Au Brésil où il est ministre plénipotentiaire, Paul Claudel, à l’aube de la cinquantaine, compose ce poème comme une introspection. Nous sommes en 1917, l’homme ne peut s’empêcher de penser à l’Europe encore en guerre, d’évoquer certains paysages exotiques et d’autres qui le sont moins et de faire des allusions à Rimbaud qu’il admire tant. Un poème pensé tel un rituel liturgique de la part d’un homme qui n’a jamais nié sa foi.
Le texte a été composé pendant la Première Guerre mondiale, à Rio de Janeiro. Le diplomate Paul Claudel était
alors ambassadeur pour les affaires de la France au Brésil. Dans cette nature luxuriante qu’il ressent comme hostile et incongrue dans le projet divin, Claudel fait un bilan doux-amer de sa cinquantaine, revisite ses fondamentaux : sa conversion, sa révélation pour Rimbaud, l’échec de sa vocation monastique, l’échec de sa rencontre avec la « rose » sur le bateau vers la Chine, l’abandon de l’enfant adultérin, le consentement au mariage « là-bas » et à « ces enfants que j’ai eus en rêve ». Mais toujours l’appel de la mer, la fuite, l’exil, la solitude. La quête d’un absolu entre l’oeuvre poétique et l’incarnation chrétienne de l’âme.
L’amertume qui traverse le bilan trouve un recours dans un amour fusionnel avec Dieu, une exhortation à la
célébration quotidienne de la messe qui en est l’accès, une exaltation de l’eucharistie, vécue dans le dénuement intime comme une union charnelle, cannibale, quasiment orgastique, aussi bien que dans la verve drolatique et désenchantée de son regard sur ses semblables.
Un rituel pour contenir le désordre intérieur, un catholicisme congestif, exacerbé, pour conjurer la défaite
intime, la tentation de la « cessation de tout ». Une âme en crise, qui interpelle un Dieu silencieux, qui discute d’« homme à homme » avec Lui, ce Père qui envoie son Fils et les hommes au sacrifice (nous
sommes en 1917), une âme qui associe à Dieu le Père une Vierge Marie maternelle et érotisée.
La forme du poème est rimée et suit le développement liturgique de la messe dite de Pie V, en cours en ce début du XXe siècle, mais elle se confond librement avec l’inspiration et le tourment du poète qui dilate à son gré telle ou telle séquence. Si le « Credo » par exemple reste fidèlement une interprétation de la confession de la foi, la « Consécration » est substantiellement ornée et consacre l’essentiel de ses 85 versets à Rimbaud. Il n’y a pas pour moi adhésion à une profession de foi, mais à une oeuvre poétique et théâtrale qui s’identifie au verset de l’Évangile selon saint Jean « Au commencement était le Verbe .»
Note d’intention de Didier Sandre.
Singulis Didier Sandre Seul-en-scène
LA MESSE LÀ-BAS
Paul Claudel – Didier Sandre
conception et interprétation
Didier Sandre
lumière
Bertrand Couderc
musique originale
Othman Louati
collaboration artistique
Éric RufSTUDIO-THÉÂTRE de la Comédie-Française
30 SEPT > 11 OCT 2020
NOUVELLE PRODUCTION
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