Dans l’écrin magique du Théâtre de la Mer de Sète, le Théâtre du Centaure dévoile sa dernière création, Entre chiens et loups. Un poème muet et intense, sublimé par les compositions de Walid Ben Selim et Agathe Di Piro, qui résume l’essence de la compagnie, mais qui n’évite pas une certaine forme de déséquilibre.
Désormais incontournable en France et à l’international, le Théâtre du Centaure bâtit depuis plus de trente ans une utopie politique centrée sur la relation au vivant. « Une relation à l’autre de manière générale », vous préciseront en souriant Camille et Manolo, les deux fondateurs de la compagnie. Abandonnant leurs noms de famille, ils préfèrent qu’on les désigne par le terme qui résume leur vision : comme des « centaures ». Ces créatures mi-homme mi-cheval synthétisent la manière dont ils travaillent avec leurs partenaires à sabots : centrée sur l’écoute, le partage et la confiance. En transhumance à travers les Bouches-du-Rhône, lancée au galop au cœur du quartier des Baumettes à Marseille, surgissant dans la gare Saint-Charles ou dans les rues de Singapour, la compagnie n’a de cesse de signer une esthétique du choc et de la rencontre, juchée sur ses Frisons noirs. Longtemps nomade, elle a posé ses valises depuis bientôt dix ans dans le 9e arrondissement de la cité phocéenne, un lieu ouvert sur le quartier et sur la Méditerranée.
Sa dernière création, Entre chiens et loups, vient s’ajouter à son répertoire fort d’une vingtaine de projets (spectacles, performances, films) et est présentée ici, au Théâtre de la Mer, avec le Théâtre Molière Sète, Scène nationale archipel de Thau. La mer comme horizon, la lumière du jour déclinante pour habit, les notes de piano composées et interprétées par Agathe Di Piro et les poèmes de Mahmoud Darwich chantés par l’envoûtant Walid Ben Selim offrent un écrin sublime au duo qui nous plonge à l’intersection du monde sauvage et domestique, un espace où les frontières se brouillent. Sans scénographie ni effet visuel, dans un geste dépouillé, il ne reste alors que la beauté de leur lien et la singularité de leur geste pour nous porter.
Un pas de deux débute, où les corps des deux cavaliers et de leurs montures évoluent en symbiose, dans un mouvement organique et précis. Mais un orage éclate, inévitablement. Les regards se font peu à peu tendus, les galops plus incisifs, avant que la séparation n’intervienne. Seul en scène, alors séparé de son double, Manolo peut laisser exploser sa douleur et sa détresse dans un solo vibrant mêlant voltige et haute école. Ici, c’est le cheval qui semble porter son cavalier, tant son corps, comme une poupée de chiffon, est laissé à l’abandon de sa monture. Il faut revenir à un lien plus charnel à l’animal, débarrassé de sa selle, autour duquel vont finalement se rassembler les deux humains pour y trouver un espace de réconciliation. Car c’est bien ici que semble exister un endroit en commun, un espace où faire lien et où la création peut apparaître : auprès de leurs partenaires à crinière. En témoigne ce magnifique tableau où les deux centaures, juchés sur la croupe de leurs compagnons, se tiennent la main dans un geste de bascule où le moindre mouvement de l’un pourrait provoquer la chute de l’autre. Le dernier tableau rassemble les quatre chevaux et les deux humains qui s’unissent pour faire troupe et achèvent le geste dans une harmonie retrouvée, ensemble.
Le Théâtre du Centaure touche ici du doigt l’essence même de son art, au cœur du lien si unique qui le forge, fruit de trente années de vie en commun et de travail côte à côte, mais qui, paradoxalement, n’évite pas une certaine forme de déséquilibre dans la répartition de l’énergie de jeu entre les deux partenaires, là où la singularité des deux cavaliers – Camille, juchée sur ses Frisons, préfère les allures altières, là où Manolo manie les galopades vives de ses compagnons espagnols – pourrait alimenter la progression de la proposition et lui donner du relief. Malheureusement, l’énergie du second a trop souvent tendance à prendre le pas sur la subtilité de la première, ce qui atténue les effets de symbiose recherchés. Une histoire d’équilibre, ici encore, que le duo saura certainement réajuster très vite.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
Entre chiens et loups
Chorégraphies Camille, Manolo
Avec Camille, Manolo, Agathe Di Piro (piano), Walid Ben Selim (chant) et les chevaux Sombre, West, Indra et Sahadeva
Composition musicale au piano Agathe Di Piro
Chant et musique additionnelle Walid Ben Selim
Sons organiques Martin Dutasta
Création lumière Bertrand Blayo
Costumes Clarisse Guichard
Régisseur lumière Bertrand Blayo
Régisseur général et son Philippe Boinon
Assistant·e·s de scène Romance Nicoletti, Stéphane AllenoProduction Théâtre du Centaure
Coproduction Théâtre Molière Sète, Scène nationale archipel de Thau ; Le Théâtre, scène nationale de Saint-Nazaire ; ARCHAOS, Pôle National Cirque ; Château Rouge, Scène conventionnée Annemasse ; Communauté d’agglomération de la Baie du Mont-Saint-Michel
Résidences CENTQUATRE-Paris ; Le Quartz, Scène nationale de Brest
Aide nationale à la création pour les arts du cirque 2024 Ministère de la Culture – DGCA/DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur
Résidences de création CENTQUATRE-Paris ; La Scène de Bayssan
Avec le soutien du Fonds SACD Musique de Scène et Copie PrivéeLe Théâtre du Centaure est conventionné par la Ville de Marseille et la DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il est soutenu par le Département des Bouches-du-Rhône, la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur pour l’ensemble de ses activités.
Durée : 1h
Vu en juin 2025 au Théâtre de la Mer, Théâtre Molière Sète, Scène nationale archipel de Thau
Villeneuve en Scène, Villeneuve-lès-Avignon
du 8 au 19 juilletFestival Équestria, Tarbes, en partenariat avec Le Parvis, Scène nationale de Tarbes
du 22 au 27 juilletLe Quartz, Scène nationale de Brest
du 25 au 27 septembreScène nationale d’Albi-Tarn
les 2 et 3 octobreEspace Malraux, Scène nationale de Chambéry-Savoie
du 6 au 12 octobreChâteau Rouge, Scène conventionnée d’Annemasse
les 15 et 16 octobreDomaine de Bayssan, Scène de Bayssan, Béziers
le 12 décembreCirque Théâtre d’Elbeuf, Pôle national Cirque Normandie
du 16 au 18 janvier 2026Le Théâtre, Scène nationale de Saint-Nazaire
du 6 au 8 marsLa Baie du Mont Saint-Michel
en juin 2026Festival Oerol, Terschelling (Pays-Bas)
en juin 2026Agora Boulazac, Pôle national Cirque
du 8 au 11 juilletThéâtre Antique d’Arles, Les Théâtres
en septembre 2026
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