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Une Hamlet au royaume des fous

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Gérard Watkins monte Hamlet de Shakespeare
Gérard Watkins monte Hamlet de Shakespeare

Photo Pierre Planchenault

Malgré la performance d’Anne Alvaro dans le rôle-titre, la traduction trop ampoulée et les intentions forcées de Gérard Watkins handicapent plus qu’elles ne servent le chef d’œuvre shakespearien. La pièce a été créée sans public au TnBA, avant une tournée prévue à partir de février. 

Hamlet au féminin. Le choix opéré par Gérard Watkins est, sans doute, moins audacieux qu’il n’y parait. D’abord parce que la distribution à contre-genre est devenue monnaie courante sur les plateaux de théâtre pour éclairer certains personnages d’un jour nouveau ; ensuite parce que cette figure parmi les plus fameuses de l’œuvre de Shakespeare ne cesse – davantage, il est vrai, à l’étranger qu’en France – d’être incarnée par des femmes comme pour souligner son potentiel hautement fluide. Le coup de génie du metteur en scène est alors moins d’avoir retenu une comédienne que d’avoir confié ce rôle à la comédienne, celle à qui les habits du fils du défunt roi du Danemark iraient comme une seconde peau, Anne Alvaro.

Grâce à sa présence particulière, à son grain de voix reconnaissable entre mille, l’actrice avait, a priori, toutes les qualités pour faire rayonner le « délire de petitesse » dans lequel s’enlise l’héritier meurtri, celui qui, selon une mécanique décrite par Freud dans Deuil et Mélancolie, convoque les fantômes des disparus. A l’épreuves des planches, elle y parvient, souvent, notamment lorsqu’elle est seule à la barre, comme lors du célèbre monologue d’Hamlet où elle lui offre toute son ambivalente noirceur, à mi-chemin entre la folie et l’extra-lucidité, la soif de vengeance et l’incommensurable douleur. Sauf que la comédienne est bien la seule à donner du lustre à la retorse complexité de la pièce du grand Will, et ne réussit pas, malgré son talent, à maintenir à flot un spectacle qui semble diriger contre le texte lui-même.

Car, à trop vouloir le façonner à sa main, Gérard Watkins a pris le risque de le tordre et, ce faisant, de l’abîmer. Habitué à monter ses propres écrits, le metteur en scène a voulu revenir à la base et retraduire la pièce d’origine. Là où certains le font, à raison, pour débarrasser le substrat de ses oripeaux langagiers et atteindre l’os dramaturgique, lui s’est abandonné à l’excès inverse. A l’écoute comme à la lecture, sa traduction apparait hypertrophiée, ampoulée, lourde. La langue est parfois belle, mais le trop-plein de formules, qui entendent transmettre un premier niveau de lecture, rend l’ensemble trop dense, presque pataud, et génère des difficultés de compréhension de l’intrigue, en particulier pour ceux – et ils seront peut-être nombreux – qui la découvriraient.

D’autant que ses intentions de mise en scène maquillent, bien plus qu’elles ne révèlent, les lignes de force de l’oeuvre shakespearienne, et prennent le risque du contre-sens. Dans un décor digne, sans que l’on comprenne vraiment pourquoi, des sixties, voilà Hamlet immergé au royaume des fous. Toute en force, y compris dans la gestuelle et les mimiques, la direction d’acteurs tend à lisser, voire à sacrifier, les personnages, sans que les comédiens, en eux-mêmes, ne déméritent. Au lieu d’être creusés, d’avoir la mystérieuse épaisseur qui leur revient, ils ne sont que les pions d’un asile informe où les enjeux, pourtant nombreux, peinent à affleurer et l’intensité tragique à advenir. A la recherche d’une improbable charge comique, Gérard Watkins y va au forceps. Il tente de décaler la tragédie, jusqu’au grotesque, sans voir qu’elle lui résiste et le laisse au milieu du gué. Traité sur un mode quasi-parodique, l’épilogue sanglant est à ce point dysfonctionnel qu’il s’impose comme la preuve la plus tristement étincelante de cette situation d’échec. Tel le mur qui clôturerait l’impasse dans laquelle le metteur en scène s’est fourvoyé.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Hamlet
de William Shakespeare
Traduction et mise en scène Gérard Watkins
Avec Anne Alvaro, Solène Arbel, Salomé Ayache, Gaël Baron, Mama Bouras, Julie Denisse, Basile Duchmann, David Gouhier, Fabien Orcier, Gérard Watkins
Lumières Anne Vaglio
Scénographie François Gauthier-Lafaye
Son François Vatin
Costumes Lucie Durand
Assistantes à la mise en scène Lucie Epicureo, Lola Roy

Production Perdita Ensemble
Coproduction Théâtre national de Bordeaux-Aquitaine, Théâtre de Lorient, CDN Besançon Franche-Comté
Avec le soutien du Jeune Théâtre National et du Fijad
Partenaires Comédie de Caen – CDN de Normandie, Théâtre de la Tempête

Durée : 3h15 (entracte compris)

Théâtre de la Tempête, Paris
du 2 au 14 février 21

Comédie de Caen – CDN de Normandie
les 21 et 22 avril 21

puis au CDN Besançon Franche-Comté, au Théâtre national de Bordeaux-Aquitaine et au Théâtre de Lorient lors de la saison 2021-2022

9 janvier 2021/par Vincent Bouquet
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