En partenariat avec la Comédie-Française, Drameducation a demandé à cinq auteur⸱ice⸱s francophones d’adapter cinq pièces du célèbre dramaturge. Objectif : renouveler son oeuvre pour la rendre accessible au plus grand nombre, et notamment à ceux qui apprennent le français à travers le monde.
Déboulonner la statue du Commandeur. C’est le vaste chantier auquel s’est attelé Drameducation. Habitué, chaque année, dans le cadre du programme 10 sur 10, à organiser une résidence d’écriture où, pendant dix jours, dix auteur⸱ice⸱s composent chacun⸱e une pièce de dix pages avec dix personnages, à l’attention des professeurs de français et de français langue étrangère (FLE) à travers le monde, le Centre international de théâtre francophone en Pologne s’est cette fois attaqué au plus célèbre des dramaturges hexagonaux.
En 2019, déjà, l’organisation pilotée par Jan Nowak et Iris Munoz avait, en partenariat avec la Comédie-Française, demandé à dix auteur⸱ice⸱s de réécrire, en dix pages, dix pièces de Molière – L’Ecole des femmes, Dom Juan, Le Misanthrope, Georges Dandin, L’Avare, Le Tartuffe, Le Bourgeois gentilhomme, Les Fourberies de Scapin, Les Femmes savantes et Le Malade imaginaire –, à l’occasion des 400 ans de sa naissance célébrés en 2022. En forme d’édition bonus, ils ont, cette année, mis sur pied une résidence virtuelle qui s’achève ce vendredi 4 février.
Elle a conduit Marianne Dansereau, Marie Vaiana, Michel Bellier, Souleymane Thiâ’nguel et Merlin Vervaet, installés en Belgique, en France, en Guinée et au Québec, à s’emparer de cinq nouvelles oeuvres – Les Précieuses ridicules, Le Médecin volant, L’Impromptu de Versailles, Le Mariage forcé et La Critique de L’Ecole des femmes – pour les passer au tamis du présent. « Notre projet est de renouveler Molière afin de le rendre plus accessible, souligne Jan Nowak. En discutant avec des professeurs de français et de FLE à travers le monde, nous nous sommes rendu compte que les pièces d’origine étaient trop difficiles pour leurs élèves. Tant au niveau de la longueur que de la langue, un peu périmée. »
Des Youtubeuses à l’affaire Polanski
Face au monstre sacré, le quintette de dramaturges s’est lancé, avec un soupçon d’appréhension et une bonne dose de gourmandise. Chargée des Précieuses ridicules, Marianne Dansereau y est allée « à fond la caisse » et a transformé les fières jeunes filles dépeintes par Molière en un groupe de Youtubeuses et d’influenceuses. Dans la même veine, Marie Vaiana s’est inspirée de l’affaire Polanski et du coup de sang d’Adèle Haenel lors de la dernière cérémonie des César pour actualiser la polémique au coeur de La Critique de L’Ecole des femmes. « Rentrer dans la langue de Molière, se confronter à son rythme, se révèle passionnant car on apprend beaucoup de choses, assure-t-elle. Pour écrire, il s’inspirait d’ailleurs lui-même d’autres auteur⸱ice⸱s, ce qui nous donne une forme de légitimité. »
Au verbe réécrire, Michel Bellier préfère de son côté celui d’adapter. « Tout l’enjeu est de désacraliser Molière, de le faire descendre de son piédestal afin de pouvoir se montrer un peu irrévérencieux et iconoclaste, explique-t-il. De L’Impromptu de Versailles, j’ai gardé la structure, cette unique scène, à la fois simple et compliquée, en forme de compte à rebours, mais aussi l’idée de ces comédiens qui doivent répéter un spectacle. Cette mise en abîme perpétuelle est, selon moi, toujours d’actualité dans sa façon d’interroger les rapports au pouvoir, à la censure et aux détracteurs de tous bords. »
Loin de se comporter en gardienne du temple moliéresque, la Comédie-Française voit l’initiative de 10 sur 10 comme un moyen de susciter le désir des jeunes, et moins jeunes, francophones. « Il ne faudrait pas cantonner cet exercice à une traduction, affirme la responsable de son service éducatif, Marine Jubin. Les auteur⸱ice⸱s ont leur langue et réactivent le sens de l’oeuvre de Molière à travers elle, à l’aune d’une culture et d’une actualité. Ce lien entre le théâtre classique et le théâtre contemporain permet de découvrir des auteur⸱ice⸱s d’aujourd’hui, mais aussi de donner envie de lire, ou de relire, les pièces d’origine. » Attendue pour le mois de juin, la publication de ce nouveau tome des œuvres de Molière revues et corrigées devrait nourrir les festivités de son 400e anniversaire, prévues dans sa maison de la Place Colette à partir du 15 janvier 2022.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
« …nous nous sommes rendu compte que les pièces d’origine étaient trop difficiles pour leurs élèves. Tant au niveau de la longueur que de la langue, un peu périmée. »
« Audacieux » ? Non, consternant…
Superbe constat d’échec de l’Education Nationale à amener les jeunes à s’élever culturellement et intellectuellement. Et je ne suis même pas sûr que ce soit conscient.
