« De l’imagination » : Clara le Picard en a-t-elle ?
Après « Truckstop », la programmation « Jeune public » du Festival d’Avignon 2016 accueille Clara le Picard pour « De l’imagination », un spectacle inspiré par le conte de Perrault, « La Barbe bleue ». Il faut en effet une imagination débordante pour parvenir à apprécier cette création…
Clara le Picard ambitionne, avec « De l’imagination », de revisiter « La Barbe bleue », du nom du conte où un mari sanguinaire qui, pour punir son épouse de sa curiosité, prévoit de l’assassiner comme celles qui l’ont précédée. Mais la dernière, obtenant un sursis, est sauvée par ses frères. La metteure en scène ne se contente pas de cette histoire et crée aussi une fiction dans l’espace réel du théâtre : avant de commencer, elle raconte qu’elle a reçu une lettre anonyme et qu’elle ne peut l’ouvrir selon les instructions qui l’accompagnent, seulement en présence d’une danseuse, d’un pianiste, d’un technicien et d’un public. Comme l’histoire prétexte racontée au début d’un train fantôme, les conditions sont justement réunies à ce moment là. Que va-t-il se passer ? Qui est à l’origine de cette machination ? La trame principale du spectacle est une enquête qui permettra de trouver des réponses.
En s’appropriant le conte édité au XVIIe siècle, Clara le Picard veut en moderniser la fin, sortir son héroïne d’un sauvetage forcément masculin. Les partitions découvertes dans la lettre anonyme proposent justement une nouvelle interprétation où l’épouse parvient à se sauver par elle-même.
Clara le Picard l’assume, elle ne souhaite pas créer d’imaginaire ou bien alors de manière fugace. Les lumières de la salle sont souvent allumées et on assiste à un work in progress fastidieux où chaque personne sur le plateau déchiffre à tâtons sa partie. Sans décors, sans costumes (ils « entrave le rêve », selon Le Picard), l’esthétique est pour le moins austère.
Le mélange des deux histoires est trop explicatif. Les personnages se livrent à l’exercice de manière nonchalante, sans chercher à produire du merveilleux. La danseuse (Maud Pizon) ne rate pas une occasion de nous faire un cours d’histoire de la danse : « on dirait du Isadora Duncan » dit-elle, quand elle commence à déchiffrer sa partition. L’adresse au public ressemble tellement au langage de Fred et Jamy dans « C’est pas sorcier » qu’il ne manque plus que les accroches infantilisantes à l’adresse du public pour que la gêne soit complète. Cela sans même parler du technicien à qui Clara le Picard donne un rôle et qui joue tellement mal que l’on détourne le regard de la scène pour tenter de ne pas trop partager la honte qu’il inspire.
Clara le Picard aime dire qu’elle « laisse le spectateur se débrouiller par ses propres moyens ». Le même spectateur qui, pourtant, serait en droit d’attendre que les comédiens, danseurs et pianistes aient appris leurs textes, leurs pas ou leurs partitions. Assez vite on n’écoute plus ce patchwork décousu et fragmenté si difficile à suivre. Va-t-on à la boulangerie pour voir le boulanger pétrir la farine et imaginer quel pain cela ferait ? C’est à ce genre de démonstration non-spectaculaire où le public est sensé travailler plus que le comédien auquel Clara le Picard s’adonne pourtant…
Hadrien VOLLE – www.sceneweb.fr
« De l’imagination » de Clara Le Picard
Musique : Or Solomon
Chorégraphie : Maud Pizon
Lumière : Abigail Fowler
Costumes : Marion Poey
Regard extérieur : Ghassan El Hakim
Conseiller gestuel : Daniel Larrieu
Collaboration à la dramaturgie : Laurence Perez
Assistante à la mise en scène : Anne Sophie Popon
Voix enregistrée : Iraka
Remix final : Christophe Gantelmi d’Ille
Avec : Guilhem Jeanjean, Clara Le Picard, Maud Pizon
Production Théâtre du Jeu de Paume (Aix-en-Provence)
Coproduction Espace des Arts Chalon-sur-Saône, Compagnie À Table (Marseille)
Avec le soutien de Montevideo Centre de création contemporaine (Marseille), la Ménagerie de Verre (Paris), l’Institut français de Casablanca
Durée : 1hAvignon 2016
Chapelle des Pénitents blancs
Du 19 au 23 juillet à 11h et 15hTournée : du 17 au 19 janvier 2017 au Théâtre du Jeu de Paume (Aix-en-Provence), les 14 et 15 février à l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône, les 8 et 9 avril au Théâtre des Salins de Martigues, du 25 au 27 avril à la Comédie de Caen, les 3 et 5 mai au Théâtre National de Toulouse.
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