Les voyous voyeurs de Genet sous haute surveillance
Jérémy Lopez, Sébastien Pouderoux, Pierre Louis-Calixte et Christophe Montenez photo Vincent Pontet
Au Studio du Louvre, les voyous de Jean Genet ouvrent la saison de la Comédie-Française dans Haute surveillance dont la mise en scène de Cédric Gourmelon explore les dimensions fantasmatiques et liturgiques. Sébastien Pouderoux domine une distribution exclusivement masculine dans le peau d’un criminel fataliste et ambigu qui magnétise.
Incarcéré et condamné à mort, il est comme le maître de la prison. Yeux-Verts est celui qui aimante le regard des petits malfrats qui tous l’envient, le convoitent. Accablé, il se laisse tomber sans résister mais sans rien perdre de son aura superbe. Par un jeu hiératique et profond, tout en puissance et en retenue, Sébastien Pouderoux, grande silhouette brune et sportive, donne de l’allure à son personnage défait et transcendé. Les deux autres prisonniers sont dessinés d’une manière moins équivoque. Lefranc (Jérémy Lopez dans un registre nerveux) et Maurice (Christophe Montenez à l’angélisme doucereux) s’adonnent à des jeux d’attirance et de rivalité. Pierre Louis-Calixte complète le solide quatuor dans le petit rôle du gardien de cellule.
Dans l’univers de la prison cher à Genet règne un climat de violence et d’érotisme latents. Moins provocant et dérangeant que Splendid’s ou Le Balcon, moins subversif qu’Un Chant d’amour, magnifique moyen-métrage où Genet sublime la relation homosexuelle de détenus sous l’œil d’un maton, Haute surveillance n’est que la première pièce de l’auteur et reste aussi la moins connue. Néanmoins, elle contient en germe un de ses thèmes favoris : la sacralisation du malfrat. Minable ou aguerri, il est un réel objet de fascination.
Très épurée, stylisée, sans temporalité particulière, la mise en scène est avare en propositions fortes mais baigne dans un équilibre de douceur et d’âpreté. La réalité carcérale n’est pas directement montrée mais juste évoquée par la nudité d’un plateau insulaire, bordé de sable noir et d’une opaque façade oppressante. Les acteurs d’abord distants se touchent, se brutalisent, ils se parlent les yeux dans les yeux et quasiment bouche contre bouche. Entre domination et séduction, ces bandits ne sont pas loin de passer pour des Saints.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Haute Surveillance de Jean Genet
Mise en scène : Cédric Gourmelon
Scénographie : Mathieu Lorry-Dupuy
Costumes : Cidalia Da Costa
Lumières : Arnaud Lavisse
Assistanat à la mise en scène : Morgann Cantin-Kermarrec
Avec Pierre Louis-Calixte, Jérémy Lopez, Sébastien Pouderoux, Christophe Montenez
Durée : 1h15Studio de la Comédie-Française
16 sept 2017 29 oct 2017
18h30
Du mercredi au dimanche
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