Révélé au public par Pichet Klunchun and Myself, en complicité avec Jérôme Bel, l’artiste thaïlandais revient au Musée du Quai Branly avec deux spectacles, Black and White ainsi que Le Combat de Rama et Tadsakan.
La paire, improbable de prime abord, fit son petit en 2005 : d’un côté Jérôme Bel, de l’autre Pichet Klunchun spécialiste de danse traditionnelle thaï. Un dialogue dansé et beaucoup de questions. A l’époque Bel dira de cette expérience : « Nous en sommes arrivés à produire une sorte de documentaire théâtral et chorégraphique sur notre situation réelle. La pièce, donc, met en présence deux artistes qui ne savent rien l’un de l’autre, qui ont des pratiques esthétiques très différentes et qui essaient chacun d’en savoir plus sur l’autre, et surtout sur leurs pratiques artistiques respectives, malgré le gouffre culturel abyssal qui les sépare ». Le public allait découvrir un art très codifié à la grâce irréelle. Celui de Pichet Klunchun formé au khon, style classique thaïlandais.
En cette fin d‘année, Pichet est de retour avec sa propre compagnie pour une double invitation. Il présentera ainsi Black and White aux accents contemporains puis Le Combat de Rama et Tadsakan. Dans cette dernière pièce, Pichet Klunchun met en mouvement deux épisodes du Ramakien (la version thaïlandaise du Ramayana) pour 12 interprètes accompagnés de musiciens et narrateurs. On retrouve le danseur et chorégraphe par une froide matinée parisienne. Après une année sans se produite sur une scène étrangère, la compagnie fait sienne le théâtre du Musée du Quai Branly. Le confinement a laissé des traces. « Nous pensions que la crise sanitaire allait durer un an, pas deux ! Depuis plusieurs saisons, nous plaçons 30 % de nos recettes sur un compte, pour le futur de nos danseurs, pour pallier à d’éventuelles blessures. Avec le covid, tout a été englouti » raconte Klunchun. Il possède son propre théâtre à Bangkok depuis 6 ans mais ne reçoit aucune subvention du gouvernement. Il est à part. « Ici on me voit comme un chorégraphe contemporain, à l’étranger comme un artiste traditionnel » s’amuse-t-il. Et de naviguer à vue, essayant d’obtenir le meilleur de ces solistes dans cet art du khon. « La discipline est importante, elle est quotidienne pour nous. Mais il faut également savoir regarder les maîtres. Ils gardent souvent leur secret. Ce que vous ne pouvez pas apprendre à l’école ».
On demande alors à Pichet s’il est le même danseur entre Black and White et Le Combat de Rama et Tadsakan. Notre question le trouble. « Je ne suis plus le même interprète désormais, mon corps a changé, mes connaissances aussi. On ne peut pas être un maître avant 45 ans ». En aparté, il se désole de l’absence de regard critique porté sur les interprètes traditionnels, « employés » du gouvernement. Il veut, plus que tout autre, montrer une culture thaï au public actuel. Et le séduire. Durant les périodes confinées, Pichet Klunchin a proposé une danse d’offrande en ligne. Histoire de vivre dans le présent. Black and White est tout autant tourné vers le monde actuel. Une danseuse y interprète un rôle masculin, chose impossible dans la tradition khon. Pichet a commencé à travailler sur la pièce au moment des événements de rue en Thaïlande. Des milliers de manifestants, les chemises jaunes, réclamaient une démocratie. Même si c’est la lutte du bien et du mal qui est le fil de Black and White, Klunchun y voit des résonnances avec son univers. « En Thaïlande, on ne peut imaginer que la danse soit, en quoi que ce soit, politique ». Avant de le quitter, on question Pichet Klunchun sur sa rencontre avec Jérôme Bel. Qu’est-ce que cela a changé ? « Nous avons donné la pièce 140 fois je pense. Surtout j’ai proposé à une partie du public un goût pour autre chose. Cet art que je pratique ». Visiblement, les spectateurs ont apprécié. Les places se sont arrachés pour les représentations parisiennes en cette fin d’année.
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Black and White conception Pichet Klunchun, 11 et 12 décembre 2021
Le Combat de Rama et Tadsakan, 17 au 19 décembre 2021
Projection de Pichet Klunchun and Myself, 11 et 12, 18 et 19 décembre 2021Théâtre Claude Levi-Strauss, Musée du Quai Branly, Paris.
www.quaibranly.fr
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !