Après le succès de Depuis l’aube (Ode aux clitoris) Pauline Ribat s’attèle au couple et au plaisir conjugal. La dramaturge propose un moment subtil et équilibré, sans toutefois renouveler le propos.
« Et les sextos ? Vous envoyez, vous, des sextos ? » Le prologue est frontal, le ton est donné. Il s’agit bien ici d’interroger sans ménagement la place du numérique dans nos vies, et particulièrement dans nos vies sentimentales. Alix et Roman forment un couple parfait : jeunes trentenaires actifs, bel appartement parisien, ils viennent de se fiancer. « C’est qui les plus beaux ? C’est nous ! » aiment-ils répéter. Mais dans la solitude de leurs nuits sans passion, chacun mène en cachette une vie sentimentale et sexuelle numérique.
Via Love-Life, « le site qui vous veut du bien » Roman se connecte grâce à sa combinaison sensorielle à Harmony, un robot sexuel hyperréaliste. Ajustable, modifiable, « elle dit oui à tout », tant que l’on débourse la somme demandée. Alix, elle, rencontre SweetXLover sur une application de rencontre, un avatar féminin qui vient bousculer ses certitudes.
Le public assiste donc au naufrage de deux amoureux empêtrés dans leurs stéréotypes genrés respectifs. Alix, rêvant du prince charmant, est incapable d’exprimer son désir. Roman de le reçevoir. Sur scène, les mots sont crus. On dit « bite », « chatte », « fellation ». Sans avoir besoin de recourir à des scènes explicites, le sexe est au cœur du propos, déployant toute sa violence, comme sa douceur. Numérique et vie réelle se confondent peu à peu. On observe alors l’implosion du couple qui se confronte finalement entre les cordes d’un ring de boxe. Pour tout se dire, enfin.
Représenter le numérique sur scène est un pari auquel bon nombre de metteurs et metteuses en scène contemporain.es se mesurent. Ici, la proposition de Pauline Ribat et de ses équipes est particulièrement juste : aucun écran n’est présent sur scène, pourtant le numérique est partout au plateau. Intime et enveloppant, addictif et rassurant. Cela tient aux frontières visuelles matérialisées par de grands panneaux de plexiglass qui déforment les silhouettes. Cela tient également à la minutie du travail sonore et musical. La gestion de l’acoustique est parfaitement maîtrisée : des micros déforment parfois les voix dans l’univers numérique, la voix est portée lorsqu’il s’agit de la vie réelle. La musique, que Pauline Ribat considère comme « un sixième acteur » est au coeur de la pièce, sous la direction impeccable de Guillaume Léglise.
Avec Dans les cordes, Pauline Ribat signe sa deuxième pièce comme autrice et metteuse en scène, accompagnée de Baptiste Girard et de Lise Werckmeister. Son Ode aux clitoris, évoquant le plaisir féminin, avait été repéré dans le Off d’Avignon en 2017. C’est tout naturellement que l’autrice se penche désormais sur les méandres du plaisir conjugal. Formellement, Dans les cordes est un beau spectacle, porté par l’engagement des jeunes Florian Choquart et Maryline Fontaine, le ressort de Sébastien Desjours, la voix de Nolwenn Korbell. Mais à s’attarder sur la lutte du couple blanc et hétérosexuel qui tente de se déconstruire, la pièce survole la représentation de nouveaux imaginaires amoureux, qui aurait pourtant eu toute sa place dans le travail de Pauline Ribat.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
Dans les cordes
Texte et mise en scène : Pauline RibatInterprétation : Vanessa Bettane, Florian Choquart, Sébastien Desjours, Marilyne Fontaine, Nolwenn Korbell
Collaboration à la mise en scène : Baptiste Girard
Scénographie : Jean-Baptiste Manessier
Lumières : François Menou
Composition musicale et sound-design : Guillaume Léglise
Costumes : Aude Desigaux
Dramaturgie : Lise Werckmeister
Régie son : Sarah Bradley
Régie plateau : Corentin Guillot
Régie lumière et générale : Florian DelattreDirectrice de production : Marie Cassal
Diffusion : Histoire de…
Presse : Murielle Richard
Production déléguée : Compagnie Depuis l’Aube
Coproduction : Espace Malraux, Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, La Filature – Scène Nationale de Mulhouse, Château-Rouge-Scène conventionnée d’Annemasse, Scène Nationale de l’Essonne Agora-Desnos, Le Préau-CDN de Normandie, Théâtre du Jeu de Paume.
Avec l’aide : Conseil départemental de Savoie, Conseil régional Auvergne-Rhône Alpes, ville de Chambéry, ADAMI, SPEDIDAM.
Avec le soutien : Chartreuse-CNES, Le Centquatre-Paris, Les Subsistances, Pilier des Anges-Théâtre Roublot, La Villa Caramagne, Les Tréteaux de France et l’Endroit.La compagnie Depuis l’Aube est conventionnée par la ville de Chambéry et le travail d’écriture de Paulne Ribat fidèlement suivi par La Chartreuse – CNES.
Durée 1h30
Théâtre 13 Bibliothèque
du 11 au 21 janvier 2023
Du lundi au vendredi à 20h, le samedi à 18h
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