Avec Personne n’est ensemble sauf moi, Clea Petrolesi invite des jeunes en situation de handicap invisible à partager le plateau avec des comédien·nes professionnel·les pour mettre en lumière la singularité de leurs identités, brouiller les pistes et questionner la norme.
Dans son spectacle Enterre-moi mon amour, Clea Petrolesi, à la tête de la Compagnie Amonine, s’emparait du fil WhatsApp de réfugiés syriens pour aborder la réalité de leur traversée dans tous ses registres. Avec Personne n’est ensemble sauf moi, c’est encore le réel qui vient donner sa raison d’être à ce spectacle, puisque c’est en travaillant depuis quelques années aux côtés de jeunes porteurs de handicaps que la metteuse en scène a eu l’idée et l’envie d’initier un projet à propos et à partir d’eux.
C’est dans le cadre du programme PHARES (Par-delà le Handicap, Avancer et Réussir des Études Supérieures), intégré au centre d’égalité des chances de l’ESSEC à Cergy, et dont la mission est de favoriser l’accès aux études supérieures pour les jeunes en situation de handicap, qu’elle les a rencontrés. Elle y menait, avec sa compagnie, des ateliers de théâtre réguliers. Sur le seuil de l’âge adulte, ces jeunes ont nourri l’écriture du spectacle de leurs personnalités, de leurs récits de vie, de leur différence. À ce matériau emprunté au réel se sont ajoutées des figures historiques ou mythologiques, comme Damoclès, Christophe Colomb, Méduse et Persée ou encore Saint Thomas, et la fiction s’est invitée dans la partie, floutant au niveau narratif la frontière entre le vrai et le faux, de même que le mélange au plateau de comédien·nes professionnel.les avec des amateur·rices porteurs de handicaps invisibles vient ajouter au vertige des certitudes, à la confusion entre ce que l’on voit et ce que l’on croit, ce que l’on imagine et la réalité effective.
Ce trouble volontaire est l’axe principal de la pièce et il fonctionne remarquablement, car on ne sait effectivement sur quel pied danser. Qui de ces quatre interprètes face à nous est professionnel ou pas ? Si on se fait sa petite idée intuitivement, on n’en est pas pour autant persuadé et le doute plane. Qui raconte sa vraie histoire ? Qui porte un récit qui n’est pas le sien ? On n’en sait rien, mais peu importe, puisque l’écriture s’inspire de la multitude des rencontres en amont. Ce flottement entre documentaire et fiction offre à Clea Petrolesi un espace ouvert pour parler d’eux, rendre grâce à leur différence, à leur combat parfois ardu contre des troubles chroniques allant de l’autisme à l’épilepsie et à leur lutte pour mener leur vie comme les autres. Elle prend le parti de ne pas citer les pathologies, ne pas s’attarder en détail sur les symptômes et sur tout l’aspect médical, évitant ainsi tout pathos et voyeurisme, se ménageant une certaine pudeur à ne pas tout dire, choisissant de faire exister face à nous des individualités. Ce qui fait un être. Ses goûts avant tout. Ses souvenirs. Ses désirs. En aucun cas son handicap.
Clea Petrolesi a construit un spectacle joyeux et coloré, baigné de musique, un peu naïf et fragile, certes, mais il semblerait que ce soit le prix à payer de l’alternance, car la distribution n’est pas fixe, elle change d’un soir à l’autre en fonction des disponibilités ou de l’état de santé des uns et des autres. Un spectacle avec ses creux et ses épiphanies, qui avance cahin-caha et met un point d’honneur à se passer des relais pour mieux faire société. Dans un décor d’agora, un hémicycle où chacun a sa place et existe, la parole circule de l’un à l’autre, chacun peut s’exprimer et dire qui il est sans baisser les yeux. Chacun vient nous regarder en face et s’adresser à nous sans détour. Comme une page blanche, la scénographie fait ressortir les couleurs des costumes aux dominantes pastel, reflets de la douceur du regard de la metteuse en scène à leur égard. À l’image de ceux qui les habitent, ils miroitent sous la boule à facettes qui s’y projette. Et la guitare électrique de Noé Dollé, qui signe une entêtante composition musicale, les emporte dans une danse commune exutoire.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Personne n’est ensemble sauf moi
Conception et mise en scène Clea Petrolesi
Avec Léa Clin en alternance avec Félix Omgba, Marine Déchelette en alternance avec Floriane Royon, Noé Dollé, Oussama Karfa, Guillaume Schmitt-Bailer en alternance avec Kerwan Normant
Collaboration artistique et mouvement Lilou Magali Robert
Collaboratrice artistique Catherine Le Hénan
Musique live et composition Noé Dollé
Lumières Carla Silva
Son Georges Hubert
Scénographie Margot Clavières
Costumes Élisabeth CerqueiraProduction Compagnie Amonine
Coproduction Théâtre Paris-Villette ; Théâtre Antoine Vitez – Scène d’Ivry dans le cadre d’une résidence de création ; Théâtre du Cristal ; Festival Imago ; Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine
Avec le soutien de la DRAC Ile-de-France, de La Vie devant soi – réseau coopératif francilien de production de spectacle vivant et de réflexion autour des publics adolescents – du Théâtre Dunois, du PIVO – pôle itinérant en Val-d’Oise – scène conventionnée art en territoire, des Théâtres de Châtillon et de Clamart, de La ferme de Bel Ebat – Scènes/2/Guyancourt, de L’entre deux – Scène de Lésigny, du Théâtre André Malraux de Chevilly-Larue, du Théâtre Jean-Houdremont – centre culturel La Courneuve, du Théâtre 13
Avec l’aide à la résidence de création du Théâtre de l’Usine
Avec le soutien du centre Égalité, Diversité et Inclusion de l’ESSEC Business School, de la MAIF, de la fondation E.C.ART Pomaret, de l’Adami, de la Spedidam
Résidence de création au Grand Parquet, maison d’artistes du Théâtre Paris-Villette
Action financée par le département du Val-de-Marne et la région Ile-de-FranceDurée : 1h15
Vu en mars 2024 au Théâtre Dunois, Paris
Théâtre de la Tempête, Paris
du 9 au 19 octobre 2025INSA, Lyon
le 20 novembreLa Passerelle, Scène nationale de Saint-Brieuc
les 27 et 28 novembreThéâtre Princesse Grace, Monaco
le 13 janvier 2026Le Beffroi, Montrouge
le 6 févrierCirca, Auch
le 10 marsOdyssud, Blagnac
le 13 marsScènes croisées de Lozère, Théâtre de Mende
le 17 marsLe Théâtre de Saint-Nazaire, Scène nationale
les 25 et 26 marsLa Courée, Collégien
le 28 marsDSN, Dieppe Scène nationale
le 31 marsLa rose des vents, Scène nationale de Villeneuve-d’Ascq, en partenariat avec Le Grand Bleu, Lille
le 12 maiThéâtre du Passage, Neuchâtel (Suisse)
le 21 mai




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