Dans les coulisses du CNAC, le Centre National des Arts du Cirque, au contact du spectacle en gestation de la 33ème promotion, porté par Séverine Chavrier où jeunesse rime avec fête, trouble-fête et lendemain de fête. Il se déroule du 1er au 12 décembre 2021 à Châlons-en-Champagne avant de partir en tournée.
Chaque année, la promotion sortante du CNAC, le Centre National des Arts du Cirque, situé à Châlons-en-Champagne, s’illustre dans un spectacle de sortie qui marque la fin d’un cycle de 3 ans de formation et l’entrée dans le monde professionnel. Une étape charnière donc, qui a pour but de valoriser chaque élève dans sa discipline tout en ayant vocation à proposer au public une véritable création, au-delà d’un simple enchaînement de numéros individuels. Pour cela, l’école fait appel systématiquement à un.e metteur.se en scène ou chorégraphe extérieur.e renommé.e qui vient travailler au plus près de l’identité artistique de chacun tout en apportant sa patte, son univers, son esthétique propre.
Cette année, la 33ème promotion sortante est mise en scène, ou plutôt en piste, par Séverine Chavrier, actuelle directrice du Centre Dramatique National d’Orléans, familière du milieu circassien. A quelques jours de la première au CNAC, à deux mois de la première parisienne à la Villette, on s’est glissé dès le matin dans l’obscurité des gradins un 18 novembre froid et gris comme la monotonie.
Sous le chapiteau en dur situé au 1 rue du Cirque de Châlons-en-Champagne, Séverine Chavrier est en régie, micro en main, entourée de Simon d’Anselme de Puisaye au son, – élément fondamental des dramaturgies de la metteuse en scène – et de Jérémie Cusenier à la lumière. A la régie générale, Julien Mugica, semble partout à la fois, pour gérer les problèmes techniques, trouver des solutions au débotté. Il intervient dès que nécessaire, se replie en régie pour observer, il est dans le concret, indispensable et discret. Louise Sari à la scénographie est là aussi, elle a imaginé pour ce spectacle un tapis de verdure, une pelouse où s’ébroue et exulte cette jeunesse fougueuse et talentueuse.
Au centre, un portique compte deux trapèzes et une balançoire, comme pour mieux nous rappeler que le plaisir du cirque est avant tout un plaisir du jeu. Nous sommes dans un parc, sur le gazon d’un terrain de foot, dans un jardin où se préparent un mariage, une fête, un banquet. Quelques matelas les uns sur les autres jonchent les côtés de la piste où des circassiens allongés, avachis, en chaussettes, baskets ou pieds nus, en short ou jogging, tee-shirt ou sweat zippé, discutent, portable en main. Nous sommes dans les coulisses du spectacle mais le spectacle lui-même met à nu le hors champ, ce qui se joue en dehors de l’école, les relations des jeunes entre eux au sein de la promotion, ce qui les lie, à leur âge, au-delà de la pratique circassienne. Des rapports très tactiles, des corps décomplexés, le désir qui circule, les histoires qui se font et se défont, le goût de la fête, se mettre la tête à l’envers, tester ses limites via l’alcool et la drogue. Jouer avec le risque sur la piste et en dehors, au fond, c’est du pareil au même.
Comme dans Aria da Capo, la précédente création de Séverine Chavrier, où des adolescents pratiquant la musique à haut niveau devisaient sur leurs états d’âme, leur rapport au sexe et aux sentiments, à l’horizontal de matelas à même le sol, After All traque une fois de plus le hiatus entre des corps soumis à une extrême discipline, à une pratique assidue et sans concession, et ce qui se passe en dehors de l’entraînement quotidien, du travail, de leur instrument ou de leur agrès. Comment ces jeunes-là vivent-ils leur jeunesse justement ? C’est ce qu’interroge la metteuse en scène avec ces 15 interprètes de nationalités diverses tout en injectant, on le sent, des motifs récurrents constitutifs de son œuvre et de sa recherche : la famille dysfonctionnelle et nid de tensions, les rapports filiaux, le rire et le jeu, l’épuisement et le chaos, la folie et l’excès, le retour de certains accessoires et costumes à forte connotation (les matelas, les pneus, les robes de mariée, les masques, les fleurs en plastique, les canettes broyées et autres déchets…), la musique et le mix sonore comme matière sensible qui imprègne et pénètre les images scéniques, avec, toujours, des airs classiques qui se fraient un chemin dans des compositions électroniques, trouant les nappes entêtantes de notre époque de leur éclat sans âge.