Triomphe du nivellement par le bas. Aucune raison de se réjouir de la paupérisation assumée de la culture.
Vous me faites penser à cette ânerie, dénoncée par Alain Finkielkraut :
https://www.sauv.net/finkiel.php
Abaisser le niveau de Molière pour le rendre accessible… mais c’est l’inverse qu’il faut faire !
Et avec votre écriture inclusive imbécile! Franchement j’espère que vous allez vous planter !
Parfaitement d’accord. Ce qui est consternant c’est que la comédie française (majuscules non méritées) cautionne cette saloperie faite à la mémoire de Molière.
Nous ne nous plantons pas puisque ces courtes pièces ont un succès fou chez la jeunesse dans le monde. Désolée.
Ce succès rencontré auprès de la jeunesse ne me surprend pas plus que les cris d’orfraie répandus ici. Et pourtant il est bien plus difficile d’accompagner les publics dans leur découverte des textes que de répandre sa bile contre toute tentative éducative non conventionnelle…
Je suis animateur théâtral. Pas Metteur en Scène, non, juste un ouvrier de l’éducation populaire (sans majuscules, elle n’en a pas besoin pour afficher sa noblesse). Et depuis 25 ans, je travaille à construire des spectacles avec des amateurs de tous âges. Des enfants, des jeunes, des adultes et des retraités.
Nous n’avons, pour l’heure, monté que deux pièces de celui que – comme les comédiens du Français – j’appelle respectueusement « le Patron ».
Pourquoi seulement deux ? Parce que ça demande un travail colossal au commun des mortels de comprendre le sens de ces textes, et qu’on ne peut pas apprendre et jouer un texte qu’on n’a pas compris.
A la première lecture à la table du Bourgeois Gentilhomme avec l’ensemble de la compagnie, alors que je demandais à tous leur état d’esprit en ce début de travail, la comédienne qui allait jouer Madame Jourdain s’est écrié : « Oh ! Molière ! Faudrait le traduire ! »
En mon nom, celui de cette comédienne et de tous ses partenaires amateurs, qui ont finalement pris beaucoup de plaisir à monter ce spectacle, j’applaudis des deux mains en une ovation debout à l’initiative de Drameducation.
Pour célébrer les 400 ans de Molière, je suis en train d’écrire une pièce qui sera jouée par des enfants. Cette pièce s’intitule « Molière, faudrait le traduire ! » Le but est d’amener le jeune public (acteur et spectateur) à entrer chez Molière pour y goûter le plaisir de la langue. Parce que, n’en déplaise aux forts en thème, les textes du Patron ne sont pas d’un abord aisé ! C’est un ancien collégien, que la lecture imposée des fourberies de Scapin a bien failli dégoûter du théâtre, qui vous le dit.
Tiens ! Aujourd’hui je vais supprimer un bémol à la sonate de Scarlatti que je suis en train de travailler !…
Je suis d’accord avec vous ce bémol était d’un chiant…
Ce populisme culturel ne va pas assez loin. Il faudrait traduire Molière en grognements, mais je suis sûr que vous allez essayer prochainement, car du médiocre au pire, il n’y a point de degré. Espérons que vos amusements vous amusent et que les demi-instruits vous applaudissent : vous le valez bien, cela est votre projeeeet.
L’inclusivité, ce gloubi-boulga régressif qui veut réécrire Molière ! Pure idéologie woke, nivellement par le bas, révisionnisme culturel, tout y est. Demain on réécrit Zola, recompose Mozart, repeint Picasso. Aux œuvres, aux enseignants de régresser, pas aux élèves de s’élever !
Car il ne s’agit pas d’adaptation mais bien de réécrire l’histoire, l’œuvre sous un seul angle idéologique : rendre les œuvres compatibles avec une génération dont le temps de cerveaux est soumis à la dictature du pixel et de l’algorithme. Il n’y a aucun volonté de rendre lisible, d’ouvrir les champs de l’imaginaire, ni de transmettre. Cette initiative c’est juste de transformer l’œuvre en paquet de chips : accessible à tous, vite consommable.
