Au Festival TransAmériques, la Canadienne Dana Michel présentait sa nouvelle création : Cutlass Spring. Un solo performatif éprouvant mais lourd de sens programmé à Montpellier Danse à Montpellier .
Dana Michel est une femme noire. La lutte pour renverser le paradigme d’une société qui ne lui laisse pas autant de place qu’à d’autres est le fil rouge de son travail. Cutlass Spring ne fait pas exception. Pendant une heure, l’artiste déconstruit le monde avec des gestes las, brouillons, comme un titan qui aurait lutté toute sa vie et qui met ses dernières forces dans une ultime bataille.
Le public est installé sur les quatre côtés d’un espace qui pourrait symboliser la société occidentalo-centrée. Quelques chaises en plastique installées sur une bâche blanche. Avant de la voir, on entend Dana Michel arriver d’un pas confus, elle entre sur le plateau, s’installe à genoux, jambes écartées sur une planche à roulette, de celles qu’on utilise pour pousser des meubles, et elle se frotte. Elle joue de cette planche, avance d’un centimètre et recule aussitôt, puis elle renverse lentement tout ce décor installé, les chaises, la bâches, avec une lenteur déconcertante, elle en fait une boule, un tas qu’elle sort de scène. En même temps, elle continue à accompagner son geste de bruits de bouche, imprécis et arythmiques. Tout est confus, sans conviction, habité de la nécessité de survivre.
Elle quitte la scène puis revient avec d’autres symboles : couverts, bols, draps en dentelle, sacs de glace. Tout ce qui pourrait satisfaire le modèle social préexistant que l’on essaye d’inculquer à chacun : une vie réussie est-elle celle que l’on peut rafraîchir avec des glaçons achetés dans une station service ? Dana Michel s’y refuse et continue à détruire, marcher, toujours de ces gestes brouillons, alourdis de la pesanteur du monde. À chaque instant, elle semble épuisée mais la résignation ne transparaît pas. Elle s’exécute comme si c’était une évidence, comme si un moteur la poussait à agir sans que rien ne l’arrête.
Pour apprécier ce spectacle, il ne faut rien en attendre et juste le prendre tel qu’il est. La performance est éprouvante si on veut voir du rythme, de la technique, une construction logique telle qu’elle devrait être dans notre imaginaire de spectateur. On pourrait imaginer que Dana Michel est un clown qui bâtit sa création autour de l’absurde, mais de cette pensée rien n’est bon : point de construction ni de destruction, point d’absurde non plus car le sens est omniprésent dans chaque symbole. On peut rire, on peut être agacé, mais Cutlass Spring est de ces spectacles où il faut se donner la peine de réfléchir, d’être sans cesse actif pour se raccrocher aux symboles afin de pouvoir être apprécié. L’expérience, aussi peu spectaculaire soit-elle, en vaut largement la peine.
Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
Cutlass Spring
Création et interprétation : Dana Michel
Élan artistique : Ellen Furey, Peter James, Mathieu Léger, Heidi Louis, Roscoe Michel, Yoan Sorin, Karlyn Percil, Alanna Stuart
Conseiller son : David Drury
Conception lumières : Karine Gauthier
Direction Technique : Caroline Nadeau et Karine Gauthier
Production : Dana Michel
Production déléguée Par B.L.eux
Diffusion : Key PerformanceCoproduction : Festival Montpellier Danse 2019 (France), Arsenic (Suisse), Bastard Festival (Norvège), Black Box Teater (Norvège), Centre chorégraphique national d’Orléans (France), Centre National des Arts (Ottawa, Canada), Festival TransAmériques (Montréal, Canada), Julidans (Pays Bas), Kunstenfestivaldesarts (Belgique), Moving in November (Finlande).
Coproduit avec l’appui du Programme des artistes invités en danse, une initiative conjointe au Centre National des Arts et le Conseil des Arts du Canada.
Résidences de création : Centre chorégraphique national d’Orléans (France), Centre National des Arts (Ottawa, Canada), CounterPulse (San Francisco, États Unis), Dancemakers (Toronto, Canada), Galerie du Dourven (France), Kunstenfestivaldesarts (Belgique), PAF – Performing Arts Forum (France), Par B.L.eux (Montreal, Canada), Usine C (Montreal, Canada), Reykjavik Dance Festival (Islande), Tanzhaus Zurich (Suisse).
Dana Michel est artiste associée à Par B.L.eux
Cette création a reçu l’appui financier du Conseil des Arts du Canada et du conseil des arts et des lettres du Québec
Durée : 1 h
FTA Montréal
VEN 31 MAI
SAM 01 JUIN
DIM 02 JUIN
LUN 03 JUINMontpellier Danse
Ven. 5 et Sam. 6 Juillet à 18h
Studio Bagouet / Agora
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