Christophe Perton met en scène Les Parents terribles dans sa version originale, loin de celle de la création en 1938. Une version inédite qu’il a pu reconstruire grâce au manuscrit d’origine que l’on croyait à tout jamais disparu.
Cela fait très longtemps que Christophe Perton avait envie de monter Les Parents terribles, il en avait parlé à Muriel Mayette-Holtz bien avant qu’elle ne soit candidate à la direction du TNN. Mais pour cela, il lui fallait le texte tellurique d’origine, celui d’un auteur écorché vif, retranché dans les vapeurs de l’opium. Tous les spécialistes de Cocteau assuraient que le manuscrit d’origine avait disparu. Mais il y a six mois, Christophe Perton retrouve sa trace chez Drouot. Il se rend à la salle des ventes dans l’objectif de nouer le contact avec l’acheteur pour consulter le manuscrit. Mais d’acheteur, il n’y a pas. Christophe Perton lève la main, il devient le propriétaire de la première version des Parents terribles. Il se plonge alors dans l’œuvre et « découvre une écriture rapide, parfois fébrile, emportée par le feu et la puissance d’une sorte « d’expiration », des reprises, des variantes, des phrases coupées d’autres ajoutées dans la marge, des étoiles, des ratures et jusqu’à une scène entièrement inédite » disparue de la première édition et qu’il décide de réintroduire dans son spectacle, ainsi que des passages plus tranchants.
Le résultat est détonant car, à côté de la trame vaudevillesque de la pièce, se côtoient des passages plus sombres. « Drame et comédie, c’est un chef d’œuvre », écrit d’ailleurs lui-même Cocteau dans le texte, comme s’il ne voulait laisser à personne le soin de qualifier sa pièce, écrite en deux semaines à l’hôtel de la Poste de Montargis, au côté de Jean Marais. La pièce exhumée, coupée, rendue plus lisse, pour ne pas heurter le public de l’époque, est créée le 14 novembre 1938 au théâtre des Ambassadeurs.
Cocteau fait exploser en plein vol le modèle familial bourgeois et ses valeurs conservatrices. Yvonne, la mère, couve son fils, l’aime plus que de raison jusqu’à rêver d’en faire son amant. Georges, le père, est l’amant de Madeleine, la petite amie de son fils. Et dans cette « roulotte » chaotique, Léo, la tante, amoureuse de son frère Georges, ordonne la tragédie. « Tu as semé du linge sale, et tu récoltes », dit-elle. Quelle famille ! Et quelle distribution !
Nommée à l’été 2019, pour succéder à Irina Brook, Muriel Mayette-Holtz n’a pas perdu de temps à la direction du TNN, avec la constitution d’une école, des rencontres intimes avec des grands noms de la scène, la création de spectacles gratuits en sortie de confinement, un feuilleton Goldoni, et la voilà sur scène, tant on avait oublié que l’ancienne administratrice de la Comédie-Française est aussi comédienne. Elle est impressionnante dans le rôle de cette mère déchirée par l’amour de son fils, poussée dans la folie par sa famille. Elle est portée par l’écriture poétique de Cocteau et la fulgurance de sa plume. « Je suis brisée, je marche sur de l’ombre », dit-elle. Elle se fond admirablement bien dans ce tourbillon boulevardier incessant, qui ne laisse aucun répit, et par le rythme de la mise en scène de Christophe Perton. Elle est à la fois tonitruante et émouvante. Charles Berling incarne une espèce de monstre tout en froideur, impassible, dont le jeu laisse entrevoir les failles de son personnage. Maria de Medeiros est lumineuse, incandescente. La barre est haute pour les jeunes Emile Berling et Lola Creton dont le jeu a certainement du murir depuis la création de ce spectacle en 2020, qui désormais poursuit sa carrière sur les planches du théâtre Hébertot.
Stéphane CAPRON – www.scenweb.fr
LES PARENTS TERRIBLES
De Jean COCTEAU
Adaptation et Mise en scène : Christophe PERTON
Avec
Muriel MAYETTE-HOLTZ, Yvonne
Charles BERLING, George
Maria DE MEDEIROS, Léo
Emile BERLING, Michel
Lola Creton, Madeleine
Scénographie, Christophe PERTON
Avec la collaboration de Barbara CREUTZ
Collaboration artistique, Camille MELVIL
Création sonore et musiques, Emmanuel JESSUA
Création lumières, Éric SOYER
Création costumes, Agnes FALQUE
Régie générale, Pablo SIMONET
Administratrice de production, Cendrine FORGEMONT
Chargé de production, Laurent CODAIR
Production Scènes&Cités.
La compagnie Scènes&Cités est conventionnée par :
Drac Auvergne-Rhône-Alpes
Région Auvergne-Rhône-Alpes
la Région Auvergne Rhône-Alpes.
Coproduction Théâtre National de Nice – CDN Nice Côte-d’Azur / Radiant-Bellevue-Caluire
/Lyon / Le Liberté – scène nationale Chateauvallon-LibertéDurée : 2h05
Théâtre Herbertot
à partir du 22 février 2023
du mardi au samedi à 21h00 – matinée le dimanche à 15h30
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