Avec Fable pour un adieu, la metteuse en scène et autrice Emma Dante s’essaie à la réécriture de conte. Sans convaincre.
Si le goût des artistes de théâtre et d’opéra pour les contes n’est pas récent, cet intérêt connaît depuis nombre d’années un regain remarquable. Loin de se limiter à la simple adaptation de récits existant, les artistes de plateau s’en saisissent désormais souvent en en proposant une réécriture. Se joue là une manière de moderniser les enjeux à l’œuvre dans les contes et de parler de notre monde contemporain – ces récits portant dans leur matière même une histoire des mentalités.
Des réécritures de Joël Pommerat de Pinocchio, Cendrillon ou du Petit Chaperon rouge, à l’adaptation par Jean-Michel Rabeux de Barbe-Bleue (La Barbe bleue), en passant par Le cas Blanche-Neige publié par le britannique Howard Barker, et jusqu’à la prochaine création d’Emmanuel Demarcy-Mota portant sur une nouvelle version d’Alice traverse le miroir écrite par Fabrice Melquiot, les exemples sont légion. Ces œuvres aux « bienfaits pédagogiques nombreux » constituant des « rituels initiatiques » entendent retrouver par ce travail de réactualisation toute leur pertinence pour parler aux enfants et adultes d’aujourd’hui.
C’est à cet exercice que se coltine la metteuse en scène et autrice Emma Dante. L’artiste italienne habituée des scènes françaises s’attaque dans Fable pour un adieu à La petite Sirène de Hans Christian Andersen. Réécriture libre du conte de l’écrivain danois paru en 1837, Fable pour un adieu évacue la famille de la petite sirène pour se resserrer autour des trois figures que sont la sirène, le prince et la sorcière des mers.
Lorsque le spectacle débute, les trois comédiens sont au plateau. Agnès, la petite sirène est allongée à l’avant-scène, tandis que deux autres sirènes, au sol également, sont situées en fond de scène, au plus près d’un grand voile ondulant au gré du vent. Se plaignant du froid et de son sentiment d’inadaptation au monde aquatique dans lequel elle vit, Agnès se lance ensuite dans des jeux avec ses deux camarades. C’est là qu’elle va croiser la route d’un prince. Le sauvant de la noyade, elle en tombe du même coup amoureuse. Sa passion devient le levier pour quitter un monde dans lequel elle ne trouve pas sa place. Agnès conclut un pacte avec la sorcière des mers : en l’échange de sa voix enchanteresse cédée à cette dernière, Agnès troque sa queue de poisson contre une paire de jambes. Mais la sorcière est catégorique : cette émancipation n’en est pas vraiment une, et si le prince ne l’aime pas en retour, la sirène deviendra de l’écume de mer. C’est au final ce qui arrivera car de prime abord séduit par la mystérieuse jeune femme, le prince la délaisse pour … la sorcière des mers.
Emma Dante, dont les spectacles se déroulent bien souvent sur des plateaux nus ou avec très peu d’éléments scénographiques, prolonge ici cet axe de l’économie formelle. C’est avec quelques simples éléments que les différents espaces sont signifiés. Mais la mise en scène n’est pas dépouillée pour autant, les accessoires convoqués (boule à facettes, couvertures de survie) comme les costumes étant majoritairement scintillants et clinquants. Cela construit un récit à l’esthétique pop, tonalité accentuée par la musique de variété. Il ressort de l’ensemble une volonté de séduire et de susciter le rire et autres émotions par les images, le volume sonore très élevé, comme par le jeu appuyé et les gesticulations excessives des personnages. Sauf qu’au-delà de son esthétique gloss et branchée, Fable pour un adieu se révèle une coquille vide, à la dramaturgie inconsistante. Rien ne fait tellement sens et l’histoire d’Agnès nous demeure désespérément lointaine, sans que le récit de sa chute n’offre un propos pertinent.
Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr
Fable pour un adieu
texte et mise en scène Emma Dante
avec Elena Borgogni, Davide Celona, Stéphanie Taillandier
décor Carmine Maringola
lumières Cristian Zucaro
coordination et diffusion Aldo Miguel Grompone
suivi de production Daniela Gusmanoproduction
Atto Unico / Compagnia Sud Costa Occidentale
coproduction La Colline – théâtre national
collaboration Teatro Biondo di Palermodurée: 45 minutes
Théâtre National de la Colline
du 11 au 22 décembre 2019
au Petit Théâtre
dès 8 ansdu mardi au samedi à 14h30 et 19h30 et le dimanche à 14h30 et 17h30
uniquement à 19h30 le mercredi 11 décembre
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