Daniel Benoin boulevardise Woody Allen
Les adaptations de Woody Allen au théâtre sont assez rares. On se souvient de celle de September par Christiane Minazzoli en 1999 ou plus récemment Puzzle, trois courtes pièces jouées par Michel Aumont, Gérard Lartigau et Anne-Laure Lioret au Palais-Royal en 2007. Daniel Benoin, le directeur du Théâtre National de Nice a adapté le scénario du film Wathever works. L’histoire de ce scientifique quinqua, dépressif, misanthrope, aigri et qui rate son suicide. Dans le film, le comédien Larry David s’adresse au spectateur face caméra. Au théâtre, Daniel Benoin a repris le procédé et très souvent Michel Boujenah s’avance face au public pour raconter son histoire.
Dans Après tout, si ça marche la vie du narrateur est bouleversée par l’arrivée d’une jeune fugueuse de 22 ans, Mélanie (Nora Arnezeder), fraichement débarquée de Villefranche de Rouergue. C’est la grande surprise de l’adaptation de Daniel Benoin. Ici pas d’atmosphère à la new-yorkaise, nous sommes au cœur de Paris. On retrouve le héros, Maurice Grossmann à la terrasse d’un bistrot avec ses amis. Daniel Benoin a transposé l’action en France sans changer le caractère des personnages. C’est assez bien réussi avec des clins d’œil à l’actualité. On évoque François Barouin (le gendre idéal) ou Christine Boutin lorsqu’il s’agit de qualifier la mère de Mélanie (Christiana Reali), belle provinciale, prude et catholique traditionnelle mais dont la vie parisienne va transformer sa vie (elle va se mettre en ménage avec deux hommes).
On retrouve tout le piment de l’écriture de Woody Allen, l’humour juif, le rapport à Dieu, la critique du conservatisme de la société. « Si on m’oblige à manger cinq fruits et légumes par jour, alors je ne peux plus vivre », « La France n’a jamais été un pays de liberté. Le Peuple déteste toujours l’étranger », « En France il y a des camps de tout pour les jeunes, il devrait y avoir des camps de concentration »…Michel Boujenah dans ce rôle physique s’en donne à cœur joie. Le tout dans une mise en scène qui frôle un peu trop le théâtre de boulevard. C’est dommage car la scénographie est assez efficace : des panneaux montent et descendent pour signifier les changement de lieux, les éléments de décor sont amenés sur des praticables roulant (même si à Marigny la mécanique n’est pas encore totalement huilée).
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr – 18/04/12
Après tout, si ça marche… [Whatever Works]
Création
D’après le scénario du film de Woody Allen Whatever Works
Texte français, adaptation et mise en scè̀ne Daniel Benoin
Avec
• Clément Althaus [Mario, ami de Jean]
• Nora Arnezeder [Mélodie]
• Jacques Bellay [Léo, ami de Joseph]
• Matthieu Boujenah [Charles]
• Michel Boujenah [Maurice]
• Paul Chariéras [Joseph, ami de Maurice]
• Jonathan Gensburger [Pierre, garçon promeneur de chiens]
• Charlotte Kady [Mathilde / Hélène]
• Éric Prat [Jean, père de Mélodie]
• Cristiana Reali [Marie-Laure, mère de Mélodie]
• Décor Jean-Pierre Laporte
• Lumière Daniel Benoin
• Costumes Nathalie Bérard-Benoin
• Vidéo Paulo Correia
• Assistant à la mise en scène Clément Althaus
Production Théâtre National de Nice – CDN Nice Côte d’Azur, Théâtre Marigny – Paris
• Après tout, si ça marche… [Whatever Works] est repré́senté dans les pays de langue française par Dominique Christophe / l’Agence, Paris en accord avec Irwin Tenebaum, Esq., Loeb & Loeb, 10100 ; Los Angeles, CA
Durée 1 h50
Théâtre National de Nice, Salle Pierre Brasseur • 13 mars > 10 avril 2012
Théâtre Marigny, Paris • À partir du 17 avril 2012
La critique est succincte et le titre inapproprié.
La pièce est le clone de l’excellent film de Woody Allen qui n’a probablement pas été vu par Stéphane Capron. Hors la « localisation » française de la situation on y retrouve les mêmes répliques et les mêmes situations. La pièce est « boulevardisée » si on considère que Woody Allen fait du théâtre de boulevard.
Le jeu de Boujenah est parfait et juste. Celui de Nora (Mélodie) demande à mûrir encore. Ce qu’elle fait d’ailleurs au cours de la pièce. Elle est quand même un joli tempérament en devenir. Cristiana Reali est plutôt bien dans ses outrances. Difficile de juger des autres intervenants qui font des passages trop rapides – la faute à Woody – mais sympathiques.
La mise en scène est variée et pleine d’effets amusants et élaborés. Oui, une ou deux transitions ont été laborieuses et auraient été gênantes dans Le Cid, mais ont diverti le public sans perturber l’intrigue. Le rodage arrangera ça.
Un excellent spectacle où l’on ne s’ennuie pas une seconde.
« une aspirine pour deux » de W.A. mise en scène de Francis Perrin a été jouée au théâtre du Gymnase en 1976 avec Serge Sauvion