Au Théâtre L’Echangeur, Etienne Pommeret ne donne pas de tonalité particulière au texte minimaliste de Jon Fosse. Dénuée de reliefs attrayants, sa nouvelle création, sans être désagréable, tombe un peu à plat.
Dans l’intrigue comme dans les mots, le théâtre de Jon Fosse est on ne peut plus minimaliste. Parfois abstrait, d’une poésie lancinante, Le Fils se révèle, au contraire, particulièrement concret, les vers libres ancrés dans une âpre réalité. Le dramaturge norvégien y relate l’histoire d’un couple vivant dans un hameau – élégamment représenté par la maquette de Jean-Pierre Larroche – qui se dépeuple au fur et à mesure que les plus anciens meurent et que les plus jeunes s’en vont. N’y subsistent qu’eux, et leur voisin. Au gré de discussions foncièrement creuses, le temps s’écoule lentement, très lentement. Dans un état de vacuité avancé, le couple se contente de guetter le passage d’un bus qui doit ramener leur voisin parti en ville pour la journée. Mais, à son arrivée, l’homme et la femme remarquent qu’il est accompagné de leur fils qu’ils n’ont pas vu depuis très longtemps.
Bien davantage que dans les échanges succints entre des personnages taiseux, tout l’intérêt de la pièce de Jon Fosse se niche dans les non-dits. Elle traduit avec force et habileté l’inquiétude constante de parents à propos du devenir de leur enfant, le désespoir larvé d’une vie réduite à la portion congrue où les sentiments et émotions disparaissent à mesure que les jours s’obscurcissent. A l’image des dialogues, leur existence est devenue si peu passionnante qu’elle ne fait que tourner sur elle-même. Le couple n’est même plus en mesure d’échanger ou de partager, de se réjouir ou de pleurer, avec un fils dont le retour était pourtant patiemment attendu.
Grand habitué de Jon Fosse, dont il avait déjà monté Dors mon petit enfant et Vivre dans le secret, Etienne Pommeret a pris le parti d’adapter Le Fils de façon étonnamment neutre. Ni tragique, ni comique, ni tragi-comique, sa mise en scène, très littérale, ne fait pas suffisamment parler les non-dits et ne confère aucune perspective particulière à la pièce. Aussi à l’aise soient-ils dans leurs rôles de voisin ombrageux et de père sclérosé, Etienne Pommeret et Sharif Andoura ne donnent pas, non plus, toute la profondeur nécessaire à leurs personnages, tandis que Karim Marmet et Sophie Rodrigues semblent à la peine pour trouver le ton juste. Dénué d’ampleur et de relief, le texte tourne alors à l’anecdote. Sans être, pour autant, complètement désagréable, le spectacle se cantonne à l’interprétation d’un théâtre quasiment anesthésié dont, au sortir, il est simplement difficile de déceler l’intérêt.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Le Fils de Jon Fosse
Mise en scène Etienne Pommeret / Cie C’est Pour Bientôt
Assistante à la mise en scène Virginie Barreteau
Traduction Terje Sinding
Avec Sharif Andoura, Karim Marmet, Sophie Rodrigues et Étienne Pommeret
Scénographie Jean-Pierre Larroche
Conception lumière Jean-Yves Courcoux
Conception son Valérie Bajcsa
Costumes Cidalia Da Costa
Durée : 1hThéâtre L’Echangeur, Bagnolet
Du 4 au 13 avril 2018
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