Tout l’esprit de Séverine Chavrier est là et annonce un spectacle tiraillé entre l’ombre et la lumière, la solitude et le groupe, l’ambivalence de l’attraction des uns vers les autres, violence et douceur, sensualité et plaisir enfantin… Sur la piste, au cours de la journée, on voit défiler les scènes, les ambiances, les projections photos et vidéos, les corps laxes et souples, dans la détente ou l’effort, les corps désaxés, distordus, malmenés comme des pantins, les corps percussions, les corps qui se cherchent, s’attrapent, s’enlacent, font masse, les corps qui s’isolent, se balancent, grimpent au mât chinois en état de transe ou dans une partie de foot à la verticale, les corps qui se broient, se portent, se tendent la main, parlent ou chantent, se racontent, luttent et se débattent, dansent jusqu’à l’effondrement, vibrent intensément… Shakespeare s’invite dans la partie, infuse par en dessous, révèle leur désir de jouer aussi, de s’exprimer autrement que physiquement. Les interprètes, chacun dans sa spécialité, en acrodanse, au trapèze, fixe ou ballant, à la corde lisse, aux tissus ou fil souple, à la roue Cyr ou au mât chinois, porteurs ou voltigeurs, sont tous impressionnants d’audace et de maîtrise. Ils viennent de Suisse, d’Italie, du Brésil, d’Espagne, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, ou d’ici, et ce métissage, qui fait la richesse du CNAC, infuse cette création qui promet d’être intense et effrontée. En un mot, puissante. Autant dire qu’on l’attend impatiemment.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
AFTER ALL
Création collectiveLes artistes interprètes de la 33e promotion
Réhane ARABI Suisse Corde lisse – Guilhem CHARRIER France Acrodanse – Andrea CUTRI Italie Mât chinois – Debora FRANSOLIN PIRES DE ALMEIDA Brésil Tissus – Lucia HEEGE TORRES Espagne Trapèze ballant – Jules HOUDIN France Acrodanse – Helena HUMM Grande-Bretagne Trapèze fixe – Theresa KUHN Allemagne Fil souple – Liam LELARGE France Trapèze fixe – Victoria LEYMARIE France Fil souple – Kim MARRO Suisse Roue Cyr – Xavier MERMOD Suisse Portés acrobatiques (porteur) – Patricia MINDER Suisse Portés acrobatiques (voltigeuse) – Federica PINI SANDRELLI Italie Trapèze ballant – Josinaldo TAVARES PACHECO Brésil Mât chinoisSéverine CHAVRIER Direction artistique – Maria Carolina Vieira Chorégraphie – Amaury Vanderborght Conseil cirque – Analyvia LAGARDE, Julien MUGICA & Louise SARI Scénographie -Jérémie CUSENIER Création lumière – Simon D’ANSELME DE PUISAYE Création sonore – Romane CASSARD Costumes et accessoires – Frédéric LETERRIER Régie vidéo – Julien MUGICA Régie générale – Alexandrine Burgaud Régie plateau – Vincent Griffaut Régie lumière
Recommandé à partir de 12 ans
Durée 1h30Du 1er au 12 décembre 2021
dans le cirque historique de Châlons-en-Champagne
en collaboration avec la Comète, Scène nationale de Châlons-en-Champagne
1er, 3, 4, 8 & 10 décembre – 19h30
5, 11 & 12 décembre – 16hTOURNÉE 2022
Paris (75) – Parc de la Villette du 19 janvier au 13 février
Elbeuf (76) – Cirque Théâtre d’Elbeuf, Pôle national Cirque – Normandie dans le cadre du festival SPRING 1er, 2 & 3 avril
Orléans (45) – Centre dramatique national Orléans/Centre-Val de Loire 20, 21 & 22 mai
En RÉGION GRAND EST
Reims (51) – Le Manège, scène nationale-reims 11, 12, & 13 mars
Montigny-lès-Metz (57) – Cirk’Eole, dans le cadre du festival « Les nuits d’Eole »
21, 22 & 23 avril
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