Le directeur d’anthéa, Théâtre d’Antibes invite Aurélie Saada pour sa première fois au théâtre et s’empare du texte de Botho Strauss dans une proposition fade et éculée.
Familier de Botho Strauss, révélé notamment à travers les mises en scène de Peter Stein, Daniel Benoin, ancien directeur de la Comédie de Saint-Étienne, puis du Théâtre national de Nice, revient à Personne d’autre, un texte issu du recueil de nouvelles éponyme du dramaturge allemand qu’il avait déjà adapté en 1992, confiant alors le rôle à l’actrice Anémone. Même idée trente ans après : déplacer une artiste de son registre habituel en lui proposant l’écrin d’un seul en scène voulu sensible et intime. Ici, Daniel Benoin invite Aurélie Saada, chanteuse, actrice et réalisatrice, connue notamment pour avoir fondé le duo Brigitte avec Sylvie Hoarau. Courageuse idée, qui aurait pu être attrayante, de voir Aurélie Saada s’emparer, pour sa première fois sur les planches, de ce monologue peu mis en scène.
Il s’agit d’une lettre qu’une femme éplorée adresse à l’homme avec qui elle a passé dix-sept ans de vie commune et qui s’apprête à se marier avec une autre, plus jeune. Dans la solitude d’un appartement vide et décrépit, emmitouflée dans la veste de cet amour qui n’est pas encore éteint, une femme est étendue au milieu de chutes de papier. Ce sont les brouillons raturés des mots qu’elle n’est jamais parvenue à dire à cet homme qui l’abandonne et qu’elle lui adresse alors dans toute sa solitude. Une situation de boulevard prétendument éclairée d’un jour nouveau par le prisme de la douleur.
Hélas, au-delà d’un texte daté et d’une mise en scène faussement épurée, la proposition ne dit pas grand-chose de la souffrance. Si Botho Strauss a su peindre des personnages féminins complexes et énigmatiques, jamais frontalement lisibles, mais souvent sous-tendus par une forme de lucidité – Le Temps et la Chambre, Grand et petit –, ce texte-là ne dit rien d’autre de cette femme abandonnée que sa détresse face à la solitude imposée. Dessinée en creux par sa relation avec cet homme, qu’est-elle hormis l’objet de « son désir, de sa parole, de son regard, de sa séduction, sa recherche, son enlacement » ? Les images d’un monde rendu inaccessible projetées sur les murs de l’appartement vide – le salon bourgeois qui aurait pu être l’intérieur du couple, un jardin en été, une scène de noces fantasmées – ancrent d’autant plus le texte dans une réalité mièvre et empêchent la proposition de prendre la hauteur aux accents existentialistes que peut avoir la plume de Botho Strauss.
Dans cet écrin, difficile pour Aurélie Saada de colorer ce monologue d’une autre palette que celle de la femme blessée, de laquelle elle ne parvient pas à s’extraire. Enfermée dans un registre unique, elle a du mal à exister réellement et à faire parvenir jusqu’à nous une proposition qui ne dit rien de la douleur, et qui finalement lasse.
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
Personne d’autre
de Botho Strauss
Traduction Claude Porcell
Adaptation et mise en scène Daniel Benoin
Avec Aurélie Saada
Décors Virgile Koering
Costumes Nathalie Bérard-Benoin
Lumières Daniel Benoin
Vidéo Paulo Correia
Assistante mise en scène Kelly RolfoProduction anthéa, Théâtre d’Antibes – DBP
Durée : 1h15
anthéa, Théâtre d’Antibes
du 7 au 23 janvier 2025
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