Au Théâtre de La Monnaie de Bruxelles, Krzysztof Warlikowski plonge le dernier opéra d’Offenbach dans un rêve hollywoodien fantasmatique et toxique en faisant du rôle-titre un personnage de cinéaste ravagé.
Les histoires d’amour tumultueuses et contrariées d’Hoffmann prennent pour cadre une salle obscure de projection ou de studio d’enregistrement. Plongé dans le monde trivial et bouillonnant du cinéma, entre attraction et destruction, le héros devenu réalisateur et producteur maniaco-dépressif, bactériophobe, aux allures de bad-boy, séduisant mais ravagé par l’alcool et le tabac, revisite ses échecs sentimentaux qu’il transcende sous la forme d’un autoportrait filmique très incarné. Avec une vérité prodigieuse et poignante, il dialogue avec la caméra pour rejouer et mettre à nu ses déchirements intérieurs.
Figure d’artiste maudit par excellence, Hoffmann se présente donc comme un Pygmalion désenchanté. Formidable dans le rôle-titre, Eric Cutler allie la clarté solaire de son timbre vocal et le caractère sombre d’un personnage dévorateur, incarné en pleine ivresse autodestructrice, sorte de fauve fragile obsédé par ses conquêtes féminines. Celles-ci sont génialement interprétées par Patricia Petibon, à la fois poupée peroxydée sur talon compensée, chanteuse brisée et actrice de charme, se consumant dans un jeu idéalement engagé.
Inspirée du film A star is born de George Cukor et cumulant de nombreuses références cinématographiques, la mise en scène que propose Warlikowski tend à décrire la relation si singulière de désir, de domination et de dépendance entre un Mentor et ses effigies. Il en découle un propos bouleversant sur la solitude et la fragilité de l’artiste ainsi que sur la confusion entre la vie privée et la création artistique, la perméabilité du jeu et de l’être, tout cela exacerbé de manière intensément épidermique.
La direction musicale d’Alain Altinoglu se montre parfois trop lente et pesante. Elle rend davantage justice à l’ombre et au mystère mortifère qui planent sur la partition plutôt qu’à son éclatant dynamisme.L’atmosphère qui règne sur le plateau est aussi sombre et hypnotique, dans une veine lynchéenne, finement enivrante et décadente, très acide et acidulée, pleine d’ambivalence, d’incertitude et d’humanité.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Direction musicale ALAIN ALTINOGLU
Mise en scène KRZYSZTOF WARLIKOWSKI
Décors et costumes MAŁGORZATA SZCZĘŚNIAK
Éclairages FELICE ROSS
Vidéo DENIS GUÉGUIN
Chorégraphie CLAUDE BARDOUIL
Dramaturgie CHRISTIAN LONGCHAMP
Chefs des choeurs MARTINO FAGGIANI & ALBERT MOROHoffmann ERIC CUTLER
ENEA SCALA (DÉC 12, 19, 22, 27, 31)
Olympia, Antonia, Giulietta, Stella PATRICIA PETIBON
NICOLE CHEVALIER (DÉC 12, 19, 22, 27, 31)
Nicklausse, La Muse MICHÈLE LOSIER
La voix de la tombe SYLVIE BRUNET-GRUPPOSO
Le conseiller Lindorf, Coppélius, Le docteur Miracle, Le capitaine Dapertutto GÁBOR BRETZ
Spalanzani, Nathanaël FRANÇOIS PIOLINO
Luther, Crespel SIR WILLARD WHITE
Frantz, Andrès, Cochenille, Pitichinaccio LOÏC FÉLIX
Schlémil, Herrmann YOANN DUBRUQUE
Wolfram ALEJANDRO FONTE
Wilhelm BYOUNGJIN LEEOrchestre symphonique et Chœurs de la Monnaie
Académie des chœurs de la Monnaie s.l.d. de Benoît GiauxProduction LA MONNAIE / DE MUNT
Avec le soutien de LOTERIE NATIONALE
Merci aux investisseurs de taxshelter.beCOFIDIS, HERMES BROWN II, ‘T ZOUT CONSTRUCT, IMMO-PUYHOEK, ALCODIS, ANDICASSEn coproduction avec Shelter Prod et Prospero MM Productions avec le soutien de taxshelter.be et ING avec le soutien du tax shelter du gouvernement fédéral de Belgique
Durée
75′ / entracte 30′
50′ / entracte 30′
45′La Monnaie de Bruxelles
Jusqu’au 02.01.2020
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