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Elsa Dreisig, une captivante Louise sous emprise

A voir, Aix en provence, Les critiques, Lyon, Opéra
Elsa Dreisig dans Louise de Gustave Charpentier au Festival d'Aix-en-Provence 2025
Elsa Dreisig dans Louise de Gustave Charpentier au Festival d'Aix-en-Provence 2025

Photo Monika Rittershaus

Joué pour la première fois au Festival d’Aix-en-Provence, avec Elsa Dreisig dans le rôle-titre, le « roman musical » de Gustave Charpentier est relu par le metteur en scène allemand Christof Loy dans un spectacle de fort belle facture qui fait fi de toute tentation pittoresque et où le désenchantement l’emporte sur l’espoir.

Créée au tout début du XXe siècle, Louise de Charpentier est une œuvre très marquée par son époque. Époque qui se scandalisait encore de voir porter à la scène non pas des héros mythiques ou d’essence symboliste, mais de simples figures issues d’un milieu populaire propre à la vie courante. Fils de boulanger, le compositeur et librettiste signait en 1900 une fresque opératique largement influencée par les mouvements littéraires du réalisme et du naturalisme dans laquelle il narre le récit d’un amour interdit entre une petite ouvrière et un poète « bohème ». Avec un lyrisme échevelé, mais aussi quelques pointes de naïveté, la partition démontre un certain attachement pour la gouaille populaire. Elle fait entendre dans un maelstrom sonore qui sert de toile de fond les marchandes de quatre saisons, laveurs, chiffonniers, charbonniers, entre autres petits métiers, autant de voix de la rue qui bruissent et crépitent de loin comme de près.

C’est pourtant sur un long et pesant silence que s’ouvre la représentation telle que l’a imaginée Christof Loy. Le metteur en scène s’attaque pour la deuxième fois à l’opéra Louise, après une première version donnée en 2008. Il s’empare de cette singulière matière avec l’œil à la fois analytique et empathique qu’on lui connaît. Si, à l’inverse d’un André Engel, il évite rigoureusement de jouer la carte du pittoresque, il cherche plutôt à réfléchir sur la trajectoire de Louise et arrive à la déceptive conclusion de son impossible délivrance. La question de l’émancipation individuelle au mépris des conventions excluantes et oppressives imposées par la société est une problématique placée au cœur de nombre d’ouvrages que Loy a dernièrement montés, à l’instar du triomphal Trittico de Puccini sur la scène de l’Opéra Bastille ou de la version très personnelle de Peter Grimes de Britten reprise à l’Opéra de Lyon. Louise, hymne échevelé à l’amour, au désir, à l’indiscipline, à l’idéal d’évasion, prend alors la tournure d’une quête de liberté bien contrariée et même désespérée.

Ce spectacle, souvent crépusculaire et empreint de morosité, prend pour cadre un espace unique et stationnaire dans des tons gris vert. Des badauds, des marginaux, non exempts d’une excentrique étrangeté, prennent place sur les banquettes usées d’un immense et magnifique espace désolé. Une sorte de hall de gare ou de bureau administratif qu’on découvre être la salle d’attente d’un hôpital où Louise, accompagnée par ses parents, va être internée pour folie, hystérie, et contre son gré. Le docteur qui doit la prendre en charge est celui qu’elle fantasme en Julien, l’artiste débauché dont elle est amoureuse. Tout ce qui se vit sur scène s’avère purement irréel, seulement rêvé, espéré. Un final saisissant montre son ultime tentative de rébellion, mais aucune fuite n’est permise pour Louise, qui pense à se suicider en sautant d’une des hautes fenêtres souvent calfeutrées, suggérant ainsi son impossible échappée.

Dirigée au cordeau, Elsa Dreisig fait une idéale et bouleversante Louise infantilisée et violentée par la toxicité de sa famille comme de la société. Pâle, frêle, frémissante, elle paraît telle une poupée de cire tout étriquée dans un costume aussi signifiant que laid. Elle s’imagine un moment être l’égale d’une princesse de conte de fées ou la reine de la fête couronnée en Muse de Montmartre, mais revient à sa dure condition de jeune femme condamnée. Aussi à l’aise dans Mozart que dans Strauss, la chanteuse est vocalement sublime dans son air du troisième acte « Depuis le jour », lumineux et délié. Bondissante de bonheur, elle enlace et embrasse fiévreusement son amant-mirage auquel Adam Smith prête des traits charmeurs et exaltés. Le ténor aux aigus claironnants affronte avec fougue et même un certain cran la tessiture ample et tendue du rôle.

Mère autoritaire et frustrée, seulement préoccupée par les convenances bourgeoises, père défait et désarmant que la dépression porte sur la boisson, d’une noire et implacable ambivalence dans l’amour qu’il porte sans mesure à sa fille, au point que certains de ses gestes laissent présager que celle-ci est par lui sexuellement abusée, Sophie Koch et Nicolas Courjal campent sans concession et avec beaucoup de crédibilité les parents maltraitants de Louise. Pléthore de seconds rôles animent la scène avec justesse et véhémence dans les tableaux fort bien réglés de l’atelier ou du défilé du 14-Juillet. Bonne surprise, Annick Massis joue le court rôle de la balayeuse revisitée en aristocrate dégradée. Le plateau bénéficie d’un accompagnement musical plein de souffle et de saveur distillée par un orchestre de l’Opéra de Lyon particulièrement inspiré sous la direction ciselée, colorée, passionnée, mais sans excès, de Giacomo Sagripanti.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Louise
de Gustave Charpentier
Direction musicale Giacomo Sagripanti
Mise en scène Christof Loy
Avec Elsa Dreisig, Adam Smith, Sophie Koch, Nicolas Courjal, Grégoire Mour, Annick Massis, Marianne Croux, Carol Garcia, Karolina Bengtsson, Marie-Thérèse Keller, Julie Pasturaud, Marion Vergez-Pascal, Marion Lebègue, Jennifer Courcier, Céleste Pinel, Frédéric Caton, Filipp Varik, Alexander De Jong, et les danseuses et danseurs Sharona Applebaum, Marie-Eve Gouin, Sophie Lou, Joanna Curelaru, Alexandra Guérinot, Sylvie Malardenti-Boillot, Liisa Viinanen, Lucas Bléger, Natalia Bohn, Laurence De Cet, José-María Mantilla, Caroline Roques
Chef des chœurs Benedict Kearns
Chœurs et orchestre de l’Opéra de Lyon
Chef de chœur Maîtrise Samuel Coquard
Maîtrise des Bouches-du-Rhône
Orchestre des Jeunes de la Méditerranée
Scénographie Etienne Pluss
Costumes Robby Duiveman
Lumiere Valerio Tiberi
Dramaturgie Louis Geisler
Assistant à la direction musicale Romain Dumas
Chef de chant et répétiteur De Langue Mathieu Pordoy
Cheffe de chant Sylvaine Carlier
Assistant à la mise en scène, collaborateur aux mouvements Jean-François Kessler
Assistante à la mise en scène Dagmar Pischel
Assistante aux décors Eleonora Rodigari
Assistante aux costumes Madeline Cramard

Production Festival d’Aix-en-Provence
Coproduction Opéra national de Lyon, Palazzetto Bru Zane — Centre de musique romantique française, Opéra-Comique

Durée : 2h50 (entracte compris)

Festival d’Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché
du 5 au 13 juillet 2025

Opéra de Lyon
du 29 janvier au 8 février 2026

7 juillet 2025/par Christophe Candoni
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