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« Les Brigands » : Offenbach à la mode queer et voguing

Coup de coeur, Les critiques, Opéra, Paris
Barrie Kosky met en scène Les Brigands d'Offenbach à l'Opéra national de Paris

Photo Agathe Poupeney

Au Palais Garnier, Barrie Kosky met en scène l’opéra-bouffe du compositeur franco-allemand dans une esthétique foisonnante. Les brigands y deviennent une horde de créatures exubérantes qui portent le travestissement à des sommets de panache. Un sacré coup de frais propulse sur ce spectacle grandiose porté par une distribution à couper le souffle.

Ambiance voguing au Palais Garnier avec ces Brigands sexy en diable, hauts en couleur et flamboyants que le metteur en scène australien Barrie Kosky plonge dans le bain de la contre-culture queer propre à notre époque ! Et la salle historique de l’Opéra de Paris, haut lieu de tradition et de répertoire, d’accueillir créatures fantasques et travestis extravertis, métissage et diversité, dans une fête de l’inclusion bienvenue qui prouve une fois de plus sa capacité à se renouveler, à refléter les enjeux de notre monde, à faire entrer les chefs-d’œuvre du passé en résonance avec aujourd’hui. Le résultat est sensationnel, plein de panache et de pertinence, un mélange optimal de festivités débridées et de perfection au détail près. Tout, dans ce geste artistique irrévérencieux et joyeux, confine au plaisir des yeux et des oreilles, et la satire échevelée d’un Offenbach en pleine forme enjambe les siècles dans l’allégresse d’une relecture d’actualité. L’ensemble délaisse le romantisme propre au XIXe pour s’ancrer, en chaussures plateformes et bottes de cow-girls, dans une effusion de styles, une hybridation des genres et un brassage de cultures, qui non seulement fait son effet (pétaradant !), mais également sens.

Car l’opéra-bouffe d’Offenbach déploie en son sein un goût certain pour la métamorphose et le travestissement, et se joue des étiquettes autant que de l’hypocrisie sociale. Dans une réécriture à chaud et une transposition des dialogues en prise directe avec la crise politique actuelle, ponctuée de piques qui font mouche et de clins d’œil complices au public – saluons la remarquable adaptation du dramaturge Antonio Cuenca Ruiz –, l’alternance de langage parlé et chanté fustige avec un délice non dissimulé, et une bonne dose subversive, nos escrocs du moment, hommes politiques et consorts qui en prennent assurément pour leur grade. Le rythme est là, enlevé, ponctué de courses hilarantes et de chorégraphies toniques signées Otto Pichler qui empruntent aux danses urbaines, en particulier au voguing, leur langage corporel. Les danseurs et danseuses s’en donnent à cœur joie. Ils et elles ont du panache à revendre, souplesse et puissance, dans leurs shorts à paillettes et bottines en vinyle.

Les costumes de Victoria Behr sont renversants dans leurs chromatismes, jeux sur les volumes, matières et reflets de la lumière, que l’on nage en pleine soirée clubbing avec ses looks affriolants ou que l’on pénètre dans la cour espagnole, sortie tout droit d’un tableau de Vélasquez, avec ses robes inspirées du Siècle d’or. Les Ménines prennent vie dans une entrée en scène éblouissante en forme de procession digne des parades royales et défilés de la cour d’antan, tandis que la horde de brigands déguisés en pauvres hères réclamant l’aumône, couverture grise et rêche sur les épaules ou capuche sur la tête, rappelle les mendiants peuplant certaines toiles de Picasso. Tout ici est tableau mouvant d’une absolue précision, d’une beauté faramineuse, plans cinématographiques miroitant de mille feux, composition impeccable. La scénographie signée Rufus Didwiszus n’est pas en reste et participe de l’esthétique d’ensemble. Elle déploie ses tonalités en noir et blanc pour mieux accueillir la débauche de couleurs vives apportée par les costumes. Les murs d’un vieux palais grisonnant graffés à la bombe blanche d’un « Ni Dieu, ni maître, ni patron », agrémenté à la va-vite de dessins de têtes de mort, déclinent dans le décor la subversion à l’œuvre dans cette intrigue maculée d’impertinence et de « scandales » scandés à intervalles réguliers. Les toiles peintes apportent leur lot de paysages et natures mortes lors des changements de lieux. Visuellement, c’est du grand spectacle, exubérant à souhait et somptueux.

