La chorégraphe Sharon Eyal continue de cultiver sa danse étrange et singulière dans Delay the Sadness, un ensemble pictural et gracieux pour huit interprètes, qui révèle des émotions dures et intenses.
Elle décline sa danse sophistiquée chargée d’une forte intensité émotionnelle spectacle après spectacle. Sharon Eyal a conquis les scènes européennes avec ce vocabulaire envoûtant, œuvrant pour nombre de compagnies prestigieuses, comme l’Opéra de Paris, la GoteborgsOperans Danskompani ou encore le Staatstheater Mainz. Avec Delay the Sadness, la chorégraphe israélienne (installée à Fontainebleau) entend de nouveau exposer des émotions violentes, dans un ensemble sculptural pour huit interprètes de sa compagnie, S-E-D. Et l’amour, le deuil et les affects sont toujours au centre de ses préoccupations.
Ce sont des apparitions irréelles, où des corps métamorphes dévoilent une multitude d’êtres : humains, animaux, plantes. Juchés sur demi-pointe, le dos arqué, la cage thoracique ouverte vers l’avant, les huit danseuses et danseurs traversent la scène à grands pas, laissant les spots blancs sublimer leurs courbes ondulantes, dans des costumes académiques couleur chair façon seconde peau. Chaque spectateur peut se raconter une histoire différente sur les chorégraphies de Sharon Eyal. Les images puissantes qu’elle convoque renvoient pêle-mêle à la complexité des émotions humaines, l’observation de la Nature et toute une histoire des arts occidentale.
Delay the Sadness, ses lumières caressantes et ses corps sculpturaux font aussi jaillir des visions de peintures style néo-classique et romantique, mais aussi du ballet romantique, avec ses ports de tête et de bras délicats. Plusieurs gestes évoquent la technique classique (grandes attitudes, glissades et pas de deux), ce qui était plutôt rare dans ses précédentes créations. À ces emprunts et à la signature gestuelle qui traverse son œuvre – une organisation posturale étrange, où le mouvement, à la fois viscéral et fluide, est parsemé de saccades –, elle ajoute une pantomime inventée : doigts sur la bouche, mains qui vibrent autour des oreilles, index accusateur pointé vers l’extérieur. Que racontent ces signes ?
Sur la musique électronique atmosphérique de Josef Laimon, plusieurs duos danseur-danseuse se forment, en piétinant, collés l’un à l’autre. Difficile de savoir si leur étreinte soutient ou contraint. Un couple s’avance vers la salle. La danseuse, joues peintes en rouge comme une poupée ancienne, hurle en silence de désespoir. Elle nous adresse ce cri, qui a attendu pour se manifester, comme une bombe à retardement. Sous la forme gracieuse, Eyal s’applique à transcrire les émotions qui l’animent et la dépassent.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Delay the Sadness
Chorégraphie Sharon Eyal
Cocréation Gai Behar
Avec Darren Devaney, Juan Gil, Alice Godfrey, Johnny McMillan, Keren Lurie Pardes, Nitzan Ressler, Héloïse Jocqueviel, Gregory Lau
Musique originale Josef Laimon
Création lumière Alon Cohen
Création des costumes Sharon Eyal, Gai Behar en collaboration avec Noa Eyal Behar
3D print designer Serge H
Production des costumes Bas et Hauts Atelier, Paris
Maquillage et stylisme Noa Eyal Behar
Directeur des répétitions Clyde Emmanuel Archer
Musique additionnelle Khyaam Haque – « Dance with Me, Maximilian », John Tavener, Academy of Ancient Music, Paul Goodwin, George Mosley, The Choir of the AAM – « Funeral Canticle »Production Compagnie S-E-D
Coproduction Ruhrtriennale 2025 | Festival der Künste, Allemagne ; La Villette, Paris ; Chaillot – Théâtre national de la Danse, Paris ; TorinoDanza, Italie ; Orsolina 28 Art Foundation, Italie ; Sadler’s Wells, Londres ; Baku International Arts Festival, Région Île-de-France ; Montpellier Danse Saison 2025/2026 ; MART Foundation, New York ; Julidans, Amsterdam ; Festspielhaus St. Pölten, Autriche ; Théâtre-Sénart, Scène nationale ; Les Nuits de Fourvière, LyonS-E-D est soutenu par la Fondation BNP Paribas et le ministère français de la Culture – Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France.
Durée : 50 minutes
La Villette, Paris dans le cadre de la saison de Chaillot, Théâtre national de la Danse
du 27 novembre au 6 décembre 2025



Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !