« Dégringolade ou l’art de rester debout », dialogue entre un danseur et un musicien
Dans Dégringolade ou l’art de rester debout, Pierre Le Bourgeois et Ashley Chen jouent ensemble et confrontent leurs pratiques de la musique et de la danse. Une belle mise en valeur de l’interprète où se dessine une histoire de la danse contemporaine.
Sur une petite scène délimitée par un scotch blanc, deux comparses se partagent l’espace. Le premier Ashley Chen, bras tatoués et gestes souples, est une figure de la danse postmoderne et contemporaine en France. Interprète pour l’américain Merce Cunningham, il a travaillé entre autres pour Christian Rizzo, William Forsythe et Boris Charmatz. Le second, Pierre Le Bourgeois, en chemisette blanche, armé d’un violoncelle, est compositeur et musicien. Les deux acolytes se rencontrent en 2010 dans Octopus du chorégraphe Philippe Decouflé. Ces deux figures discrètes de l’histoire de la danse contemporaine livrent un duo autobiographique qui croise leurs parcours et leurs pratiques, et éclaire en même temps les relations entre musiciens et danseurs dans la création chorégraphique.
Quels liens entretiennent la musique et la danse ? Au cours du XXe siècle, plusieurs chorégraphes se sont penchés sur la question, comme la Flamande Anne Teresa de Keersmaeker, qui a notamment décortiqué les partitions de Jean-Sébastien Bach, ou les Américains John Cage et Merce Cunningham, qui ne répétaient jamais sur la musique et laissaient les interprètes la découvrir lors de la représentation. Pierre Le Bourgeois et Ashley Chen parviennent toutefois à dépasser ce lieu commun en l’incarnant et en mettant en tension les subjectivités liées à leurs pratiques.
D’abord, Ashley Chen traverse, pêle-mêle, ses souvenirs de danse, en paroles et en gestes, souples, puissants, amples : du cochon qu’il interprétait à six ans aux spectacles de chorégraphes réputés de l’histoire de la danse, comme Mathilde Monnier ou Philippe Decouflé, et d’autres bien moins identifiés, à l’instar de Julien Le Hoangan. Le corps palimpseste, archive vivante d’une discipline très peu transcrite à l’écrit, témoigne à quel point la mémoire de la danse peut être fragmentaire et sélective. C’est ensuite au tour de Pierre Le Bourgeois, qui retrace son passage au conservatoire, la découverte des expérimentations, puis les collaborations avec les chorégraphes.
Ce dialogue s’orchestre de manière ludique, où les notes de violoncelles surgissent, frottées ou pincées. Les deux amis s’enjambent l’un et l’autre, confrontent les méthodes de travail de leurs pratiques respectives – comme l’approche du rythme à travers le compte des temps –, mettant en lumière la nécessité d’adaptation de chacun pour collaborer. Seul bémol, la danse prend beaucoup de place dans ce dialogue, et Pierre Le Bourgeois sort d’ailleurs davantage de sa zone de confort qu’Ashley Chen. Il n’en reste pas moins un duo touchant offrant une place de choix à l’interprète, qu’il soit de musique ou de danse.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Dégringolade ou l’art de rester debout
Chorégraphie et interprétation Ashley Chen
Création musicale et interprétation Pierre Le Bourgeois
Regard extérieur Peggy-Grelat Dupont, Magali Caillet-Gajan, Marlène Saldana, Julien Monty
Costumes Marion RegnierProduction Compagnie Kashyl
Coproduction CCN de Tours / Thomas Lebrun (dans le cadre d’un accueil studio)
Accueils en résidence CROMOT, Paris, Micadanses, Paris, La MaMa E.T.C., New York / dans le cadre du programme artiste associé, La Ménagerie de Verre, Paris, Le Regard du Cygne, Paris, La Chaufferie DCA, Saint-Denis, Le Sépulcre, Caen, L’Espace Pasolini, Valenciennes
Avec le soutien de la DRAC Normandie et de la Région NormandieDurée : 55 minutes
Vu en juillet 2025 aux Hivernales CDCN d’Avignon, dans le cadre du Festival Off d’Avignon
Le Fruit Intégral, Pavillon-s Emmanuelle Vo-Dinh, Andé
les 20 et 21 septembre
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