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Les Indes galantes dans la jungle des villes

À la une, A voir, Les critiques, Opéra, Paris

photo Little Shao OnP

Plongées par Clément Cogitore dans un univers nocturne, urbain, radicalement neuf et contemporain, énergisées par une bande de Krumpers, Les Indes galantes de Rameau ont reçu un accueil triomphal à l’Opéra Bastille.

Commencée en 2017 par la réalisation d’un court-métrage très remarqué dans lequel des danseurs de Krump s’emparaient puissamment de la célèbre Danse du Grand Calumet de la Paix, l’aventure trouve un formidable point d’accomplissement sur le vaste plateau de la Bastille où Clément Cogitore met cette fois en scène l’intégralité de la pièce de Rameau.

Véritable périple fantasmatique dans le Nouveau monde, Les Indes ramistes revues par le jeune artiste plasticien sont moins galantes qu’elles paraissent d’abord inhospitalières, ses rives et bocages prenant place dans la froideur d’un espace vide et sans couleur, loin de l’exotisme et des luxuriances bucoliques indiqués par le livret, mais plutôt dans une sorte de ghetto bétonné, de bas-fonds crépusculaires, où le danger, l’émeute, guettent malgré la répression policière. C’est aussi un espace-monde où sévissent la globalisation et l’exclusion sociale mais où l’individu tente de s’émanciper, de se révolter.

Cogitore assume totalement l’inadéquation entre l’univers visuel qu’il déploie et le texte qui voit passer plus que jamais ses intrigues au second plan. Si la fantaisie indissociable de l’oeuvre est ici quelque peu gommée, c’est parce que l’artiste choisit de planter ses Indes galantes dans la réalité d’un monde empreint de violence, de désenchantement. Le Prologue et les quatre entrées successives  se présentent comme des tableaux étonnants aux images inspirantes. Un large puits creuse le plateau en son centre ; s’y échappent comme des limbes des vapeurs fuligineuses. Un bras mécanisé (comme on peut en voir chez Romeo Castellucci) descend des cintres, d’autres éléments de décors montent des trappes. Sur les côtes de Barbarie, des matelots échouent tel un groupe de migrants tandis que leur barque de fortune est accostée et recouverte de couvertures de survie. Les Incas du Pérou célèbrent le soleil sous un géant écran publicitaire surplombant ce qui s’apparente à une plateforme de skatepark. L’incantation est captée sur le vif avec des téléphones portables. La fête Persane des jardins du palais d’Ali se tient au cœur d’un milieu interlope assimilable au quartier rouge d’Amsterdam où les Fleurs, ici des prostituées et un travesti, dansent et aguichent derrière des cabines vitrées. Les sauvages délivrés d’un camp de rétention se livrent à une formidable battle de rue et offrent un final explosif, galvanisé par tous les chœurs et solistes du spectacle.

Le corps physique et le corps social affichent sans complexe leur singularité dès le Prologue situé sur un vaste podium où des gravures de modes défilent façon voguing sous les tornades de flashs et la houlette de Sabine Devieilhe, permanente vif-argentée et long imper, en clone de Meryl Streep dans Le Diable s’habille en Prada. Une trentaine de performeurs ébouriffants en baskets, jogging, capuches, longues tresses, torses nus, prennent d’assaut la scène et communiquent l’hyper-énergie vivifiante et revendicatrice de danses nées dans les banlieues américaines sous l’impulsion de communautés marginalisées. Le Popping, le Glyding, le Wacking, le Bboying, la House ou encore l’électro sont autant d’inspirations pour leur chorégraphe Bintou Dembélé venue du hip-hop. Le geste est souvent musclé. Il peut se montrer agressif mais aussi souple et poétique lors du magnifique « Viens, hymen » chanté avec une douceur à fleur de peau par une irradiante Sabine Devieilhe en dialogue avec le breakeur Calvin Hunt aka Cal en quasi-lévitation.

Musicalement, le spectacle est une belle réussite. Les craintes de voir Rameau joué dans l’immensité de la Bastille s’estompent aussitôt que parvient aux oreilles une exceptionnelle plénitude sonore. Dans la fosse visiblement relevée, un effectif orchestral nettement renforcé (55 musiciens) est dirigé avec galbe et finesse par le chef argentin Leonardo García Alarcón. Sous sa conduite, Les Indes galantes regorgent de suavité et de vitalité. Les richesses, les couleurs des admirables mélodies et harmonies, enfin et surtout leurs accents percussifs sont bien mis en valeur. Sur le plateau, la fine fleur du jeune chant français défend avec fougue et densité les beautés de l’oeuvre comme les partis pris scéniques parfois peu évidents pour elle. Tous font preuve d’une formidable diction et d’une fort belle musicalité, parfois néanmoins heurtée par une projection outrancièrement massive et dure du côté de certaines voix masculines. Jodie Devos, Edwin Crossley-Mercer, et Mathias Vidal, éblouissants, tirent particulièrement leur épingle du jeu.

Toute la force et la beauté de la proposition originale de l’artiste plasticien, photographe, vidéaste, récompensé en 2018 du prix Marcel-Duchamp est de situer le grand opéra-ballet de Rameau à la fois à la marge et au carrefour des disciplines artistiques, d’en restituer l’esprit frondeur et vibrant, son humanisme éclairé, éloigné d’un simple divertissement illustratif et de tous préjugés stéréotypés. Ces Indes galantes se font l’exemple probant d’une possible et intelligente décolonisation des arts. Clément Cogitore signe un spectacle fort étonnant et régénérant.

Christophe Candoni – www.sceneweb.fr

Les Indes galantes
Opéra-ballet en quatre entrées et un prologue
1735

Musique :
Jean-Philippe Rameau

Livret :
Louis Fuzelier

Direction musicale :
Leonardo García Alarcón

Mise en scène :
Clément Cogitore

Chorégraphie :
Bintou Dembélé

Décors :
Alban Ho Van

Costumes :
Wojciech Dziedzic

Concept initial costumes :
Tim Van Steenbergen

Lumières :
Sylvain Verdet

Dramaturgie musicale :
Katherina Lindekens

Dramaturgie :
Simon Hatab

Chef des Choeurs :
Thibault Lenaerts

Orchestre Cappella Mediterranea
Chœur de chambre de Namur
Maîtrise des Hauts-de-Seine / Chœur d’enfants de l’Opéra national de Paris

Distribution
Hébé :
Sabine Devieilhe

Bellone :
Florian Sempey

L’amour :
Jodie Devos

Osman :
Edwin Crossley-Mercer

Émilie :
Julie Fuchs

Valère :
Mathias Vidal

Huascar :
Alexandre Duhamel

Phani :
Sabine Devieilhe

Don Carlos :
Stanislas de Barbeyrac

Tacmas :
Mathias Vidal

Ali :
Edwin Crossley-Mercer

Zaïre :
Jodie Devos

Fatime :
Julie Fuchs

Adario :
Florian Sempey

Damon :
Stanislas de Barbeyrac

Don Alvar :
Alexandre Duhamel

Zima :
Sabine Devieilhe

Opéra Bastille – du 26 septembre au 15 octobre 2019

Durée : 3h50 avec entracte

29 septembre 2019/par Christophe Candoni
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