C’est un texte du début de l’œuvre de Jon Fosse, assez différent de ce qui va suivre, parce que peut-être moins achevé, ou disons moins radical dans l’épure. C’est une forme lancinante et continue, fracturée de petits glissements de terrain, de décalages et d’incohérences qui en font à la longue une sorte d’énigme, d’apparence simple et ordinaire, parlant de la vie, de la mémoire et de la mort.
La pièce se déploie en une spirale de motifs récurrents, toujours changeants, qui creusent peu à peu au milieu d’une vie sans particularité la béance d’un gouffre. Un gouffre dont on ne saurait d’ailleurs donner la direction ou la profondeur. C’est un gouffre dans lequel on ne tombe pas. C’est celui dans lequel nous vivons probablement, toutes et tous, de manière inconsciente, simple et ordinaire.
L’homme tant attendu et qui vient est-il vraiment là ? Est-il vivant ? est-il mort ? Et qui est cette jeune fille qui redoute plus que tout d’entrer dans la pièce où se trouve la femme qui attend l’homme ?…
Aborder Jon Fosse aujourd’hui est pour nous le fruit d’une profonde nécessité. Comme une sorte de réponse à notre présent mutant et impérieux. Nous vivons tenus en joue par des urgences démesurées : sociales, politiques, écologiques, climatiques… Tous les champs de notre conscience sont occupés par ces inquiétudes, et c’est comme si l’intime perdait de sa place, ou de sa légitimité. Comme si la vie profonde devait se taire en temps de crise, et que nous n’avions plus les moyens ni le temps de l’éprouver, de nous y consacrer, de la vivre.
Cette pièce peu stylisée, imparfaite mais vibrante d’une émotion intense et complexe, et qui semble étrangement s’inventer au fil de son écriture, ouvre un espace d’introspection sensible aux infimes distorsions de la conscience. Elle nous fait subtilement ressentir une forme de drame existentiel commun à tous, silencieux et omniprésent, quelque chose comme la suspension de l’attente, l’inquiétude née de l’absence et l’affleurement permanent de l’absurde.
— Daniel Jeanneteau et Mammar Benranou, mai 2023
Et jamais nous ne serons séparés
Texte
Jon FosseTraduction
Terje SindingMise en scène et scénographie
Daniel Jeanneteau et Mammar BenranouAssistanat à la mise en scène stagiaire
Juliette CarnatAvec
Solène Arbel, Yann Boudaud et Dominique ReymondCréation lumières
Juliette BesançonMusique
Olivier PasquetCostumes
Olga KarpinskyConstruction décor
Théo Jouffroy – Ateliers du Théâtre de GennevilliersProduction
T2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique NationalCoproduction
La Comédie, Centre dramatique national de Reims ; Le Méta Centre Dramatique National Poitiers Nouvelle-Aquitaine ; Bonlieu, scène nationale d’Annecy ; La Comédie de Genève ; Ircam – Centre Pompidou ; Théâtre du Beauvaisis – Scène nationaleRemerciements
Marianne Ségol-SamoyLa pièce Et jamais nous ne serons séparés de Jon Fosse (traduction de Terje Sinding) est publiée et représentée par L’ARCHE – éditeur & agence théâtrale. www.arche-editeur.com
Du 18 septembre au 13 octobre 2025
T2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique National
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