Comment, Christine Angot n’a pas participé à cette entreprise de simplification de la langue française ? Je suis scandalisé.
des trissotins? C’est à pleurer ou a mourir de rire. Il nous faut un Molière pour écrire une pièce sur les traductions de ces pseudo-littéraires
Je trouve cette initiative totalement grotesque ..
Mon premier métier a été de diriger des Alliances française dans de lointaines contrées. La force du français c’est que Molière est compris de tous les francophiles, ce qui n’est pas le cas de Shakespeare qui est à peine compris par des anglophones d’Angleterre et fort peu ailleurs. Molière, c’est une belle langue, pleine d’humour et il est très agréable d’apprendre le français à sa lecture. Il manquait bien sûr aux nihilistes de l’écriture inclusive (je suppose qu’il va être réécrit par ces « autrices » (sic) en « langue inclusive »). Le crétinisme est en marche. Les nihilistes veulent déconstruire la France – et toute forme de civilisation en général – ils leur restait à « déconstruire » la langue. Je suis sûr qu’il vont trouver que les rôles de soubrettes sont sexistes, qu’il manque d’homosexuels dans les pièces et qu’ils vont y remédier.
Ce qui est remarquable dans cette harangue, c’est sa conclusion quelque peu obsessionnelle. On se demande franchement ce que les homosexuels viennent faire dans votre galère, monsieur (ou madame, peut-être, Claude étant épicène). On se demande aussi pourquoi le terme d’autrice vous rend si bilieux : Hildegarde de Bingen s’en servait pourtant. Quant au travail dont il est question ici — doux Jésus, il ne s’agit pas de remplacer Molière ! En 1807, Charles et Mary Lamb avaient publié leurs Tales from Shakespeare à l’intention du jeune public anglais. Dateriez-vous de cette funeste année la décadence de l’Empire britannique ?
Je n’ai jamais payé d’impôts dans ce pays de fous et m’en réjouis chaque jour en voyant à quelles âneries sert cet argent piqué dans la poche des Français.
Bonjour
Il peut être intéressant que l ensemble des ces textes sont enregistrés par RFI avec les comédiens français et diffusés sur notre antenne tous les derniers jeudis de chaque mois dans l émission De vive(s) voix .
Il s agit d un partenariat avec Drameducation
Qui après Molière : Corneille, Racine, Marivaux ? Pour le Cid on pourrait penser à des dealers de drogue ça rajeunirait ce vieux Corneille qui n’est plus à la mode
au secours!, La langue de Molière est d’une grande richesse, il ne faut pas y toucher! certains mots sont moins usités, et alors? ils ont leur sens, traduisent une subtilité de la pensée et des émotions. Ce n’est pas comme le vieux français de Rabelais, plus difficile à appréhender mais qui a aussi son charme.
Cette entreprise est totalement débile.Pourquoi pas le traduire en verlan ou en langue de la téci,en rap!
scandaleux.!
Quand la médiocrité fait référence.
Je me joints aux critiques déjà rédigées… Ce projet me semble démagogique et foireux d’un point de vue artistique. La langue de Molière et des auteurs de ces époques n’est en rien désuette; s’adapter à ce Français est tout à fait faisable… Ce projet est inepte, les auteurs qui se prêtent à ce type de simulacre devraient lire Baudrillard ou Debord: ce sont des imposteurs…
C’est affligeant de lire tant de commentaires de cuistres ignares et hargneux. La réécriture est un procédé aussi vieux que la littérature elle-même ! Il s’agit de créer des oeuvres nouvelles, inspirées des pièces de Molière. C’est aussi sot de dénoncer ce projet que d’accuser La Fontaine d’avoir affadi ou trahi le corpus ésopique -_- Par ailleurs, c’est navrant de lire que « La langue de Molière est d’une grande richesse, il ne faut pas y toucher » sous la plume de personnes qui ont certainement lu des éditions scolaires avec l’orthographe modernisée et non les textes originaux…
Grand merci pour cette remarque de bon sens sur l’éternel travail d’adaptation, de citation et de réécriture (de plagiat parfois, de traductions masquées) qui nourrit la littérature du monde entier… Y compris Molière. Félicitons-nous plutôt de ces proliférations éternelles et (re)lisons le Roman de Molière de Boulgakov, l’une des plus lumineuses.