage et coordination technique du projet Angelos Matsakis, Pierre-Yves Dubois
Organisation construction Pierre-Yves Dubois
Construction Pierre-Yves Dubois, Bernard Delaire, accompagnés de Thibaut Rocaboy, Maxime Delaire, et toute l’équipe du Cirque Exalté
Bénévoles construction Thomas Bréheret, Guillaume Garnier
Construction cerce Eric Abadie (Aéréa)
Parrains « chapiteau » Bernard Delaire et toute La Famille Morallès
Graphisme, dessins Virginie Salvanez, Cédric HolowezynskiProduction Compagnie Cirque Exalté
Coproduction, aide et soutien Le Plongeoir – Cité du Cirque, Le Mans ; Communauté de Communes Loué, Brulon, Noyen ; Théâtre de Cusset, Scène conventionnés d’intérêt national pour les arts du cirque et de la danse ; Ville d’Evron ; Onyx, Théâtre de Saint Herblain, Scène conventionnés d’intérêt national pour les arts du cirque et de la danse ; Cheptel Aleikoum ; La Cascade, Pôle National Cirque Drôme Ardèche ; Ay-Roop, Scène conventionnée de territoire pour les arts de la piste ; L’Entracte, Scène conventionnée de Sablé sur Sarthe ; Circa, Pôle National Cirque Auch ; Théâtre Firmin Gémier-La Piscine, Pôle National Cirque, Antony ; Mirabilia ; Les Quinconces-L’Espal, Scène nationale Le Mans ; Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne (CNAC) ; L’Etat, Direction Générale des Affaires Culturelles (DGCA) ; Département de la SartheLa compagnie Cirque Exalté est conventionnée par la Direction des Affaires Culturelles de la Région Pays de la Loire.
Durée : 1h15
Vu en juillet 2023 au Festival d’Alba-la-Romaine
Parc des Chantiers, Île de Nantes, dans le cadre de la programmation du Grand T
du 15 novembre au 7 décembre 2014Le Plongeoir, Pôle national Cirque, Le Mans
du 24 au 20 mars 2025Théâtre de la Nacelle, Aubergenville
du 16 au 18 maiTransversales, Scène conventionnée Cirque, Verdun
du 12 au 14 juin
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