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Mithridate, le crépuscule des Hommes

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Eric Vigner monte Mithridate de Racine au Théâtre national de Strasbourg
Eric Vigner monte Mithridate de Racine au Théâtre national de Strasbourg

Photo Jean-Louis Fernandez

Au Théâtre national de Strasbourg, Eric Vigner donne (enfin) corps à cette pièce méconnue de Racine. Aux commandes d’un sublime dispositif scénographique, il peut aussi s’appuyer sur une distribution de choix où la personnalité artistique règne en maître.

Eric Vigner n’aime rien tant que tisser des fils entre ses différents spectacles, comme si, finalement, tout procédait d’un seul et même mouvement. Son dernier-né, Mithridate, n’échappe pas à cette règle et se situe à l’exact croisement de deux influences passées, dans la droite lignée, côté esthétique, du Partage de midi de Paul Claudel, qu’il avait monté il y a près de trois ans, et, côté dramatique, du Bajazet de Racine, porté sur la scène du Vieux-Colombier il y a plus de 25 ans. Au-delà de la connexion temporelle entre ces deux pièces – Racine ayant écrit Mithridate juste après Bajazet –, il existe une série de résonances qui ne sont sans doute pas étrangères au choix du metteur en scène pour cette oeuvre plus méconnue que d’autres, où la tourmente politique et les passions amoureuses ne semblent faire plus qu’une.

Comme le sultan Amurat, Mithridate est un souverain d’Orient, tout-puissant, mais absent. En guerre contre les Romains depuis plusieurs décennies, il voit son royaume lui échapper et son pouvoir vaciller. Au palais de Nymphée, où vivent ses deux fils, Xipharès et Pharnace, mais aussi Monime, sa fiancée, l’annonce de sa mort met le feu aux poudres et délie les langues. Inquiet par une potentielle trahison de son frère, qui pourrait pactiser avec l’ennemi et compte bien s’emparer du royaume du Pont en même temps que de la future reine, Xipharès, pourtant héritier modèle, ne tarde pas à déclarer sa flamme à la promise de son père qui est loin, très loin, de se refuser à lui. Alors qu’une lutte fratricide s’engage pour la prise du pouvoir et du coeur de Monime, une nouvelle l’interrompt brutalement : le bateau de Mithridate vient d’accoster au port. Le vieux roi n’est pas mort et transporte, avec lui, le noeud gordien de la tragédie.

Pour dompter les redoutables flots raciniens et donner de la force à cette série ininterrompue de troublants duels, Eric Vigner s’est entouré d’une distribution de choix, où la personnalité artistique règne en maître. Autour de son ex-tandem du Partage de midi, Jutta Johanna Weiss et Stanislas Nordey, le metteur en scène a convoqué Thomas Jolly – dirigé pour la première fois par un autre metteur en scène que lui-même depuis sa sortie de l’Ecole du Théâtre national de Bretagne –, Jules Sagot et Philippe Morier-Genoud. Bien conscient que Mithridate est, en même temps qu’une tragédie royale, un crépuscule humain, que les Hommes s’y débattent avec eux-mêmes, leurs turpitudes amoureuses, leurs esprits empoisonnés et leur conscience de mortel, avant de s’y confronter aux Dieux, il a posé le défi de l’incarnation à cet ensemble quatre étoiles. Un pari rendu audacieux par le parcours de création pour le moins bousculé du spectacle.

Répété il y a plus de huit mois, transformé entre-temps pour les besoins d’un film, il apparaissait, au soir de la première, quelque peu engourdi, comme si le frigo où il avait dû être placé produisait encore ses effets. Si Stanislas Nordey, en vieux lion blessé, Jules Sagot, en Pharnace pernicieux, et Philippe Morier-Génoud, en serviteur zélé, s’en sortent brillamment, Jutta Johanna Weiss et Thomas Jolly semblent, pour l’heure, nettement moins à l’aise. Quand le second peine à trouver le ton juste dans son rôle de Xipharès, devenu fragile, trop fragile, presque affecté, et se perd dans une diction trop hachée, la seconde se réfugie dans un maniérisme qui, tout en offrant au personnage de Monime une pertinente longueur d’avance sur l’aréopage masculin qui l’entoure, la place en décalage par rapport aux autres et la prive de toute chaleur.

Malgré ces quelques imperfections qui, gageons-le, pourront être gommées au fil des représentations, tous profitent de la mécanique dramatique savamment huilée de Racine – un peu moins bavard et encore plus efficace qu’à l’accoutumée –, mais aussi du magnifique écrin imaginé par Eric Vigner. Parce que Mithridate est aussi le récit de la fin d’un monde où tout est condamné à disparaître, le plateau est, à l’image du souverain, intensément et subliment dépouillé. Au-delà des merveilleux costumes de Jean-Paul Ataker, Anne-Céline Hardouin et Mario Moreno Moyano, habilement stylisés, n’y subsistent qu’un trône spartiate, un immense globe vierge, un totem géant et un immense rideau d’un million de perles bleues – hérité du Savannah Bay qu’Eric Vigner avait créé, en 2002, à la Comédie-Française. Aussi scintillant que la mer et changeant que le ciel, cet impressionnant accessoire permet au metteur en scène de créer des fondus scénographiques et autant de tableaux, mais aussi de générer un mouvement qui emporte tous les personnages vers l’abîme. Sous les lumières blafardes de Kelig Le Bars, qui jouent avec un clair-obscur permanent, notamment sur les visages, tous sont alors gagnés, peu à peu, par ce crépuscule qui, de manière irrépressible, les conduit vers l’éternelle nuit.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Mithridate
Texte Jean Racine
Mise en scène et scénographie Éric Vigner
Avec Thomas Jolly, Philippe Morier-Genoud, Stanislas Nordey, Jules Sagot, Yanis Skouta en alternance avec Romain Gneouchev, Jutta Johanna Weiss
Lumière Kelig Le Bars
Son John Kaced
Costumes Jean-Paul Ataker, Anne-Céline Hardouin, Mario Moreno Moyano
Maquillage Anne Binois
Assistanat à la mise en scène Tünde Deak, Emilie Lacoste
Assistanat à la scénographie Robin Husband
Conception technique du décor Hervé Cherblanc
Régie générale Bruno Bléger

Production Suzanne M
Coproduction Théâtre National de Strasbourg, Théâtre national de Bretagne, Le Quai – Centre dramatique national Angers Pays de la Loire, Comédie de Reims – Centre dramatique national, La Comédie de Valence – Centre dramatique national Drôme-Ardèche, Ville de Pau
Avec le soutien de la Ville de Pau

Durée : 2h30

Théâtre National de Strasbourg 
du 31 mai au 8 juin 2021

Comédie de Reims
du 22 au 25 juin

Comédie de Valence
les 9 et 10 février 2022

Théâtre Saint-Louis, Pau
les 22 et 23 février

1 juin 2021/par Vincent Bouquet
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