Quant à la musique, trépidante, joueuse et joviale – du Offenbach tout craché –, elle est menée tambour battant par le chef Stefano Montanari, tandis que les chœurs, nombreux, toujours en mouvement, mêlés à l’ensemble dans une fluidité épatante, occupent une place essentielle, fruit d’un travail admirable de la cheffe de chœurs Ching-Lien Wu. Dans le rôle central de Falsacappa, le chef de bande des truands, leader charismatique de cette armée de voyous rebelles et prompts à taper du poing sur la table pour signifier son mécontentement et faire valoir ses droits sociaux, Marcel Beekman fait des merveilles, drag queen jumelle de Divine, tout droit sortie du film de John Waters, Pink Flamingo. Maquillage XXL, robe sirène rouge électrique, perruque peroxydée et talons de douze au bas mot, le ténor est méconnaissable dans la succession de ses accoutrements tous plus étincelants les uns que les autres. Il varie les registres avec une aisance confondante et donne un relief nouveau à ce personnage archétypal et ultra genré du livret d’origine.

Contre toute attente, la proposition sonne juste tant l’opéra-bouffe est construit autour du déguisement comme principe dramaturgique. Ici, on change de costume pour jouer tout simplement, ou pour mieux berner et détrousser les puissants. Et ce n’est pas tant l’argent qui compte, mais la liberté qui les irrigue, et ce choix de vie à la marge, cette communauté syndiquée repensée autour d’une figure magnétique de matrone-patronne. Flingues en bandoulière et ruse chevillée aux basques, ces brigands ne sont au bout du compte pas bien méchants. Et l’amour, ici aussi, est un ressort nécessaire, un levier de l’intrigue capable de convertir la fille du chef en honnête femme et un banquier épris en bandit des grands chemins, voleur acquis à la cause de la troupe. Tout n’est que théâtre, farandoles et envolées lyriques, tout n’est que duperie et tromperie, tout n’est que jeu et faux semblants. Barrie Kosky fait de ces brigands des saltimbanques sans foi ni loi, burlesques et cartoonesques à la fois.

Le spectacle pullule de références à la pop culture, tubes espagnols, détournements de paroles et humour, égrainant leur bonne humeur à tout va. Utilisés avec parcimonie, il ne se serait agi que de simples écarts drolatiques sans plus de vertu qu’un amusement facile, mais leur usage à la louche est la marque évidente d’une volonté affirmée de brasser culture populaire et savante, de revenir aux origines de l’opéra-bouffe, accessible à tout public, de créer, dans l’hétérogénéité des matériaux et références, un terrain de fluidité foisonnant et sans jugement.

Dans cette allégresse divinement orchestrée, citons également Marie Perbost, soprane incandescente dans le rôle de Fiorella, vêtue d’un jupon à froufrou et à rayures, créature aux cheveux rouges extraite d’un film de Tim Burton, dont l’entrée en fanfare comme une star conservera son intensité jusqu’au bout. La chanteuse est un phénomène, sa voix ronde un délice, son jeu généreux, et elle emporte tout sur son passage, à commencer par l’adhésion du public. À ses côtés, en amoureux transi, Antoinette Dennefeld (formidable en Fragoletto) assure sa partition et sa conversion avec un plaisir certain et communicatif. C’est toute la distribution qui brille dans son ensemble, sous-tendue par une harmonie, vocale certes, mais aussi par une qualité d’interprétation qui porte à son summum les prouesses réalisées.

Marie Plantin – www.sceneweb.fr

Les Brigands
Opéra-bouffe en trois actes (1869)
Musique Jacques Offenbach
Livret Henri Meilhac, Ludovic Halévy
Direction musicale Stefano Montanari (sept., oct.), Michele Spotti (juin, juil.)
Cheffe des Chœurs Ching-Lien Wu
Mise en scène Barrie Kosky
Avec Marcel Beekmann, Marie Perbost, Antoinette Dennefeld, Yann Beuron, Laurent Naouri, Mathias Vidal, Philippe Talbot, Adriana Bignagni Lesca en alternance avec Eugénie Joneau, Leonardo Cortellazzi, Éric Huchet, Franck Leguérinel, Rodolphe Briand, Ilanah Lobel-Torres en alternance avec Héloïse Poulet, Clara Guillon, Maria Warenberg, Doris Lamprecht, Hélène Schneiderman, Luis Felipe Sousa, Marine Chagnon
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris
Décors Rufus Didwiszus
Costumes Victoria Behr
Lumières Ulrich Eh
Chorégraphie Otto Pichler
Dramaturgie Antonio Cuenca Ruiz

Durée : 3h (entracte compris)

Opéra national de Paris, Palais Garnier
du 21 septembre 2024 au 12 juillet 2025

23 septembre 2024/par Marie Plantin
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