Le chorégraphe créé une pièce pour le programme contemporain du Ballet de l’Opéra de Paris. Et nous ouvre les portes de ses répétitions.
Dans les hauteurs du Palais Garnier, les couloirs s’animent au passage de ballerines masquées. Damien Jalet, casquette vissée sur le crâne, rejoint le studio de répétition. Il est un des quatre chorégraphes invités par la maison pour ce programme Créer aujourd’hui. Avec lui Tess Voelker, benjamine de l’aventure, Sidi Larbi Cherkaoui et Mehdi Kerkouche ont répondu à cette commande post-confinement. Jalet, comme beaucoup de créateurs, a vu sa saison chamboulée en mars dernier. Une création pour le Nederlands Dans Theater repoussée, sa propre pièce Planet avec des danseurs japonais décalée d’un an. L’invitation d’Aurélie Dupont, directrice de la danse à l’Opéra de Paris, aura été une bouée de sauvetage durant une année « comme bousculée par la vie ».
Pour Damien Jalet impossible de faire comme si : « je préparais Planet avec Kohei Nawa pour septembre 2020. Au printemps, il a été décidé de tout reporter. On ne pouvait pas faire comme si de rien était. » Jalet est un habitué des voyages et des jet-lag ; il va devoir alors repenser son temps. « Nous entrons dans une période où on ne peut plus anticiper ». Le chorégraphe, qui « aime semer des idées et les laisser venir peu à peu à lui » a plus que tout ressenti le besoin du studio et des interprètes. Il n’hésitera pas longtemps avant de dire oui à la directrice du Ballet. Il sait que la pièce doit se faire sans de grands moyens au niveau costume ou décor. Mais le plus précieux, un groupe d’une dizaine de solistes, vaut bien quelques sacrifices.
Aidé de son fidèle complice Aimilos Arapoglou, Jalet s’est mis au travail. « Je voulais continuer une conversation avec des artistes que j’aime, qui m’intriguent. On a vu les danseurs de l’Opéra dans des situations inédites ces derniers mois, sur le parvis de Garnier au moment des grèves, ou sur les réseaux sociaux rendant hommage aux soignants. Comme si l’institution devenait enfin perméable au monde ». Alors Damien Jalet va imaginer une danse très organique, puisant au motif de la vague notamment. « Ce qu’elle a de beau. Ou de menaçant. Quelque chose qui ne s’arrête jamais non plus. » Il a trouvé ce titre évocateur, Brise-Lames, « mon premier en français ! ». Dans la bouche du chorégraphe on entend « brise-l’âme »… Damien Jalet parle encore de doux et de dur, de ce qui coupe et ce qui casse.
Autour de lui on retrouve le musicien Koki Nakano et le photographe star JR – ce dernier travaillant l’idée de la perspective. « Un puzzle qui se dévoile » plaisante à peine son auteur, évoquant une abstraction chorégraphique « avec des références plus claires ». Il s’amuse enfin à imaginer les danseurs si proches du public « comme ils ne l’ont jamais été ». Les travaux au Palais Garnier ont nécessité l’installation d’une scène sur le proscenium, les rapprochant encore de la salle.
Dans Vessel sa précédente création « il y avait une dissolution de l’individu. Ici il y a quelque chose qui se révèle, notamment dans les différences de chaque danseur ». Face à nous, Aimilios montre le geste, précis et souple. De lui, Damien dit « qu’il porte toutes mes pièces en live ! ». Le Grec explique, montre, passe de l’anglais au français. Il est admirable de générosité. Il faut faire avec les aléas du moment, multiplier les services, croiser les doigts pour ne pas affronter un cas contact. De cette petite famille, Damien Jalet dit qu’ils « ont une prise de conscience qu’ils n’avaient pas au début ». Il ne cherche pas des danseurs qui apprennent des formes « mais des interprètes qui travaillent sur la qualité du mouvement ».
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Ballet de l’Opéra – Créer aujourd’hui
Chorégraphies de Damien Jalet, Tess Voelker, Sidi Larbi Cherkaoui et Mehdi Kerkouche pour le Ballet de l’Opéra de ParisPalais Garnier
du 5 au 28 novembre, à 18h
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